La secré­taire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes a com­mandé un rap­port au Haut Con­seil à l’Egalité entre les femmes et les hommes pour faire la lumière sur le phénomène des vio­lences obstétri­cales. Le Haut Con­seil a débuté ses audi­tions. Le Ciane se saisit de cette actu­al­ité et pro­pose des pistes pour lut­ter con­tre ces maltraitances.

Mal­gré les pro­grès accom­plis ces dernières années par les pro­fes­sion­nels de san­té pour dévelop­per des pra­tiques plus respectueuses de la diver­sité des attentes des femmes, l’émer­gence dans le débat pub­lic des vio­lences obstétri­cales vient rap­pel­er qu’il reste encore du chemin à par­courir. Au préal­able, pour faire avancer le débat, il nous paraît utile d’essayer d’en clar­i­fi­er les termes.

La mal­trai­tance en obstétrique peut s’exercer durant un par­cours d’assistance médi­cale à la pro­créa­tion, la grossesse (y com­pris IVG), l’accouchement et le post-par­tum, dans des con­sul­ta­tions en cab­i­net libéral ou en étab­lisse­ment de san­té. Nul n’est en mesure d’indiquer l’ampleur du phénomène.

Le con­cept de “vio­lences obstétri­cales” fait polémique. L’absence de vision partagée a con­tribué à brouiller le débat, très médi­atisé depuis l’été 2017. Pour cer­tains, à par­tir du moment où une femme se sent vic­time de vio­lence, cette vio­lence est avérée et doit être recon­nue. De là il n’y a qu’un pas — franchi par des soignants sur la défen­sive — pour dire que la vio­lence est totale­ment sub­jec­tive et sans fonde­ment, ne néces­si­tant  donc pas de remet­tre en cause des pra­tiques. Pour d’autres, ce sont les actes médi­caux eux-mêmes qui seraient por­teurs de vio­lence, parce qu’ils iraient à l’encontre de la phys­i­olo­gie fémi­nine. La sur­médi­cal­i­sa­tion serait alors la cause de la maltraitance.

Son expéri­ence dans l’ac­com­pa­g­ne­ment des femmes ayant subi des vio­lences lors de con­sul­ta­tions ou d’un séjour hos­pi­tal­ier a con­duit le Ciane à une vision dif­férente de la mal­trai­tance, qui doit à notre sens être con­sid­érée comme une per­tur­ba­tion de la rela­tion de soins com­prise dans sa glob­al­ité. Le manque d’explications, la non recherche du con­sen­te­ment, l’absence de prise en compte de la douleur, la bru­tal­ité des gestes etc. peu­vent trans­former un acte tech­nique comme la pose de for­ceps en vio­lence obstétricale.

La mal­trai­tance est donc car­ac­térisée par des faits, isolés ou cumulés, plus ou moins graves et délétères :

  • vio­lence ver­bale (dén­i­gre­ment, pro­pos infan­til­isants, sex­istes, homo­phobes, humiliants, men­aces, intimidations, …) ;
  • déni de la douleur exprimée et mau­vaise prise en charge de la douleur (césari­enne à vif, min­imi­sa­tion du ressen­ti de la patiente, …) ;
  • absence d’information et de recherche du con­sen­te­ment et non respect du refus de soins ;
  • absence d’accompagnement ou de bienveillance ;
  • absence de respect de l’intimité et de la pudeur ;
  • bru­tal­ité des gestes et des com­porte­ments ; etc.

Les con­séquences des vio­lences obstétri­cales sont encore mal doc­u­men­tées. Il est cepen­dant clair que, dans les cas les plus graves, les vio­lences obstétri­cales sont l’une des caus­es du syn­drome de stress post-trau­ma­tique après un accouche­ment. Ce stress post-trau­ma­tique peut avoir des con­séquences dra­ma­tiques : renon­ce­ment aux soins, vie sex­uelle en berne, peur ou refus de grossess­es ultérieures, remise en cause de l’idéal famil­ial, sen­ti­ment de cul­pa­bil­ité, perte d’estime et de con­fi­ance en soi, etc. comme le souligne la méta-analyse de Fenech et Thom­son parue dans le jour­nal Mid­wifery en 2014 . Un état des lieux de la recherche en psy­cholo­gie sur les accouche­ments trau­ma­tiques pub­lié en 2015 dans Jour­nal of Repro­duc­tive and Infant Psy­chol­o­gy souligne entre autre que le choix, l’information et l’implication des patientes dans les déci­sions sont poten­tielle­ment pro­tecteurs con­tre les accouche­ments traumatiques.

Le Ciane rap­pelle que la loi de 2002 rel­a­tive aux droits des usagers, en par­ti­c­uli­er en matière d’information et de con­sen­te­ment aux soins et de refus de soins, est des­tinée à instau­r­er le dia­logue entre patients et soignants, étab­lis­sant les fon­da­tions d’une rela­tion de con­fi­ance. C’est la pre­mière base de préven­tion de la maltraitance.

Nos propositions pour lutter contre les violences obstétricales

préconisations Ciane contre VO 102017jb

 

Les femmes ne se cen­surent plus et, mieux, leurs paroles ont une réso­nance au-delà de la sphère des asso­ci­a­tions de péri­na­tal­ité, même si ce domaine présente une spé­ci­ficité : l’obstétrique et la gyné­colo­gie sont les seules spé­cial­ités médi­cales con­cer­nant unique­ment les femmes. Du suivi gyné­cologique à l’accouchement et ses suites, la sex­u­al­ité d’une femme est engagée dans les soins. La vio­lence obstétri­cale peut donc être analysée sous le prisme de la vio­lence dans les soins en général, mais aus­si sous le prisme de la vio­lence de genre.

Cette libéra­tion de la parole, qui peut être mal vécue par les pro­fes­sion­nels, est pour­tant une chance. Chance pour les équipes médi­cales de réin­ter­roger leurs pra­tiques, chance de mon­tr­er leur capac­ité d’é­coute, de mon­tr­er qu’elles sont mues par le souci de pro­pos­er tou­jours le meilleur aux femmes.

Toutes les propo­si­tions du Ciane ne pour­ront être menées à bien sans que la place des usagers ne soit garantie et favorisée dans les dif­férentes instances où ils sont autorisés à par­ticiper : Haute Autorité de San­té, réseaux de san­té en péri­na­tal­ité, etc. Les asso­ci­a­tions d’usagers sont les experts des ques­tions de la mal­trai­tance obstétricale.

Les pro­fes­sion­nels de san­té seuls ne sont pas en mesure de pro­pos­er des mesures per­ti­nentes pour prévenir la mal­trai­tance et obtenir une répa­ra­tion pour les victimes.

Le Ciane demande à être reçu au min­istère de la san­té et par le secré­tari­at d’Etat chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes pour entamer le dia­logue sur ces ques­tions. Le Ciane appelle le Col­lège nation­al des gyné­co­logues et obstétriciens français, le Col­lège nation­al des sages-femmes de France, la Société française de maïeu­tique, la Société française d’anesthésie-réanimation, la Société française de médecine péri­na­tale, Le Col­lège nation­al des médecins général­istes, l’Association nationale des aux­il­i­aires de puéri­cul­ture, le Club d’anesthésie réan­i­ma­tion en obstétrique, la Société française de gyné­colo­gie et les organ­i­sa­tions représen­ta­tives des infir­mières à un tra­vail com­mun pour lut­ter con­tre la mal­trai­tance et pro­mou­voir la bientraitance.

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