Jean CARDONNEL
Je me suis trouvé au cœur même de l’atmosphère d’une chaude amitié sans laquelle il m’est impossible de respirer. La journaliste déléguée par l’Indépendant se nomme Josiane. Je n’ai qu’à broder sur mes paroles qu’elle cite et orchestre avec sympathie vraie. Un mot cocasse d’une Française me décrivant sa vie du côté de Rio de Janeiro peut servir de toile de fond. Elle ponctuait les étapes d’une évolution intéressante d’un
- « Vous savez ce que c’est… »
Mon enfance s’est déroulée aux prises avec l’Œdipe mais bien rythmée « vous savez ce que c’est… » premiers succès scolaires « vous savez ce que c’est… », mon adolescence, mes premières déceptions sentimentales « vous savez ce que c’est… », je me suis mariée, j’ai été enceinte « vous savez ce que c’est… ». A l’époque, mon geste fut celui de la dénégation. Aujourd’hui, je dirais « oui ».
1) Car il me parait vital de ne travailler qu’à partir de ce qui me travaille. L’énigme du mal laboure mon être. Il se forme en moi une espèce de corps autre, plus moi que moi, mon œuvre, mes fils et mes filles. Je suis peuplé d’autres s’incorporant à moi, je m’incorpore à eux. Re-nés comme moi, à partir d’une re-production insuffisante pour leur (ma) mise au monde. J’élabore d’un labour qui me fait savoir que je suis taillé comme un bloc de marbre ou mieux une vigne prête à se laisser émonder. Il y a une sensualité du sens. Le sens. Je sens tout et pres-sens le reste. Le sens, c’est moi qui me le donne mais je sens, pres-sens alors qu’il est le sens qui se donne à tous.
2) Le cher pasteur Chitty disait : « Il faut être pédagogue ». Je suis convaincu de la nécessité d’une substitution à l’accompagnement pédagogique de la co-responsabilité créatrice. Ceci parce qu’un créateur ne fabrique pas les créatures mais suscite, res-suscite un flot de créateurs.
3) Je tolère mal qu’un bon nombre d’hommes, de femmes ne conçoivent rien, n’enfantent rien, ne mettent rien au monde, mais hélas ! produisent. Se re-produisent. La re-production n’a de sens que si elle se met au service d’une libre Re-naissance.
4) Qu’il ne soit enfin laissé à une femme qu’un choix : avorter ou fabriquer des avortons est proprement intolérable.
Nous avons galvaudé la Parole merveilleuse de mise au monde. Comme si c’était fait une fois pour toutes. Ça y est, l’y voilà au monde.
Alors qu’il s’agit d’un lent devenir. Je suis en premier lieu mais à l’étroit. On met les humains assez bas. Nous sommes mis au Travail, à la Famille, à la Patrie.
Nous sommes mis… à Vichy — pas au monde.
Il suffit de regarder un enfant, un adulte pour réaliser son appel à… la mise au monde.
On a fait de l’acte d’amour le Devoir conjugal et de l’amour de tous… la charité — le premier de la liste des devoirs d’Etat.
Aimer quelqu’un ou point qu’il vous de-vienne
Unique au monde ce n’est pas le garder pour soi, c’est le mettre au monde.
C’est lui faire con-naître le monde et le faire con-naître
Re-connaître par le monde.
C’est en réciprocité que pères, mères,
Fils et filles qui s’aiment se mettent au monde. Sinon, l’acte est uni-latéral, hégémonique.
Il était une fois…
un juriste à moins que ce ne fût
un économiste ou un gynécologue
ou peut-être un théologien.
Il alla trouver l’homme clandestin accusé de subversion et d’exercice illégal de la médecine. Le personnage d’importance avait peut-être rang de secrétaire d’Etat aux affaires étrangères ou de… pontife.
Il se rendit chez le suspect de nuit pour ne pas prêter le flanc au grief d’un double jeu (à la fois bouclier de l’Etat et de mèche avec les insurgés).
Il dit à l’Appelé Fils de l’Homme.
L’A-venir incertain de l’homme :
nous savons que ta parole coule de source,
même de l’Unique Source car tu ne pourrais faire les gestes qui sont les tiens si le Principe et la Fin de tout ne t’accompagnaient.
(La Fin non achèvement — Finitude — Décrépitude — mais l’universelle destination le But grandiose).
L’homme étrange et familier lui répondit
si tu ne Re-nais pas à nouveau,
si tu ne t’arranges pas pour
con-naître-naître à’nouveau,
avec beaucoup d’autres,
impossible d’être intelligent de la Réalité
Le juriste, à moins que ce ne fût un économiste, un gynécologue ou un théologien, ou un homme d’Etat, ou le Pape vacilla sur ses bases.
Il reprit son souffle et risqua :
— Comment un homme pourrait-il naître s’il est vieux ?
Un homme fait, re-fait, au corps constitué, à l’aube de son déclin, de sa dé-composition, chargé d’années, d’expérience, est-il capable d’entrer une seconde fois dans le ventre de sa mère ?
Malgré mon savoir, j’ai les pieds sur terre.
Il ne faut pas rêver.
— Si, en vérité, rêvons tout éveillé lui répond l’homme dont le programme tenait en trois lignes :
trente ans de vie cachée
trois ans de vie publique — finie au plus mal
aucune vie privée — le tout au verso d’un timbre poste de Galilée.
Faisons la réalité du plus large de nos rêves.
