Influences à long terme des conditions de la naissance et de la vie in-utero |
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Juliette PLANCKAERT, psychanalyste
(Voir atelier 14) C’est à pouvoir rencontrer l’imprévu qu’il faut être préparé et non à tout prévoir (Georges Favez, De la contestation)
Il y a des bébés qui vivent des solitudes effrayantes dans le ventre de leur mère (Maurice Titran, pédiatre) Joséphine consulte à Parentèle adressée par la PMI. Elle est tellement insécurisée qu’elle ne sent plus d’issue : sa petite fille nouveau-née ne prend pas le sein, dort très mal et ses pleurs sont inconsolables. Et surtout, depuis le dernier trimestre de sa grossesse son mari la menace et parfois la frappe. Elle parle de suicide. Comment s’étonnerait-on du désarroi de ce bébé qui voit le jour après avoir vécu in utero l’angoisse de sa maman en détresse ? Cette détresse amène un stress dont les manifestations sont physiologiques : la composition du liquide amniotique est modifiée et la tension de la maman coupe la relation au bébé. C’était pourtant un bébé « souhaité » par ses deux parents : mais pour chacun d’entre eux, devenir parent les fragilisait affectivement. Chacun attendait de l’autre qu’il joue pour lui un rôle maternel. Le bébé chutait entre eux deux. Quelques rencontres ont rassuré la maman, de ce fait le papa et le bébé se sont calmés. Un équilibre précaire s’est installé : rien n’a été travaillé.
Joséphine rappelle 18 mois plus tard, pendant que son mari dort, car il a travaillé la nuit. La naissance du deuxième bébé est prévue dans 8 semaines. Elle se sent à nouveau menacée de coups par celui-ci. La veille, effrayée, elle a tenté de sauter par la fenêtre, mais il l’a retenue. Quand elle arrive à la consultation, elle est tellement tendue qu’elle respire avec peine. Je l’aide à s’allonger confortablement. Insensible à mon contact, elle arrive pourtant à déposer sa plainte et à pleurer. Habituellement les larmes apportent une grande détente : le diaphragme se relâche, le ventre devient plus souple et le bébé peut commencer à bouger doucement dans un giron douillet. Accalmie pour les deux qui se retrouvent alors. Mais pour Joséphine, la situation est si extrême qu’elle ne perçoit pas mon toucher. Et son ventre que je contacte pour l’aider à être avec son bébé, est absent. C’est une masse inerte. Et je ne sens absolument pas le bébé. Je n’avais jamais perçu cela. Intérieurement, je ressens un frisson glacé : est-il mort ? Malgré tout je reste présente, cela dure très — trop — longtemps. Enfin Joséphine sourit pour la première fois et s’émerveille : « Je le sens bouger ! ». Puis elle ajoute : « Il ne bouge pas beaucoup ». J’explique à la maman que la menace ressentie pour elle et son bébé l’amène à faire de son ventre une forteresse rigide pour protéger le bébé et qu’il est gêné pour bouger. Dans la suite de la séance, elle va pouvoir être avec lui et le bercer intérieurement avec ses sentiments d’amour. Ce bercement merveilleux et surprenant que découvrent les mamans avec l’haptonomie. Cette fois-ci, nous avons pu aider Joséphine sur tous les plans : social, juridique, ainsi qu’avec notre accueil haptonomique et psychothérapique chaleureux. Nous sommes intervenus pour qu’à la maternité, elle soit reçue à l’unité Kangourou où elle pourra rester le temps nécessaire et où une équipe attentive, bienveillante et prévenue de la situation, va l’entourer. Elle va y inquiéter beaucoup l’équipe par ses manifestations de panique. Cependant, quand je la retrouve un mois après, elle est métamorphosée physiquement et psychiquement. Tout va bien. Les dix jours passés avec les bonnes soignantes de Kangourou lui ont donné le temps et le répit de s’adapter à son bébé et de se pacifier. Le bébé tète bien, son sommeil convient à ses parents, les relations avec le papa sont calmées. La PMI n’est plus inquiète. Ce bébé a pu former avec sa maman un « individu-environnement »(1), ils sont accordés. C’est un grand pas pour Joséphine dans la confiance en ses capacités d’être mère et épouse. Pour le bébé quelque chose commence à s’établir de sa sécurité de base. Mais, si ce premier pas est essentiel, il ne faut pas oublier le long terme (comme le suggère le titre de cet atelier) : que ce soit en ce qui concerne la vie intra-utérine comme ce qui concerne la naissance la vie affective et psychique