La Marseillaise – Les Échos : La naissance est un acte citoyen |
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Châteauroux : États Généraux de la Naissance
La naissance est un acte citoyenM.T. CAUMON
L’Écho – La Marseillaise, lundi 25 septembre 2006, p.4 Châteauroux accueillait, ce week-end, les États généraux de la naissance. On a y beaucoup parlé d’accompagnement et de respect des parents et de l’enfant. Quels changements souhaitent les usagers dans le domaine de la naissance ? C’est à cette question que plus de trois-cent cinquante personnes ont tenté de répondre ce week-end à Châteauroux, où se tenaient les États Généraux de la Naissance organisés par le CIANE, en collaboration étroite avec l’association castelroussine « Quelle naissance demain ? » présidée par le docteur Max Ploquin.
Usagers et familles, sages-femmes, médecins, obstétriciens, pédiatres, analystes, psychologues, puéricultrices, infirmières, naturopathes, ostéopathes, accompagnatrices de la naissance… ont, deux jours et demi durant, échangé sur les changements à apporter en vue d’une « naissance respectée ». Grâce à de nombreux ateliers, « open space » et projections vidéo, de multiples sujets ont été abordés, approfondis. Dans un atelier, il fut question des problèmes d’assurances des professionnels de la naissance et de leurs répercussions sur l’offre de soins aux usagers des services de maternité. Dans un autre, c’est l’accompagnement de la naissance qui fut évoqué et notamment la profession de « doula » qui n’a encore aucun statut juridique en France. Furent également soulevées les difficultés des sages-femmes à exercer leur art dans des conditions acceptables. Plus loin on a parlé de la vie intra-utérine, des conditions de l’accouchement, de leurs conséquences sur le long terme pour le bébé à naître. Un accent fut mis sur le déclenchement artificiel de l’accouchement. Presque anecdotique dans les années 60, il représentait 10% des accouchements en 1981 et en concerne aujourd’hui plus de 20 %, soit environ 160 000 femmes et bébés chaque année en France. « Est-il besoin de dire que la grande majorité de ces femmes et de ces bébés se porteraient tout aussi bien, sinon mieux, si l’on avait laissé le travail se déclencher spontanément ? » observe le Dr Patrick Stora. « Les conditions dans lesquelles un bébé est porté, puis les circonstances de sa naissance influent sur sa manière d’appréhender la vie » renchérit Juliette Planckaert, psychanalyste haptothérapeute. De nombreux autres sujets ont été abordés tels la contraception, la maternité, le droit à l’allaitement, les thérapies et hygiène de vie, la représentation des usagers dans les instances… Et aussi les Maisons de naissance, leur structuration, leur nécessaire autonomie ‑qui n’est pas gagnée puisque le plan périnatalité prévoit qu’elles seront attenantes à des services obstétriques, voire implantées en leur sein. Une large part de ces États généraux a été consacrée à la pris en charge de la périnatalité et aux progrès à faire en ce domaine. « Trop souvent, les mères sont abandonnées après l’accouchement, les bébés bousculés dès la naissance par des gestes médicaux », alors « qu’un système de santé moderne se doit de répondre au bien-être auquel aspirent légitimement les citoyens » a‑t-on observé. Avant de préconiser une prise en charge multiple, allant de la préparation à la naissance jusqu’à l’accouchement, les conseils de santé, l’accueil du nouveau-né, la relation mère-enfant ; la prise en compte et la gestion des traumatismes… Bref une politique périnatale « prenant en compte le bien-être physique et mental de l’enfant, de sa mère et de son père, ainsi que leur environnement familial au sens large ». Car, comme l’a fait observer le docteur Max Ploquin, « la naissance est un acte citoyen ». M.T CAUMON LEUR TÉMOIGNAGE PAULA MEYER, 40 ANS, BIOLOGISTE, MAMAN DE TROIS ENFANTS (vit en Polynésie Française) « Pour la naissance de mon troisième enfant, j’ai accouché à ta maison. Ce fut une expérience extraordinaire. Ce fut difficile à mettre en place car aucune sage-femme à Tahiti ne le faisait. J’ai dû en faire venir une de Hawaï. J’ai accouché sans préparation spécifique et ça s’est passé magnifiquement. Le bébé est né tout en douceur, il n’a pas hurlé en sortant, il a été tout de suite accueilli par les parents, par ses soeurs, a tout de suite fait partie de la famille. De ce fait, mon mari a été plus impliqué, plus responsabilisé. Sa relation avec le bébé a été tout de suite très forte. Et puis il y a eu la fierté d’avoir mis au monde mon bébé toute seule, sans moyen médicalisé ; c’était une sensation extraordinaire. Les changements que je souhaite ? Qu’il y ait plus de choix pour les parents, que l’on favorise toutes les alternatives (accouchement en milieu médicalisé, à domicile,avec péridurale, sans, etc.) Que la profession de sage-femme soit plus valorisée et que les « doula s » soient reconnues car il est important que les familles aient un accompagnement global. Et ça ne coûterait pas plus cher que de devoir gérer les problèmes comme, par exemple, les dépressions post-natales dont souffrent souvent les mamans. Je suis un peu surprise d’entendre des sages-femmes craindre que les doulas prennent leur place. Elles n’ont pas du tout le même rôle, elles sont complémentaires. » ROSENN MORIZUR, 35 ANS, MAMAN DE DEUX ENFANTS (Tours) « Mon premier accouchement a été déclenché et j’ai fini par demander une péridurale que je ne souhaitais pas. Pour mon deuxième enfant, j’avais mis tous mes souhaits par écrit j’ai accouché en maternité mais sans péridurale, sans assistance médicale. Il y avait bien sûr moins d’inquiétude que pour le premier mais ce qui a surtout compté c’est le fait de mieux mee connaître, de mieux exprimer mes ressentis, et donc de mieux contrôler la naissance. C’est moi qui, par exemple, disais : là je vais pousser. J’étais très fière car mon gynéco, qui me connaissait depuis longtemps, ne me croyait pas capable d’accoucher comme ça. Ce que je souhaiterais, c’est que l’on remette les parents et les enfants au cœur de la naissance, que cette dernière ne soit pas un geste médical avant tout dans une famille. Il faudrait également décloisonner les relations Interprofessionnelles et développer l’accompagnement global. Pour ma deuxième maternité, J’ai été accompagnée, ça m’a aidée à acquérir une confiance en mol, à mieux me connaître et donc à être autonome pour l’accouchement. Et ça été moins coûteux qu’un déclenchement, qui nécessite du personnel supplémentaire et du matériel médical. » AURÉLIE DUDEFFAND, 27 ANS, DEUX ENFANTS, DOULA (Clichy) « Ma mère m’avait toujours dit qu’elle ne voulait pas d’autre enfant car elle avait trop souffert à ma naissance. Alors je ne voulais pas d’enfant. Et puis je suis tombée enceinte alors que je prenais la pilule. Finalement, j’ai super bien vécu ma grossesse mais je ne pensais absolument pas à l’accouchement. Je refusais d’y penser. J’y suis allée avec une trouille pas possible au ventre, une trouille niée. Ce qui fait que mon bébé est né par césarienne, en urgence, à l’hôpital. J’ai ressenti un profond sentiment d’échec. J’ai envisagé d’avoir un second enfant qu’avec la certitude que ça se passerait mieux que pour le premier. J’ai donc demandé d’avoir un accompagnement avant et pendant la grossesse. Et j’ai acccouché de ma fille à la maison. Sans aucun problème. De là, j’ai décidé que je serais « doula ». Le but, c’est de redonner confiance aux parents, en leurs compétences, c’est de leur donner les outils pour qu’ils puissent gérer eux-mêmes la naissance de leur premier enfant, sans que je sois là. Et mon but ultime, c’est qu’ils n’aient pas du tout besoin de moi pour le second. » |
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