Enjeux de l’expérimentation « mai­sons de naissance » 
 
(Res­source pour l’ate­lier 4)

Michel NAIDITCH, méde­cin de san­té publique et cher­cheur au DIES

L’expérimentation du fonc­tion­ne­ment de Mai­sons de nais­sance (MDN) consti­tue une des quatre prio­ri­tés du plan péri­na­tal 20052008. Un groupe tech­nique (GT) plu­ri­pro­fes­sion­nel et dans lequel figurent des repré­sen­tants des usa­gers issus du Ciane et de l’Unaf a été mis en place par la DHOS au début de l’année 2005. Il a pour objec­tif de mettre en place fin 2006 le cahier des charges fixant les moda­li­tés de cette expérimentation.

Cette expé­ri­men­ta­tion est por­teuse de 4 enjeux majeurs concer­nant l’évolution du sys­tème péri­na­tal fran­çais. Le pre­mier concerne plus par­ti­cu­liè­re­ment les usa­gers en géné­ral ; le second, le Ciane et les sages femmes ; le troi­sième l’administration.

Mais aupa­ra­vant un retour his­to­rique sur l’évolution du fonc­tion­ne­ment du sys­tème péri­na­tal fran­çais est nécessaire.

1. Le contexte français

1.1 : des résul­tats péri­na­taux insatisfaisants…

Les résul­tats péri­na­taux de notre pays res­tent insa­tis­fai­sants par rap­port à d’autres pays de l’Union Euro­péenne. Le sys­tème péri­na­tal fran­çais actuel offre une sur­veillance coû­teuse de toutes les gros­sesses et accou­che­ments, liée à un usage inten­sif de dif­fé­rentes tech­no­lo­gies lors du sui­vi et de l’accouchement. Ain­si qu’il est écrit dans le rap­port de la Mis­sion Péri­na­ta­li­té de 2003 qui a ser­vi de base au plan péri­na­tal de 2004 : « Si la néces­si­té de soins inten­sifs ne fait aucun doute dans les situa­tions à haut risque, le débat est beau­coup plus ouvert dans les situa­tions à faible risque. Dans ces situa­tions, il a été mon­tré que l’excès de sur­veillance pou­vait être iatro­gène. Les don­nées dis­po­nibles laissent à pen­ser qu’il fau­drait à la fois faire plus et mieux dans les situa­tions à haut risque, et moins et mieux dans les situa­tions à faible risque. »

1.2 qui inter­rogent l’organisation des soins péri­na­taux en France.

Une fois ce constat fait, il faut essayer d’en com­prendre l’origine.

Ce qui sépare véri­ta­ble­ment notre sys­tème péri­na­tal de celui des autres pays euro­péens est qu’il n’existe pas chez nous, contrai­re­ment à nos voi­sins euro­péens, des filières dis­tinctes de prise en charge, les unes dédiées aux gros­sesses dites phy­sio­lo­gique et les autres aux gros­sesse dites à risque. Ce qui carac­té­rise une filière de prise en charge d’une gros­sesse est d’une part le groupe pro­fes­sion­nel qui en est res­pon­sable et d’autre part les lieux d’accouchement cor­res­pon­dants. Or en France, les obs­té­tri­ciens gardent entiè­re­ment le contrôle du sui­vi et de l’accouchement de l’ensemble des gros­sesses et toutes les femmes sauf excep­tions accouchent dans une mater­ni­té. A l’inverse, dans la majo­ri­té de nos voi­sins euro­péens ce sont des sages-femmes ou des infir­mières spé­cia­li­sées en obs­té­rique qui se sont vues confiées par les pou­voirs publiques, de façon plus ou moins expli­cite, la res­pon­sa­bi­li­té de la ges­tion du sui­vi des gros­sesses phy­sio­lo­giques et des accou­che­ments, et qui dis­posent pour cela d’une auto­no­mie impor­tante. Il existe par ailleurs des lieux d’accouchement dis­tincts (domi­cile ; salles de nais­sance au sein des mater­ni­tés gérées et pla­cées sous l’entière res­pon­sa­bi­li­té des sages femmes libé­rales ; bloc obs­té­tri­cal) selon la nature, phy­sio­lo­gique ou non de la gros­sesse. Les couples ont donc le choix entre dif­fé­rentes options.

L’origine de ces dif­fé­rences dans les modes d’organisation est la consé­quence directe du refus qua­si vis­cé­ral des pro­fes­sion­nels fran­çais à accep­ter que la majo­ri­té des gros­sesses puissent se dérou­ler de manière phy­sio­lo­gique et d’en déduire une orga­ni­sa­tion qui en tienne compte.