ne se résoud pas si rapidement. L’histoire de Joséphine et de sa famille est extrême, mais elle illustre comment un bébé en insécurité dans l’utérus d’une maman affolée ne peut trouver le chemin pour profiter des soins affectueux de celle-ci quand il se trouve dans ses bras. Il n’avait pas reçu la « confirmation affective », à commencer par celle du papa soutenant la maman, qui leur aurait permis de se rencontrer à la naissance. A la fin de sa deuxième grossesse, Joséphine a pu être suffisamment entourée, protégée, pour transformer son utérus-forteresse en doux giron pour son bébé. Elle a pu alors prendre soin de lui, être avec lui, le porter et lui parler, au lieu de se recroqueviller sur sa peur. Son mari s’est mieux situé près de la maman et de leur bébé à venir, il s’est calmé. À sa naissance, le bébé avait eu la possibilité d’éprouver la sécurité affective, alors que sa sœur avait été seule dans la tempête et n’avait pas eu les moyens de rencontrer sa maman avant sa naissance. Bien sûr, il est nécessaire que Joséphine continue à se faire aider pour développer sa sécurité intérieure : car les étapes suivantes du développement du bébé vont nécessiter qu’elle puisse le laisser se détacher, s’autonomiser. Et la situation du couple n’est pas éclaircie. Il me faut, avant de poursuivre mon propos, préciser un point très important. Si une vie intra utérine sécurisante, un accouchement réussi, une naissance épanouissante sont essentiels pour bien démarrer la vie, ce n’est pas un vaccin contre tout trouble ultérieur. Notre vie intime est constituée de tant d’éléments, sus, insus et oubliés, qui concourent à nous mettre, nous et nos enfants, dans des difficultés que nous n’avons souvent pas la possibilité d’envisager. L’histoire de Joséphine illustre combien les difficultés affectives pendant la périnatalité sont liées à la vie toute entière de ses parents, que je ne développerai pas mais dont il a été question pendant nos rencontres. Toute autre est la vie intérieure de Marlène. Elle se met en situation d’être enceinte alors qu’elle n’est pas prête à être mère d’un enfant de son compagnon qui est pour elle davantage une maman qu’un amoureux. Pendant sa grossesse, elle fera des rêves, mi-cauchemars mi-espoir, de ventre perforé. L’accouchement se passe pour le mieux grâce une préparation psychoprophylactique, le papa est très présent et participant. Le bébé est allaité, avec le papa ils l’élèvent affectueusement. Celui-ci est très tendre avec sa femme. Extérieurement, tout va bien. Mais, si la maman est souriante et dynamique intérieurement, elle est toujours habitée par les idées de mort, qui sont liées à sa propre enfance et qui avaient empoisonné sa grossesse. Ce bébé est devenu un adulte sympathique, chaleureux, talentueux, apprécié de tous, mais il n’arrive pas à être père. Passé le vécu intra utérin, que dire de ce grand moment de l’accouchement pour la maman et de la naissance pour l’enfant ? Une naissance où la maman, le bébé et le papa peuvent être acteurs de ce grand moment est un départ dynamique pour la vie de cet enfant, de cette famille. Ce point est essentiel : être actrice, être acteurs, faire naître son enfant, pouvoir vivre cette complicité qui permet à la maman de s’ouvrir avec l’aide de son homme et ainsi de ne pas s’opposer au chemin de l’enfant. Pour pouvoir réaliser cet espoir d’une belle naissance, ne nous arrêtons pas à réclamer des séquences rituelles, (le bain, la musique, le cordon coupé par le papa ou la maman) qui sont bien sûr préférables. Car l’essentiel est que l’état d’esprit de l’équipe de la maternité soit tourné autour du respect de ce que vivent les parents et l’enfant, et non de détails sur lequel on se fixe parfois et qui peuvent se substituer à une complicité entre tous, la famille et le médical. L’essentiel est qu’il puisse s’établir une réelle rencontre entre les parents et la sage-femme ou le médecin : nous, les parents, pourrons laisser faire son travail à l’équipe si nous nous sentons soutenu dans notre singularité. ET vice versa bien sûr ! Ainsi, une jeune femme se réjouissait des conditions dans lesquelles elle avait mis au monde son bébé : « Ce n’était pas médicalisé » disait-elle. Or ça l’était, mais elle s’était sentie respectée et aidée par les sages-femmes de cette maternité. Tellement aidée qu’elle avait décidé d’allaiter son