Réponse à Chan­tal Birman 
 

(Voir le mes­sage de Chan­tal BIRMAN)

Permettez-moi de réagir à ces pro­pos qui m’ont cho­qué car ils ne sont que le reflet d’une totale igno­rance des besoins des futurs parents en géné­ral et de la pro­fes­sion de dou­la (ou accom­pa­gnante à la nais­sance) en par­ti­cu­lier. J’ai­me­rais que le plus grand nombre puisse avoir accès à ce témoi­gnage afin que les gens ne voient pas la pro­fes­sion de dou­la qu’à tra­vers les attaques de sage-femmes qui ne savent pas for­cé­ment de quoi elles parlent. 

Je suis à la fois maman de 3 enfants et « accom­pa­gnante à la nais­sance » en fin de for­ma­tion pra­tique (école ALNA). 

« les dou­las seront donc ces femmes qui, devant cette main ouverte, glis­se­ront tout natu­rel­le­ment la leur »

C’est avoir un mépris assez pro­fond des femmes que de sous-entendre que « dans leur détresse », elles acceptent n’im­porte quelle main et que la pro­fes­sion de dou­la se serait déve­lop­pée en pro­fi­tant de cette détresse. Les mamans et les couples qui font appel aux dou­las ne sont pas des gens en détresse mais des per­sonnes qui ont iden­ti­fié des besoins, réflé­chi à la manière de les satis­faire et qui, en dis­cu­tant de ces besoins avec une doula/accompagnante à la nais­sance s’a­per­çoivent que ce qu’elle pro­pose cor­res­pond à leurs besoins. 

« Parce qu’elles ins­crivent leur pro­fes­sion en réponse « rus­tine » à la crise d’une autre pro­fes­sion : celle de sage femme » 

Cette affir­ma­tion ne fait que confir­mer la totale mécon­nais­sance du métier et de son his­toire. La France est loin d’a­voir inven­té le phé­no­mène « dou­la » puis­qu’elles existent depuis de nom­breuses années chez nos pays voi­sins. Les dou­las sont les plus nom­breuses dans les pays comme l’Al­le­magne ou la Hol­lande, là où pré­ci­sé­ment la médi­ca­li­sa­tion de l’ac­cou­che­ment n’a pas fait les ravages qu’elle a fait chez nous, là où on peut accou­cher en mai­son de nais­sance, là où 13 des femmes accouchent à la mai­son (Hol­lande), là où les sages femmes peuvent tra­vailler dans le res­pect de la phy­sio­lo­gie et où elles trouvent nor­mal de tra­vailler avec des dou­las, sans les consi­dé­rer comme des « rustines ». 

« En conclu­sion, je dirais que la France doit s’a­li­gner en matière d’ac­com­pa­gne­ment sécu­ri­taire de la nais­sance sur ses voi­sins euro­péens ; une femme, une sage-femme étant la norme, l’ex­cep­tion étant de 2. »

Ceci ne fait que sou­li­gner à nou­veau l’i­gno­rance en matière de ce qui se fait à l’é­tran­ger où les dou­las font par­tie de la rou­tine. Récem­ment, une col­lègue accom­pa­gnante à la nais­sance me fai­sait part des pro­pos d’une maman alle­mande qu’elle accom­pa­gnait. Ma col­lègue lui avait deman­dé pour­quoi elle fai­sait appel à une accom­pa­gnante. La jeune femme l’a regar­dée un peu inter­lo­quée et lui a répon­du qu’elle ne s’é­tait pas vrai­ment posé la ques­tion car dans son pays d’o­ri­gine, c’é­tait mon­naie courante ! 