Même s’ils ont fini par admettre que les com­pli­ca­tions appa­rais­sant, soit lors du sui­vi ou se mani­fes­tant lors de l’accouchement, pou­vaient en grande par­tie être anti­ci­pées, c’est l’existence de com­pli­ca­tions extrê­me­ment graves mais raris­simes et pou­vant sur­ve­nir de manière impré­vi­sible lors de l’accouchement, qui conti­nue à déter­mi­ner le point de vue des obs­té­tri­ciens en matière d’organisation péri­na­tale et de la pré­do­mi­nance de l’usage des tech­niques néces­saires pour y faire face.

Ceci explique non seule­ment le phé­no­mène de cen­tra­li­sa­tion des nais­sances dans de grandes mater­ni­tés mais la sur­mé­di­ca­li­sa­tion pour­tant dénon­cée, de l’ensemble du sui­vi ain­si que des moda­li­tés d’accouchements spé­ci­fiques à la France. (on pour­ra lire sur ce der­nier point l’article de D. Car­ri­ca­bu­ru paru dans la revue « Socio­lo­gie du travail ».).

Cette résis­tance à accep­ter une véri­table dif­fé­ren­tia­tion des filières de sui­vi est aggra­vée par le fait sui­vant : A la suite de la mise en place de la poli­tique de trans­fert anté­na­tal du fœtus — contre laquelle, il faut le rap­pe­ler, la majo­ri­té des obs­té­tri­ciens s’est bat­tue durant près 20 ans, avant de devoir plier devant l’évidence des résul­tats démon­trant la faillite du sys­tème ancien (le trans­fert post­na­tal par smur du nouveau-né pré­ma­tu­ré —, les obs­té­tri­ciens du sec­teur pri­vé se sont de fait acca­pa­rés la plus grosse par­tie (60 %) du mar­ché lucra­tif des gros­sesses phy­sio­lo­giques, et sou­haitent le garder..

Enfin, si cer­tains obs­té­tri­ciens sont conscients que la démo­gra­phie des obs­té­tri­ciens rend invi­vable à moyen terme l’actuel sys­tème de prise en charge, rares sont ceux qui acceptent de le dire ouver­te­ment et d’appuyer des actions véri­ta­ble­ment inno­vantes et por­teuses de véri­tables changements.

Tous ces fac­teurs rendent donc dif­fi­cile une bas­cule bru­tale vers un sys­tème péri­na­tal qui se rap­pro­che­rait de ceux de nos voi­sins euro­péens. C’est pour­quoi toute évo­lu­tion, toute expé­ri­men­ta­tion qui serait sus­cep­tible de favo­ri­ser un véri­table chan­ge­ment, se doit d’être repé­rée et accueillie avec atten­tion par ceux qui sou­haitent une telle évolution.

C’est pré­ci­sé­ment le cas aujourd’hui de l’expérimentation des MDN, pour un cer­tain nombre de rai­sons que je vais déve­lop­per. Mais aupa­ra­vant, il faut parler…

1.3 : des effets para­doxaux du sys­tème péri­na­tal français

La sur­mé­di­ca­li­sa­tion du sui­vi des gros­sesses, mais aus­si des accou­che­ments « nor­maux », outre qu’elle est sus­cep­tible de mas­quer la capa­ci­té des femmes à enfan­ter dans un envi­ron­ne­ment moins médi­ca­li­sé mais non moins sécu­ri­sé, s’accompagne de consé­quences délé­tères dont trois méritent qu’on s’y arrête :

La pre­mière consti­tue un para­doxe en matière d’utilisation des com­pé­tences :
Les spé­cia­listes de la phy­sio­lo­gie que sont les sages-femmes et tra­vaillant dans des mater­ni­tés de niveau 2 ou 3 gèrent des gros­sesses à risque alors que les spé­cia­listes de la patho­lo­gie que sont les obs­té­tri­ciens s’occupent de gros­sesses phy­sio­lo­giques et inter­viennent lors des accou­che­ments correspondants.

Le second est l’augmentation des accou­che­ments à domi­cile non sou­hai­tés et subis. Ils cor­res­pondent de fait à des « nais­sances non-assistées et à haut risque » et consti­tuent un stig­mate majeur des dys­fonc­tion­ne­ments de notre sys­tème périnatal.

Le troi­sième est celui de l’augmentation du nombre d’AAD vou­lus.
Il s’agit de gros­sesses pour les­quelles les femmes concer­nées accom­pa­gnées tout au long de leur sui­vi et de leur accou­che­ment par des sages-femmes volon­taires, ont choi­si leur domi­cile comme lieu d’accouchement.