Nul, s’il ne devient nouveau-né
du mariage de l’eau et du vent
ne sera intelligent d’élémentaire Réalité
qui est né une fois pour toutes reste inerte
qui naît du souffle déborde la lourdeur
et se moque de la pesanteur
ne t’étonne pas si le t’ai dit : il vous faut naître de bien plus haut que tous les gens bien élevés d’excellente éducation.
Le vent souffle où il lui prend fantaisie de souffler
à décorner les bœufs — ce qui est enfantin — mais à dé-coiffer les munis d’un képi — à dé-casquer tous les bien casqués, à dé-tiarer les tiarés (aujourd’hui, la tiare est déjà partie) — à dé-mitrer les plus solidement mitrés (pour les vrais fraternels, c’est déjà fait) — à dé-cravater les pourvus du meilleur nœud.
Le vent souffle donc où il lui plaît de souffler,
tu entends sa voix mais tu ne sais ni d’où il vient ni jusqu’où il entraîne.
Ainsi en est-il de ceux qui naissent du souffle.
Le notable lui dit : tout ceci est très poétique — mais nous avons, nous, à gérer le quotidien — quel est le mode d’emploi de ton intuition ? Dis nous comment ceci aura lieu.
Le clandestin lui dit : tu es juriste, économiste, obstétricien ou rappelle-moi tes titres — théologien, maître de Ville ou Chef d’Etat ou Pape Sommet d’une compétence sectorielle. Et tu ignores le BA-Ba de la con-naissance — l’enfantin, c’est-à-dire que rien n’est aussi fantastique, inouï que la Réalité. Le vrai est toujours in-vraisemblable. L’histoire atteint la lime d’in-vraisemblable dans l’ordre de l’horreur. Alors, pourquoi pas le plafond de l’invraisemblable pour la fraternité ? Apprends de mon jeune ami Marc l’art d’être grand frère, à 12 ans, d’un vieux compagnon re-né par lui juvénile. « Un petit frère de 70 ans, n’est-ce pas original ? Un enfant qui aura cette chance s’en réjouira plus que tous »…
Instruis-toi auprès de José le brésilien. Il trouvera les mots du cœur que sait créer sa réponse à l’ex-ennemi portuguais devenu son ami. Le lien d’amitié permet au nommé portuguais de poser sa question
— « Tu te souviens quand tu voulais me tuer ? »
— Oui, dit le petit Brésilien, je t’ai tué à l’envers pour te faire naître dans mon cœur.
Mettons nous à l’école des femmes
pour passer d’une société hiérarchique
à l’autre conviviale.
« Le mariage, Agnès, n’est pas un badinage.
À d’austères devoirs le rang de femme engage.
Et vous n’y montez pas, à ce que je prétends,
pour être libertine et prendre du bon temps.
Votre sexe n’est là que pour la dépendance.
Du côté de la Barbe est la Toute Puissance.
Bien qu’on soit deux moitiés de la société
les deux moitiés entre elles n’ont point d’égalité.
L’une est moitié suprême et l’autre subalterne.
L’une est soumise en tout à l’autre qui gouverne.
(Ici musique militaire qui rythme tous les rapports sociaux unifiés par le rapport mémoire homme-femme tandis qu’Agnès est à genoux, le code civil sur le tête, devant Arnolphe)
Tout ce que le soldat dans son devoir instruit
montre d’obéissance au chef qui le conduit,
un valet à son maître, un enfant à son père.
À son supérieur le moindre petit frère
n’approche encore point de la docilité
et de l’obéissance et de l’humilité
et du profond respect où la femme doit être
pour son mari, son chef, son seigneur et son maître. »
Ce programme se résume en un mot allemand
Führer-princip
Si la plus noble conquête de l’homme c’est le cheval.
Quelle est la plus ancienne colonie de l’homme ?
La Femme.
Le front d’émancipation — vers l’émancipation
« Il faut l’avouer — l’Amour est un grand maître
Ce qu’on ne fut *ornais, il nous enseigne à l’être ».
(Ici contre tous les poy au 1er degré, les ratatineurs d’humanité qui nous sussurent et serinent qu’il faut ne faut pas demander à chacun plus qu’il ne peut donner. « Ils ont des tempéraments divers limités par la finitude ». Je suis comme ça et n’y peux rien. C’est ma nature »)
Là, contre clamons avec Jean-Baptiste Poquelin Molière, comédien de l’humanité — le Beau nom féminin singulier des hommes, Femmes et peuples au pluriel.
« De la nature en nous l’Amour force tous les obstacles
Et ses effets soudain ont de l’air des miracles.
D’un Avare en l’instant il fait un libéral »
(Ceci ne dit plus rien. Si, de Valéry Giscard d’Estaing.
Rêveurs : d’un ladre, d’un Harpagon,
L’Amour fait un magnanime, un père infiniment plus prodigue que le plus prodigue de ses enfants prodigues)
« Un vaillant d’un poltron » Un indomptable chevalier des causes perdues d’un trouillard.
« L’Amour fait un civil d’un brutal » Pas un Pékin.
L’aimant d’humanité naît d’un brutal, d’un soudard,
d’une vieille culotte de peau, d’un hussard de la mort.
Les plus affreux pillards et tortionnaires impériaux
ont de quoi re-naître bénis d’Amitié.
Il y a chez le plus in-signifiant des êtres un génie créateur,
un passionné d’humanité qui s’ignore.
« L’Amour rend agile à tout l’âme la plus pesante
et donne de l’esprit à la plus innocente »
L’Amour tissé d’humour est invisible
parce que vulnérable à l’infini.