bébé, ce qu’elle refusait avant la naissance. Cette équipe avait permis à cette jeune femme moderne, maman-dans-sa-tête, de le devenir charnellement, affectivement et de les amener son bébé et elle, à vivre ce corps – à‑corps dont le bébé a tant besoin. N’est-ce pas ce que l’on souhaite ? Le papa était ravi : cette maternité, avec sa façon à elle d’être avec le médical, avait pu adoucir cette femme et l’aider à devenir maman. J’espère que le travail des journées comme celles-ci va permettre d’inverser le courant actuel de s’en remettre passivement ou activement aux déclenchements, péridurales etc. Que les couples vont à nouveau souhaiter être participants dans la mise au monde de leurs enfants, car les femmes vont à nouveau être assurées de leur capacité d’accoucher. Si des journalistes femmes sont présentes, qu’elles puissent contribuer à ouvrir ce que leurs consoeurs avaient fermé. Revenons à des situations concrètes : ce qui est en jeu dans la situation très difficile de Joséphine, de Marlène, se retrouve fréquemment de façon plus mesurée. Quand une maman porte un bébé, bien souvent elle est inquiète, et les raisons en sont diverses. Elles sont affectives, traumatiques, iatrogènes (c’est-à-dire causées par la médecine). Si les raisons sont diverses, les conséquences sur le bébé sont les mêmes : la maman est enceinte, mais elle ne porte pas un bébé, parfois elle oublie le bébé ou n’est plus en relation avec lui. Il est seul, car elle l’attend avec ses ruminations inquiètes et s’absente de son giron. Aussi le bébé ne peut se nicher au fond de sa maman, il pointe devant, la maman se cambre : alors, soit le bébé s’agite trop pour trouver une bonne place car il est tout à l’extérieur, soit la paroi — et souvent l’utérus — se contracte pour soutenir le ventre et le bébé est bloqué. Il n’y a pas que l’installation dans le giron qui est en jeu : la vie du bébé se déroule aussi en fonction des hormones variant selon le climat affectif de la maman, des parents et qui passent la barrière placentaire.(2) L’audition aussi entre en jeu : dans les disputes des parents, le bébé associe leur voix à du mal-être.(3) Il faut à la fois très peu et beaucoup pour apporter un climat rassurant, renouer ou nouer le contact. Partout en France des sages-femmes, des psychologues, des médecins peuvent permettre cet être-avec son bébé grâce à l’approche haptonomique. Violette, enceinte depuis six mois, se montrait réticente alors que je l’invitais à contacter son bébé : « Pas la peine de le toucher, je lui parle ». Elle est quand même allée à sa rencontre avec ses mains et son sentiment de maman ; et alors quand elle s’est réellement sentie être avec lui elle s’est exclamée : « Je le sens ! ». Dans cette rencontre émerveillée, le bébé cessait d’être le remplaçant de ses frères et soeurs laissés en Afrique et du frère mort in utero en France l’an dernier, ce qu’il aurait traîné toute sa vie. Il commençait à être ce bébé là, avec son histoire à lui. Ces bébés qui ont souffert avant de naître vont manifester leur mal-être comme l’a fait le premier enfant de Joséphine, par des difficultés qu’on confie souvent à la médecine physique. Ce qui peut entraîner des prescriptions qui éloignent encore les deux protagonistes. Il est indispensable d’aider le lien à s’installer par une aide chaleureuse, sinon des troubles se manifesteront à différents moments-charnières de la vie et en particulier au moment de devenir parent. Les puéricultrices et médecins de PMI sont des aides essentielles du dispositif français, malheureusement, elles ne sont pas assez nombreuses et chargées de trop de tâches. Un accompagnement plus spécialisé se montre néanmoins nécessaire dans certains cas. C’est le but de notre association Parentèle. Comme les 200 000 qui ont signé la pétition « pas de zéro de conduite… », je suis très inquiète qu’on veuille confier aux maires la responsabilité de la prévention. Par contre, s’il est bien conduit, avec discrétion, respect (et formation des personnels), l’entretien au quatrième mois de grossesse peut être une ouverture. J’ai abordé jusqu’ici des causes affectives, voici l’évocation d’un traumatisme avant la naissance. Les deuils vécus par les parents sont des traumatismes très lourds pour le bébé qui ne s’en remettra parfois qu’adulte au tournant d’une psychothérapie, après bien des avatars. Armelle a pu être