Cette forme de sui­vi et d’accouchement à domi­cile (AAD) qu’on pour­raît qua­li­fier de « sau­vage » au sens où il échappe à tout contrôle des auto­ri­tés, n’est pas for­mel­le­ment illé­gale, ce qui fait que les auto­ri­tés et les experts pro­fes­sion­nels, tout en les condam­nant, conti­nuent de les tolé­rer hypocritement.

Mais ils se font néan­moins dans des condi­tions qui néces­sitent de la part des femmes et des sages-femmes concer­nées une force de carac­tère excep­tion­nelle, dans la mesure ou elles reposent sur des pra­tiques qui vont à l’encontre des stan­dards pro­fes­sion­nels et cultu­rels actuels. Ceci implique de la part des femmes une indé­pen­dance d’esprit forte par rap­port aux repré­sen­ta­tions habi­tuelles de la gros­sesse ; ce qui n’est pas l’apanage de la majo­ri­té des futures mères dont les connais­sances en la matière demeurent for­ma­tées majo­ri­tai­re­ment par la culture médi­cale ; mais cette pra­tique sup­pose aus­si de la part des sages-femmes une prise de risque, non pas au sens médi­cal du terme mais au sens assu­ran­tiel et professionnel.

Si accou­cher à domi­cile dans ces condi­tions est donc sus­cep­tible de ne concer­ner qu’une mino­ri­té de femmes et de SF, l’existence de ce type d’AAD consti­tue pro­ba­ble­ment la par­tie émer­gente d’une demande plus impor­tante en volume mais aujourd’hui cachée car non sus­cep­tible de trou­ver une issue léga­le­ment instituée.

Nous déplo­rons, tout comme le CIANE, que l’expérimentation pro­po­sée par le minis­tère, n’ait pas rete­nu une option plus ouverte qui aurait consis­té à tes­ter, dans un cadre expé­ri­men­tal, les AAD au même titre que ceux réa­li­sés dans des MDN.

Mais l’accouchement en MDN, même s’il ne four­nit qu’un cadre sub­sti­tu­tif impar­fait en terme de sui­vi et d’accouchement pour les femmes accou­chant aujourd’hui volon­tai­re­ment à domi­cile, peut néan­moins deve­nir à terme une réponse pos­sible pour un grand nombre de parents, deman­deurs d’un accom­pa­gne­ment du sui­vi des gros­sesses de la nais­sance, à la fois plus per­son­na­li­sé et démé­di­ca­li­sé et pré­sen­tant toutes les garan­ties en matière de sécu­ri­té et qui ne trouvent aujourd’hui pas de réponse à leurs attentes.

C’est là le pre­mier enjeu selon de cette expérimentation.

Le second enjeu de cette expé­ri­men­ta­tion est de créer les condi­tions ren­dant pos­sibles à terme la pos­si­bi­li­té l’accouchement à domicile. 

Cette éven­tua­li­té n’est aujourd’hui mal­heu­reu­se­ment pas envi­sa­geable, parce qu’elle remet trop bru­ta­le­ment en cause un ensemble de convic­tions et d’intérêts des pro­fes­sion­nels et de l’administration. La mise en place et le suc­cès pré­vi­sible de l’expérimentation des MDN dont le fonc­tion­ne­ment repose sur des prin­cipes simi­laires à celui de l’AAD, au lieu d’accouchement près, est donc sus­cep­tible de faire évo­luer ces convictions.

A nos yeux, l’accouchement à domi­cile n’aura de chance de s’imposer que si de véri­tables MDN font aupa­ra­vant la preuve de leur effi­ca­ci­té. Il faut donc s’efforcer d’agir de telle sorte que l’expérimentation pro­po­sée puisse se dérou­ler dans de bonnes condi­tions et soit éva­luée de façon objec­tive. c’est leur second enjeu.

Mais il en existe d’autres dont la nature dépend de la défi­ni­tion du concept de MDN.

2. MDN : une filière spécifique pour les grossesses physiologiques, plus qu’un lieu spécifique d’accouchement

Nous don­nons au concept de MDN la défi­ni­tion suivante :

Une Mai­son de Nais­sance est un lieu d’accueil, de sui­vi et d’accouchement qui consti­tue la pièce maî­tresse d’une filière spé­ci­fique de sui­vi des gros­sesses phy­sio­lo­giques. Elle est ouverte aux femmes enceintes et à leur famille, dès lors que la gros­sesse l’accouchement et le post-partum res­tent dans le cadre de la phy­sio­lo­gie. Elle doit être acces­sible sans aucune bar­rière à toutes les femmes qui en font la demande, dès lors qu’elles y sont éli­gibles. Tous les pro­fes­sion­nels y tra­vaillent en lien avec les membres du réseau régio­nal péri­na­tal mais plus par­ti­cu­liè­re­ment avec ceux de sa mater­ni­té de référence.

