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Le 17 octo­bre, le CNGOF a annon­cé la mise en place d’un label cen­sé garan­tir la bien­trai­tance et la trans­parence en mater­nité. Les asso­ci­a­tions d’usagers n’ont jamais cau­tion­né ce label ni par­ticipé à son élab­o­ra­tion. Sur le fond, le Ciane con­sid­ère que la bien­trai­tance n’est pas une option [1] à laque­lle des mater­nités volon­taires pour­raient adhér­er. Elle est une oblig­a­tion pour tous. Con­tre les vio­lences obstétri­cales, le Ciane a émis des propo­si­tions. Pour co-con­stru­ire une poli­tique ambitieuse, le Ciane par­ticipe à la com­mis­sion inter­dis­ci­plinaire “Pro­Bités”, accueil­lie par le CNGOF et sans lien avec la con­struc­tion du label.

Cette mise au point faite, que peut-on penser de ce label ? Il est attribué aux mater­nités qui s’engagent sur 12 critères cen­sés garan­tir la qual­ité des soins et qui met­tent à dis­po­si­tion des femmes un accès à une plate­forme d’information bap­tisée Maternys.

Les 12 critères sont dis­cuta­bles et surtout ne garan­tis­sent en rien une amélio­ra­tion des pra­tiques (cf l’IRASF [2] et Marie-Hélène Lahaye [3]). La for­mu­la­tion de cer­tains retient par­ti­c­ulière­ment l’attention:

  • L’autonomie des patientes se trou­ve ain­si ramenée au choix d’un accouche­ment “dé-médi­cal­isé” (sera-t-il pour autant respectueux de la physiologie ?).
  • Il est pro­posé qu’en cas d’intervention faite dans l’urgence, l’information soit prévue “avant la sor­tie de la mater­nité” : nous rap­pelons qu’au terme de la loi, et sauf urgence vitale, l’information n’a pas à être dif­férée; les équipes les plus en pointe tra­vail­lent, au con­traire, à assur­er une com­mu­ni­ca­tion adap­tée avec les femmes même dans ces sit­u­a­tions tendues.
  • Un pro­jet de nais­sance “mod­èle” devra être pro­posé à chaque femme; alors que depuis des années, bien des pro­fes­sion­nels sus­pectent les femmes de céder à la facil­ité en copi­ant leurs pro­jets de nais­sance sur inter­net, ce critère est pour le moins pittoresque.

Le label insiste sur l’amélioration de l’information via une plate­forme dédiée. Organ­isée autour d’une appli­ca­tion et de vidéos, elle dis­pensera des infor­ma­tions générales sur l’ensemble de la grossesse et de l’accouchement, telles qu’on peut les trou­ver dans des pub­li­ca­tions grand pub­lic. On est effaré d’apprendre que si la femme n’a pas mon­tré par ses répons­es à un ques­tion­naire qu’elle a assim­ilé les con­nais­sances apportées par une vidéo, elle n’aura pas la pos­si­bil­ité de pass­er au stade suiv­ant! Est-ce cela un exem­ple de bien­trai­tance et de respect de l’autonomie des femmes ?

Il sem­ble qu’aux yeux du CNGOF, un des mérites essen­tiels de cette plate­forme soit de nature médi­co-légale, car elle “apporte la preuve de l’information et de la prise de con­nais­sance de chaque con­tenu par la patiente” (dossier de presse dif­fusé le 17 octo­bre). En tout état de cause, cet out­il ne peut en rien se sub­stituer à l’information indi­vid­u­al­isée qui doit être prodiguée à chaque patiente en entre­tien indi­vidu­el (loi Kouch­n­er). Un de ses effets pour­rait être de dére­spon­s­abilis­er les pro­fes­sion­nels sur cette ques­tion de l’information.

Par ailleurs, ce n’est pas parce que l’on a reçu une infor­ma­tion sur un geste que l’on doit y con­sen­tir, le con­sen­te­ment pou­vant être don­né ou retiré à tout moment. Sur ce point cru­cial, le label est sin­gulière­ment silen­cieux: il ne garan­tit en rien que le choix des femmes soit respecté.

Au final, le label rassem­ble des mesures qui soit devraient être la règle et non lais­sées à l’appréciation des mater­nités (par exem­ple la trans­parence sur les pra­tiques), soit n’apportent pas de béné­fice majeur aux femmes, voire font courir le risque d’une dégra­da­tion. C’est pourquoi le Ciane appelle les médias et les femmes à la plus grande vig­i­lance, et espère que les mater­nités s’investiront dans des actions éprou­vées d’amélioration des pra­tiques.

Références

  1. Com­mu­niqué de presse du CIANE : “La bien­trai­tance n’est pas une option” — Réac­tion du Ciane à l’avis de la CNCDH sur les mal­trai­tances dans le sys­tème de soins, 5 juin 2018.
  2. Le Label du CNGOF et Mater­nys : des out­ils réal­isés sans les asso­ci­a­tions de vic­times et d’usagères, IRASF, 18 octo­bre 2019
  3.   Le « label bien­trai­tance » du CNGOF : de la poudre aux yeux pour ne pas chang­er les pra­tiques, Blog Marie accouche là, 18 octo­bre 2019