aidée toute petite : quand nous nous sommes rencontérées, elle avait 10 mois et se réveillait en hurlant chaque nuit, depuis sa naissance. C’était à l’heure de la mort de son grand-père maternel alors qu’elle avait 6 mois de vie intra-utérine. Les hurlements sont inconsolables, ni le sein, ni les bras ne la pacifient. Elle ne s’est pas trouvé de « ninnin »(4), encore indistincte de sa maman. A bout de résistance, les parents la descendent dans son lit au sous-sol où, hurlante, elle s’écroule dans le sommeil, seule dans le noir. Si la maman consulte si tardivement, c’est que le couple est en grand souci avec leur aîné. Armelle est leur troisième enfant, voulu par son père. C’est une petite fille très charmante qui ne sourira avec moi qu’après six mois de rencontres régulières. Derrière le traumatisme, à partir duquel sa maman avait cessé de sentir Armelle en elle, au moment du décès de son propre père, pendant quelques jours, il y avait bien d’autres difficultés pour chacun dans la famille et on s’était habitué à ce qu’Armelle ait « des troubles du sommeil » !. La première conquête d’Armelle a été de pouvoir prendre son premier biberon pendant la deuxième séance. Puis Armelle n’a plus réveillé toute la famille par ses cris, mais elle ne s’endormait le soir qu’après un long temps de pleurs qui cassent les oreilles de toute la famille : c’est comme si elle pleurait le deuil de sa maman. Après quoi, elle « faisait une nuit complète ». Ces pleurs durèrent jusqu’à ce que sa maman vienne à bout de tout ce qu’elle avait à élaborer psychiquement à propos de sa précieuse petite fille qui maintenant peut dormir. Il est essentiel de préciser que tout ceci est sous-tendu par une notion essentielle : il n’y a pas de corps sans psyché, ni de psyché sans corps. Les éprouvés du bébé, c’est-à-dire sa vie psycho-somatique, (son corps-psyché) sont déjà présents dans le deuxième trimestre de la vie intra-utérine. Citons le professeur de pédopsychiatrie Bernard Golse, un des initiateurs du mouvement « Pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans » : Je pense que ces journées tournent autour de cette certitude et de la volonté que ceci puise être pris en compte dans les maternités. Nous connaissons maintenant les capacités sensorielles du bébé pendant sa vie fœtale, mes collègues aînés, en particulier Winnicott ont depuis longtemps repéré, dans leur travail avec des adultes et des enfants que la vie affective et psychique commençait bien avant la naissance. Dans le climat le climat affectif et physiologique, dans lequel il baigne, l’enfant ressent, vit des expériences et commence même à penser. Winnicott, dans son travail d’écoute et de recherches, sans préjugé, a mis en évidence les efforts opiniâtres que nous faisons au début de notre vie pour intégrer convenablement le corps et la psyché, et pourtant nous semblons n’avoir de cesse de les dissocier, toute notre vie, au travers de nos théories philosophiques, théologiques, voire psychologiques et trop souvent médicales. Dès 1958, il fait état d’une mémorisation inconsciente de la réaction au trauma chez le nouveau-né, et même pendant la vie fœtale, car nous nous souvenons de tout ce qui est arrivé à notre corps et émotionnellement. Si l’évocation de l’influence de la vie prénatale sur la psyché est récente, il y a longtemps que sont évoquées les conséquences des conditions de la naissance sur la vie psychique. Publié en 1924, le livre d’Otto Rank s’appuie sur une note antérieure de Freud : La naissance est d’ailleurs le premier fait d’angoisse et par conséquent la source et le modèle de toute angoisse. J’ai évoqué plus haut qu’il me semble que l’angoisse a pu être vécue déjà avant le moment de la naissance. Mais surtout, la naissance peut ne pas être un traumatisme pour le bébé mais une merveilleuse expérience de vie, de découverte et d’amour : à condition, bien sûr, de ne pas le provoquer, lui faire avaler des hormones, le bousculer, le tirer, le soustraire à la complicité de ce qu’il est en train de réaliser avec sa maman (sauf si l’urgence le commande, évidemment). Car le bébé est préparé à ce moment. Nous pouvons même aider le bébé et ses parents à cette préparation. L’accompagnement haptonomique s’y emploie en faisant découvrir au bébé que sa maman peut l’inviter à descendre et lui faire de la place pour cela. Ainsi il va pouvoir