MDN donne ain­si son nom à une filière spé­ci­fique consti­tuant une alter­na­tive inno­vante aux autres filières de sui­vi de gros­sesses physiologiques.

Les trois élé­ments sui­vants consti­tuent la spé­ci­fi­ci­té et l’originalité de cette filière :

- Le sui­vi des femmes répond à la notion d’accompagnement glo­bal de la nais­sance, qui asso­cie une femme et une sage-femme réfé­rente pen­dant tout le dérou­le­ment de la gros­sesse, de l’accouchement et du post-partum immédiat.

- La MDN est une enti­té auto­nome, sans autre équi­pe­ment médi­cal que celui uti­li­sé par les sages-femmes. Ces der­nières assurent l’entière res­pon­sa­bi­li­té de sa ges­tion logis­tique et médi­cale, en toute auto­no­mie et confor­mé­ment aux com­pé­tences qui leurs sont recon­nues légalement.

- Elle peut se situer aus­si bien dans la mater­ni­té de réfé­rence qu’à dis­tance de celle-ci, dés lors que le trans­fert des femmes lors de l’accouchement se fait sans obs­tacle et sans néces­si­ter de moyens de trans­ports motorisés.

Plu­sieurs points sont cen­traux dans cette définition

Celle-ci, tout en res­tant com­pa­tible avec celle issue du Groupe Natio­nal sur les mai­sons de nais­sance, s’en dis­tan­cie en ce qu’elle met d’abord l’accent sur la notion de « filière MDN » dont l’existence repose sur la capa­ci­té des sages-femmes à prendre entiè­re­ment en charge et en toute auto­no­mie, tous les temps de la gros­sesse, dès lors que celle-ci demeure dans la physiologie.

Si le terme de MDN a été choi­si par le groupe de tra­vail natio­nal, c’est que celui-ci vou­lait signi­fier que dans une MDN, l’accouchement se réa­li­se­rait « comme au domi­cile ». Or même si la nais­sance consti­tue un temps pri­vi­lé­gié du sui­vi, cette appel­la­tion, qui revient à faire de la seule nais­sance, au tra­vers de l’usage du terme MDN, l’emblème de toute la filière de sui­vi de gros­sesse, nous semble impropre à tra­duire la notion d’accompagnement global.

Cette « réduc­tion séman­tique » induit de plus le risque de favo­ri­ser la confu­sion entre MDN et pôle phy­sio­lo­gique d’accouchement, notam­ment pour les MDN qui seront atte­nantes à la mater­ni­té de réfé­rence. Ce risque de confu­sion est sub­stan­tiel­le­ment majo­ré pour celles de niveau 1 et qui vont donc accueillir a prio­ri le même type de grossesse.

D’où la dif­fi­cul­té pour un public non aver­ti de dis­tin­guer véri­ta­ble­ment entre les deux filières pos­sibles, du fait de la confu­sion géo­gra­phique des lieux de nais­sance res­pec­tifs. (MDN ver­sus Bloc obs­té­tri­cal). Notre défi­ni­tion per­met d’éviter tous ces écueils dans la mesure ou uni­que­ment en fonc­tion du choix des couples que ceux-ci vont s’engager dans deux filières qui dif­fé­rent à la fois par la nature des pro­fes­sion­nels res­pon­sables et le lieu d’accouchement.

D’où l’importance de la pos­si­bi­li­té d’une sépa­ra­tion phy­sique entre MDN et mater­ni­té de réfé­rence car syno­nyme de l’existence de deux types de lieux et donc de moda­li­tés d’accouchement dis­tincts. Mais cette sépa­ra­tion phy­sique mani­feste aus­si la sépa­ra­tion plus sym­bo­lique de nature pro­fes­sion­nelle et c’est pour­quoi les pro­fes­sion­nels y sont autant réti­cents : Dans les MDN, les sages-femmes sont véri­ta­ble­ment auto­nomes, res­pon­sables de leurs conduites et non sou­mises à la hié­rar­chie médicale.

