Sage-femme et recherche, deux univers qui se découvrent. |
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Anne CHANTRY
Mémoire de fin d’études pour le diplôme d’état de sage-femme Université de Lille 2 École de sages-femmes du CNRU de Lille Directrice de mémoire : Frédérique TEURNIER (Texte intégral en PDF) C’est parce que la sage-femme a des compétences techniques médicales, des compétences cliniques et des compétences relationnelles dans les domaines pré, per et post-natal, que sa profession s’impose dans le système de santé publique comme une clé de voûte de la périnatalité. Cependant, pour promouvoir un système de santé publique toujours plus performant, ce système nécessite une remise en cause, a besoin de revoir ses acquis, ses présupposés et de se poser les bonnes questions. Les sages-femmes sont au cœur de la périnatalité et s’imposent dans cette science comme des actrices incontournables, aussi doivent-elles, elles aussi, appréhender cette dynamique de réflexion et s’intéresser à leur place dans la recherche dans ce domaine ? OBJECTIF DE L’ÉTUDEL’objet de ce mémoire repose donc sur une approche entre les univers de la recherche d’une part et de la sage-femme d’autre part et leurs liens connexes. Au regard du clivage notable remarqué entre l’investissement des sages-femmes étrangères (américaines, anglaises, australiennes…) dans la recherche périnatale et l’investissement des sages-femmes françaises dans cette discipline, le travail portait sur la problématique française suivante : les sages-femmes ont-elles leur place dans la recherche ?
Afin d’appréhender au mieux la dualité de ces deux mondes et leurs interactions, plusieurs choix ont été opérés. Le concept de démarche scientifique a ici été scindé en deux temps principaux : recherche d’une part (temps de la conceptualisation) et Ingénierie de recherche (temps de l’étude à proprement parler concernant les aspects techniques) d’autre part, pour permettre de définir plus précisément le niveau de participation des sages-femmes aux travaux de recherche. Principalement axé sur la recherche périnatale, ce travail de recherche se voulait une réponse pratique pour les sages-femmes qui doutaient de l’importance d’un volet recherche dans la discipline sage-femme. HYPOTHÈSESDans mon étude, j’ai alors tenté par quatre axes d’études déclinés en cinq hypothèses de répondre à la question de la place : j’ai étudié successivement les questions de place par rapport à l’intérêt de la recherche périnatale, en étudiant les compétences des sages-femmes pour cette activité, le statut des sages-femmes participant déjà à cette activité et enfin, la culture des sages-femmes vis-à-vis de ce domaine. Les deux études que j’ai parallèlement menées tentaient de répondre aux hypothèses suivantes :
1/ La périnatalité, comme toute science, peut faire l’objet de recherches menées par les professionnels de ce domaine, notamment par des sages-femmes. METHODOLOGIE DE RECHERCHEDeux études ont parallèlement été menées auprès de chercheurs en périnatalité de l’unité INSERM 149 s’intéressant à la recherche périnatale et à la santé des femmes, et auprès de sages-femmes ayant participé aux études de ces chercheurs.
Ainsi, d’une durée moyenne de 1 heure chacun, 10 entretiens semi-dirigés de 12 questions ont été menés à Lille et Paris, sur les lieux de travail des chercheurs, au sein même des laboratoires de cette unité sur les sites de Jeanne de Flandres, Port-Royal et Villejuif. Après multiples relances, 6 demandes d’entretien n’ont pas fait suite, ainsi 62,5% des chercheurs initialement sollicités ont été entretenus. Cet échantillon se composait de : De même, 80 questionnaires ont été envoyés aux sages-femmes à travers tout le territoire français et connaissent 31 réponses. Le taux de participation des sages-femmes à l’enquête atteint 38,75%, à différencier du taux d’interprétation qui atteint 31,25%, 6 questionnaires n’étaient pas interprétables. Il faut préciser que les grandes études de l’unité 149 de l’INSERM qui ont été retenues pour l’étude sont : EDEN, EPIPAGE, les enquêtes nationales périnatales et l’enquête sur la mortalité maternelle. Ainsi, seuls les chercheurs et les sages-femmes ayant travaillé sur ces sujets de recherche ont été sollicités. RÉSULTATS-Concernant l’intérêt de la recherche périnatale, tous les chercheurs s’accordent à la juger nécessaire et 80% des sages-femmes interrogées la jugent indispensable.