« leur pré­sence auprès des femmes en tra­vail change for­cé­ment l’im­pli­ca­tion de leur com­pa­gnon pen­dant ce moment unique (…)un risque d’é­cra­se­ment du rôle du père et donc de détour­ne­ment de sens »

Avez-vous une seule fois par­lé avec des jeunes papas accom­pa­gnés par une dou­la pen­dant l’ac­cou­che­ment de leur com­pagne ? Permettez-moi d’en dou­ter… Sans aucu­ne­ment pré­tendre que tout ce que nous fai­sons est mer­veilleux, nous por­tons notre plus grande atten­tion au papa et notre pré­sence auprès de sa com­pagne lui per­met le plus sou­vent de vivre cet évè­ne­ment dans toute sa plé­ni­tude car tout ne repose pas sur ses épaules. On ne lui demande plus de souf­fler alors qu’il n’a aucune idée de ce que res­sent sa femme dans son corps. Il sait qu’il sera libre d’al­ler et venir à sa guise car une femme qui sait dans son corps ce qu’est en train de vivre sa com­pagne est à ses cotés en per­ma­nence. Que de couples accom­pa­gnés nous disent que cela leur a per­mis de vivre cela ensemble beau­coup plus serei­ne­ment car la femme n’a­vait plus cette demande sur­di­men­sion­née à laquelle son mari ne pou­vait pas for­ce­ment répondre. Il avait pu être là, en tant que com­pa­gnon aimant de cette femme qui accouche (ce que n’est en aucun cas l’ac­com­pa­gnante) et seule­ment cela, dans toute sa plénitude. 

« Rap­pe­lons que l’en­semble des études montre que la mul­ti­pli­ca­tion des inter­ve­nants auprès d’un patient nuit au patient lui-même » 

Que c’est facile de faire dire aux études ce que l’on veut leur faire dire… juste en omet­tant quelques pré­ci­sions… que cette affir­ma­tion est plus que vraie (et je suis la pre­mière a en être convain­cue!) lors­qu’il s’a­git d’in­ter­ve­nants que le couple n’a pas choi­si : les chan­ge­ments de ser­vice de per­son­nel pen­dant l’ac­cou­che­ment (la dou­la reste du début à la fin, quelle que soit la durée de l’ac­cou­che­ment), les internes qui viennent « se faire la main »… Je ne vois pas en quoi le tra­vail de quel­qu’un, que le couple est allé cher­cher parce qu’il sou­hai­tait sa pré­sence, pour­rait lui être nuisible ! 

« Payer des gens moins qua­li­fiés pour faire un tra­vail, c’est deli­gi­ti­mer ce tra­vail. Les emplois jeunes dans les lycées ont été les « dou­las » des pro­fes­seurs »

Je ne sais pas de quel éta­blis­se­ment d’en­sei­gne­ment obs­cur vous pou­vez par­ler mais il n’a jamais été ques­tion de rem­pla­cer des pro­fes­seurs qua­li­fiés par des emplois jeunes ! Là encore, mieux vaut d’a­bord se ren­sei­gner avant de par­ler de ce qu’on ne connait pas ! C’est encore un amal­game bien facile… De la même manière, aucune doula/accompagnante à la nais­sance n’a voca­tion à être une « sous sage femme ». Nous ne fai­sons pas par­tie du per­son­nel médi­cal et nous n’ac­com­pa­gnons jamais des couples qui ne sont pas sui­vis médi­ca­le­ment. Nous ne sommes abso­lu­ment pas for­mées pour faire un quel­conque acte médi­cal et c’est sou­vent l’une des rai­sons qui font que ce métier nous a séduites. Nous nous posi­tion­nons dans l’in­for­ma­tion, le sou­tien émo­tion­nel, l’é­coute, la dis­po­ni­bi­li­té, la conti­nui­té car c’est à cela que nous sommes for­mées. Pour cela, nous avons bien évi­dem­ment des connais­sances de base en phy­sio­lo­gie de la gros­sesse et de l’ac­cou­che­ment mais c’est uni­que­ment pour être com­pé­tente dans notre tra­vail d’ac­com­pa­gne­ment. Vous sem­blez igno­rer tota­le­ment ce que peut être une for­ma­tion de doula/accompagnante puisque vous ne dénon­cez que ce qu’elle n’est pas. 