participer à se mettre au monde au lieu d’être expulsé. Je pense que la plupart d’entre vous ont connu l’appétit de vivre, la curiosité, la force des bébés qui ont pu connaître une telle naissance. (Bien entendu ceci peut aussi se passer en dehors de l’haptonomie.) Je cite encore Winnicott qui écrivait déjà en 1949 dans Les souvenirs de la naissance, le traumatisme de la naissance et l’angoisse : L’expérience de la naissance fait vivre de manière accentuée quelque chose qui est déjà connu du bébé. Au moment de la naissance, le bébé réagit et c‘est l’environnement qui est important. Le bébé en bonne santé est préparé avant sa naissance à un empiètement venant de l’environnement. Mais si l’expérience de la naissance est trop soudaine, (j’ai remarqué pour ma part que les bébés nés trop rapidement pleurent) elle est traumatique. Et elle est conservée inconsciemment sans pouvoir être élaborée. Le souvenir existe quelque part corporellement, mais il ne peut être intégré dans une expérience. C’est ainsi que Winnicott s’est aperçu que certaines personnes avaient besoin de « revivre » leur naissance. Mais attention, il en est de ce travail psychothérapique comme de la naissance, il ne faut pas le provoquer artificiellement par des moyens trop rapides. Ne recommençons pas de déclenchement inopportun ! Une jeune femme que j’appellerai Ludivine, professionnelle de la petite enfance, n’avait pas réussi à mettre au monde son premier enfant, le travail n’avançait pas : une césarienne avait paru indispensable. Elle avait pourtant, avant d’être mère, « fait des revécus de naissance » dont elle garde un souvenir émotionnel sympathique, mais ces expériences exaltantes n’avaient pas été intégrées dans son monde psychosomatique. C’était resté du « fabriqué par son esprit ». Pour le second enfant avec son compagnon, ils s’engagent dans un accompagnement haptonomique, le bébé de quatre kilos naîtra facilement, à Pithiviers. À sa naissance en catastrophe, Ludivine pesait 1 Kg 700 et passa trois mois en couveuse, sans aucun contact permis avec ses parents. Pendant une séance de thérapie, elle a ressenti un besoin irrépressible de pousser. Elle écrira pour la séance suivante qu‘elle avait à ce moment ressenti le désir de se faire naître. Mais il avait fallu plusieurs années de travail psy. Depuis, sa présence dans la vie s’est tranquillisée. Elle a trouvé et assume un emploi passionnant à responsabilité, conforme à sa formation, alors que depuis sa première maternité, elle n’était pas choisie chaque fois qu’elle se présentait. Alors, quelles influences à long terme pour des naissances inconfortables, hors de notre possibilité, non intégrable dans notre monde psychique ? Elles sont importantes mais différentes suivant ce qui s’est passé pour la maman, suivant ce qui va s’établir relationnellement avec la maman et les talents personnels du bébé. Gardons-nous des catalogues et des informations parcellaires. Et gardons-nous du temps pour en parler ici ensemble, avec nos expériences. Je commence par la mienne : une des raisons pour lesquelles je suis devenue psy, a été ma naissance avec un forceps, en 1940, dans le lit de mes parents. Sixième enfant, j’avais dû m’accrocher sérieusement pour traverser, aller et retour, dans ma maison utérine le chemin de l’exode. Puis le monde extérieur n’était pas très engageant. Elle avait dû se resserrer très fort sur ce bébé pour ne pas le perdre. Elle devait aussi me sentir plus en sécurité dans son giron. Je suis née très cyanosée, « tu étais bleue, presque noire » me dira-t-on, alors depuis je suis repérée pour ma bonne mine !… Juliette Planckaert
Listrec, août 2006 (1) La notion est de D. Winnicott, le premier psychanalyste à aborder finement les relations mère-bébé : au début, le bébé n’existe pas seul, il constitue avec sa maman une structure individu-environnement dont il s’autonomisera au fur et à mesure de sa maturation, grâce aux soins affectifs et au portage de sa maman soutenus par le papa.
(2) Lire JP. Relier in L’aimer avant qu’il naisse, ed. J’ai lu (3) Cf : Juliette Planckaert, actes du colloque Psypropos (4) Il faut préciser que le ninnin est une création du bébé qui commence à avoir les moyens psychiques de se différencier de sa maman. Dénommer ninnin une peluche offerte à la naissance est un contre-sens. |
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