-Sur la question des compétences et de la formation, dans les résultats les plus marquants, on remarque que 100% des chercheurs entretenus jugent la participation des sages-femmes indispensable : pour leur expertise en premier lieu, pour leurs compétences et leurs connaissances mais aussi pour leur place en première ligne dans cette discipline, ou encore leur rigueur. Mais ils regrettent tous le manque de formation à et par la recherche des sages-femmes qui, avec ce plus, pourraient plus largement participer et s’investir dans les recherches. -Concernant le statut des sages-femmes pendant leur participation aux recherches : aucune n’a bénéficié d’un statut pour cette activité à type d’attaché de recherche clinique ou de technicien de recherche, seules 18% des sages-femmes ont été rémunérées pour cette activité supplémentaire, et dans plus de 3⁄4 des cas, cette participation aux recherches s’est faite sur leur temps personnel. Il est à noter que toutes les sages-femmes n’ont collaboré qu’au stade d’INGENIERIE aux études (recueil et traitement des données). -Concernant l’aspect culturel de la place de la sage-femme dans la recherche, les avis sont entre sages-femmes et chercheurs très proches. Pour tous, la formation initiale est le nœud du problème, sans oublier le défaut de promotion dans la profession, la motivation des sages-femmes, le manque de statut, manque de temps, ou tout simplement par méconnaissance de ce domaine. Malgré ce constat, tous (sages-femmes et chercheurs) pensent que les sages-femmes ont une place dans la recherche et les sages-femmes se positionnent à la 2e place dans la recherche périnatale juste après les gynécologues-obstétriciens et avant les pédiatres. CONCLUSIONDans l’étude que j’ai menée et avec la population que j’ai étudiée, les sages-femmes auraient une place dans la recherche. Aussi, cette place ne serait aujourd‘hui pas encore instituée puisque les sages-femmes dans la majorité des cas ne bénéficient d’aucun statut particulier ou d’aucune reconnaissance pour leur participation aux travaux qui de plus s’effectue sur leurs temps personnels. De même il apparaît à travers cette étude que la culture sage-femme ne soit que trop peu dirigée vers la recherche puisque la moitié des sages-femmes interrogées avouent ne jamais avoir été sensibilisées par la recherche à proprement parler.
Pour les chercheurs, c’est le nœud de la problématique qu’ils définissent ainsi : La formation ne sensibilise pas assez ou trop peu à la recherche, elle ne créée pas de culture recherche chez les sages-femmes et ne stimule donc pas de motivations pour s’investir dans cette activité. Les recherches sont alors entreprises par d’autres professionnels du monde périnatal, les sages-femmes y participent peu ou pas, et ne publient donc pas, ce qui ne stimule pas les lectrices sages-femmes ni ne les sensibilise, ce qui ne promeut pas leur participation à de nouvelles études. Ainsi, dans les propositions formulées, il apparaîtrait que la formation sage-femme gagnerait en valorisation, en reconnaissance et en expertise dans le domaine périnatal et dans celui de la santé publique pour les femmes et les nouveau-nés, si les sages-femmes étaient plus préparées à l’exercice de la recherche dans la formation initiale, tout comme si elles avaient accès à une formation universitaire qui leur permettrait un accès systématique aux unités d’enseignements de recherche, ou la reconnaissance universitaire de leur formation. Ceci leur permettrait de décloisonner la tubularité de leurs enseignements, et de valoriser des enseignements transversaux qui permettraient une mutualisation des enseignements recherche avec d’autres formations (médicales ou anthropologie, éthologie, ethnologie, sociologie). Sans oublier une formation continue stimulée autour d’enseignements recherche. Pour conclure : RECHERCHE SAGE-FEMME DÉSESPÉREMMENT. |
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