« pro­fes­sion de san­té illé­gale… char­la­tans »

On est illé­gal lors­qu’on ne res­pecte pas la loi. Mer­ci de pré­ci­ser exac­te­ment ce que la pro­fes­sion de dou­la ne res­pecte pas au niveau légal. Il ne faut pas confondre « pro­fes­sion non recon­nue par l’é­tat » avec « pro­fes­sion illé­gale ». L’a­mal­game semble être votre spécialité… 

Char­la­tan (défi­ni­tion du petit Larousse): per­sonne qui sait exploi­ter la cre­du­li­té des gens pour s’im­po­ser quelque part ou pour van­ter ses pro­duits, sa science… 

Je vous rap­pelle, puisque vous sem­blez si peu connaître notre pro­fes­sion, que se sont les couples qui font appel à nous (ce qui est à peu près le contraire de « s’im­po­ser »…) et que nous ne leur van­tons rien. Nous leur pré­sen­tons juste ce que nous pou­vons leur appor­ter et ils décident eux même s’ils ont envie de cela. Mer­ci de me faire part des (sûre­ment nom­breux…) témoi­gnages de parents que vous auriez pu recueillir qui pré­ten­draient avoir été trom­pés sur ce qu’une dou­la aurait pu leur appor­ter et qu’elle n’a pas fait. 

« échange d’argent de la main à la main (…) échap­per à la fis­ca­li­sa­tion et aggrave donc d’au­tant le défi­cit de la sécu­ri­té sociale »

Au risque de vous déplaire, sachez que non, les dou­las n’ex­tirpent pas de l’argent aux couples dans des caves sombres à cotés des dea­lers ou des mafieux, mais qu’elles sont pour la plu­part décla­rées en pro­fes­sion libé­rale et tra­vaillent en toute léga­li­té en payant leurs charges et leur impôt sur le reve­nu comme le plus com­mun des citoyens. Cela est déses­pé­ré­ment com­mun et beau­coup moins accro­cheur mais c’est la réalité… 

Quant à vos notions d’é­co­no­mie, permettez-moi d’é­mettre quelques doutes sur vos sources car en 4 ans d’é­tude dans ce domaine, je n’ai jamais trou­vé une seule théo­rie met­tant en rela­tion l’in­fluence du tra­vail au noir sur le trou de la sécu­ri­té sociale (à ma connais­sance, seuls les gens qui cotisent sont rem­bour­sés)! Par contre, je n’au­rais aucun mal à vous trou­ver des infor­ma­tions concer­nant l’in­fluence de la sur­mé­di­ca­li­sa­tion des accou­che­ments sur l’aug­men­ta­tion des dépenses de santé. 

J’au­rais encore beau­coup de points à com­men­ter sur votre inter­ven­tion mais je m’ar­rê­te­rais là. Pour conclure, je ne peux que vous encou­ra­ger à vous tour­ner un peu vers les autres, cela per­met de sor­tir un peu de ses cer­ti­tudes : allez voir des sage-femmes qui ont tra­vaillé avec des doulas/accompagnantes (si, si, il y en a!!) et recueillez leur témoi­gnage, je ne me per­met­trais pas de par­ler en leur nom, allez voir des parents qui ont été accom­pa­gnés et vous ver­rez qu’ils ne sont pas for­cé­ment des êtres cré­dules dont on a abu­sé et qu’ils ont même un avis sur la question… 

Pour l’a­voir déjà pra­ti­quée (au cours de mes stages), je suis convain­cue de la com­plé­men­ta­ri­té sage femme/doula. Ce n’est qu’en accep­tant de s’ou­vrir à l’autre et de le décou­vrir qu’on arri­ve­ra à inten­si­fier cette com­plé­men­ta­ri­té pour le bien des mères, des pères et des bébés. 

Valé­rie BOURDAIS, mère et accom­pa­gnante en fin de formation 

 


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