Les obs­té­tri­ciens pré­sents au sein du GT ne s’y sont pas trom­pés qui défendent l’option contraire (MDN uni­que­ment au sein de la mater­ni­té) en arguant comme tou­jours des risques de l’accouchement. C’est d’ailleurs pour­quoi les pôles d’accouchements phy­sio­lo­giques sont en train de fleu­rir. Or étant don­né notam­ment le coût moindre de leur mise en place, ils consti­tuent une ten­ta­tion pour l’administration, entraî­nant un risque de détour­ne­ment de toute l’expérimentation.

C’est pour­quoi exi­ger que la MDN puisse être sépa­rée de la mater­ni­té revêt une telle importance.

Mais sur­tout l’existence d’une « filière MDN » est por­teuse d’un autre enjeu.

L’expérimentation des MDN, dès lors que celle-ci est consi­dé­rée comme l’outil cen­tral d’une filière inté­grale de sui­vi des gros­sesses phy­sio­lo­giques consti­tue un cadre per­met­tant de tes­ter les contours futurs d’un sys­tème péri­na­tal réno­vé, dans lequel la gros­sesse phy­sio­lo­gique serait gérée dans une filière spé­ci­fique sous la res­pon­sa­bi­li­té pleine et entière des SF.

L’exemple du Cana­da montre com­ment, à par­tir d’une expé­ri­men­ta­tion rigou­reu­se­ment éva­luée, les sages-femmes ont réus­si à s’imposer comme une pro­fes­sion auto­nome. Mais ceci n’a été pos­sible que parce qu’elles ont su trou­ver des alliés à la fois avec la socié­té civile et plus tard dans l’appareil admi­nis­tra­tif et poli­tique qui a dans un troi­sième temps contraint les obs­té­tri­ciens à coopérer.

C’est le troi­sième enjeu lié à la mise en place et à la réus­site de cette expé­ri­men­ta­tion et il est pré­sente une double dimension :

- pour les sages femmes qui doivent y recon­naître l’un des deux axes cen­traux d’une stra­té­gie visant à les faire émer­ger en tant que groupe pro­fes­sion­nel auto­nome (l’autre axe étant celui du sta­tut et du niveau uni­ver­si­taire de leur formation).

- pour le Ciane qui peut y trou­ver l’occasion de faire pas­ser dans les actes, la phi­lo­so­phie de sa charte et de son pro­jet, pour autant qu’il en décide ain­si. (Cf ma contribution)

Le qua­trième enjeu lié aux MDN dépasse le sec­teur péri­na­tal. Il est lié au débat plus large exis­tant actuel­le­ment au sein du sys­tème de soins et concer­nant la redé­fi­ni­tion et le par­tage des tâches, des com­pé­tences et des res­pon­sa­bi­li­tés entre méde­cins d’une part et pro­fes­sions para­mé­di­cales de l’autre afin de par­ve­nir à un opti­mum dans la prise en charge des malades, opti­mum à la fois en terme de qua­li­té et de coût.

Ce sujet fait rage dans tous les sec­teurs où existe un pro­blème de démo­gra­phie, qua­li­fiés de « défi­cit de spé­cia­listes ». C’est le cas en par­ti­cu­lier dans celui de l’ophtalmologie au sein duquel on assiste à une oppo­si­tion très forte de ceux-ci face aux pro­po­si­tions de délé­ga­tion de tâche pro­po­sée à cer­taines pro­fes­sions para­mé­di­cales (opto­mé­tristes ; opticiens).

Mais ce même pro­blème existe aus­si dans le domaine de la prise en charge de cer­taines patho­lo­gies chro­niques pour les­quelles, dans de nom­breux pays, se sont aujourd’hui des infir­mières spé­cia­le­ment for­mées qui inter­viennent avec une grande marge de manœuvre.

Or ce que nous avons expo­sé ci des­sus montre que le par­tage entre sages-femmes et obs­té­tri­ciens se fait mal dans le sec­teur péri­na­tal avec un croi­se­ment para­doxal entre ce qui devrait reve­nir au spé­cia­liste (les gros­sesses pathos) et ce qui devrait être l’apanage de la sage-femme (les gros­sesses physiologique).

En recen­trant les obs­té­tri­ciens vers leurs champs de com­pé­tence spé­ci­fiques, grâce à la bas­cule d’une par­tie de la ges­tion des gros­sesses phy­sio­lo­giques vers les sages femmes, on résoud en grande par­tie les pro­blèmes de pénu­rie obs­té­tri­cale tout en fai­sant très pro­ba­ble­ment des éco­no­mies : C’est le qua­trième des enjeux aux­quels l’administration ne sau­rait être insen­sible. A moins de prendre le risque de faire pas­ser les inté­rêts cor­po­ra­tistes avant ceux de la popu­la­tion et des finances publiques.

 


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