Le Collège national des sages-femmes de France a annoncé la prochaine publication des recommandations pour la pratique clinique sur l’administration d’oxytocine lors du travail spontané. L’oxytocine est la forme de synthèse de l’ocytocine, hormone produite naturellement pendant l’accouchement. Elle est utilisée pour stimuler les contractions dans 6 accouchements spontanés sur 10 en France.
Des évolutions des pratiques sont attendues
Le CIANE, associé à l’élaboration de ces recommandations, salue les évolutions de pratiques qu’elles devraient induire :
- La phase de latence du travail est redéfinie. Jusqu’ici établie jusqu’à 3 cm de dilatation du col utérin, la phase de latence s’étend désormais jusqu’à 5–6 cm de dilatation. Durant cette phase, aucune intervention n’est nécessaire pour accélérer le travail.
- Durant la phase active de travail qui suit la phase de latence, on considère désormais que la progression du travail est insuffisante si elle est inférieure à 1 cm toutes les 4 heures entre 5 et 7 cm de dilatation et inférieure à 1 cm toutes les deux heures entre 7 cm et 10 cm de dilatation.
- En cas de progression insuffisante du travail, la seule intervention recommandée en première intention est la rupture de la poche des eaux. Après un délai d’une heure, si le travail n’a pas progressé, l’oxytocine est indiquée.
- Enfin, lorsque l’oxytocine s’avère nécessaire, les recommandations décrivent comment ajuster les doses administrées de façon à rester efficace tout en minimisant les effets indésirables, qui sont proportionnels aux doses.
Ces nouvelles pratiques permettront un meilleur respect du rythme propre de l’accouchement, tout en réduisant les effets indésirables tels que les anomalies du rythme cardiaque foetal et les hémorragies du post-partum.
Le CIANE restera attentif
Le CIANE restera attentif à ce que toutes les femmes, dans chaque maternité, profitent très rapidement de l’avancée que constituent ces recommandations. Or, l’administration systématique et banalisée d’oxytocine est ancrée de longue date dans les pratiques en maternité. C’est pourquoi, en parallèle aux évaluations déjà prévues sur l’évolution des pratiques, nous demandons le recueil et la publication pour chaque maternité du taux d’utilisation d’oxytocine : les femmes ont le droit d’être informées des pratiques en vigueur dans les maternités dans lesquelles elles envisagent d’accoucher.
Le CIANE restera également attentif aux conditions dans lesquelles l’oxytocine sera éventuellement administrée : information et discussion avec le soignant sont indispensables pour aboutir à une décision partagée et à un consentement éclairé. Une analyse faite en 2012 à partir de l’enquête du Ciane révèle qu’un tiers des femmes ont reçu de l’oxytocine à leur insu, et parmi celles qui ont été informées, 55% n’ont pas pu exprimer leur consentement (Ciane, 2012).
Références
- Communiqué du CNSF 6/12/2016 http://www.cnsf.asso.fr/
- Dossier de presse du CNSF http://www.cnsf.asso.fr/doc/4EF68404-00ED-06AF-ED98B63B2E8ABF32.pdf
- Déclenchement et accélération du travail : information et consentement à revoir ( 2012)
https://ciane.net/2012/04/declenchement-et-acceleration-du-travail-information-et-consentement-a-revoir/ - Etude INSERM : l’oxytocine pendant l’accouchement est un facteur de risque indépendant d’hémorragie grave (février 2012) https://ciane.net/2012/02/inserm-oxytocine-facteur-d-hpp-graves/
- Prévention de l’hémorragie du post-partum : le Ciane demande à la HAS la mise à jour des indicateurs nationaux (janvier 2013) https://ciane.net/2013/01/prevention-hpp-indicateurs/
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Il est heureux de lire qu’enfin de nouvelles recommandations sont faites. Néanmoins, il est dommage que « dans » celles-ci, ainsi formulées, il n’est pas, directement, fait mention de l’information faite aux femmes ni de proposer la surveillance intermittente des bruits du coeur foetal.
Ces recommandations ne parlent pas de la quasi inévitable péridurale lorsque ces techniques d’optimalisation sont utilisées et des conséquences qu’elle peut entrainer.
Pour toutes les pratiques, aussi fréquentes, une recommandation plus générale pourrait voir la forme d’un document les expliquant (avantages, inconvénients, risques, bénéfices, …), et notifier que le devoir des professionnels est de demander l’avis de la femme avant de poser l’acte (hors urgence), en citant les statistiques de l’établissement : remis à l’inscription d’une maternité.
Une question : quelles sont les recommandations du CIANE en cas de transfert lors d’un AAD (accouchement à domicile) pour progression insuffisante du travail ?
Bonsoir à vous et merci de votre commentaire.
Pour répondre à vos remarques, les recommandations de pratiques cliniques (RPC) sont guidées par une trame très précise quant au thème et aux questions posées sur ce thème. Dans le cadre de ces RPC, le thème était strictement délimité à l’administration de l’oxytocine pendant le travail spontané. La surveillance du cœur fœtal ne faisait donc pas partie de l’objectif d’étude de ces recommandations.
Pour les mêmes raisons, les autres sujets que vous cités ne pouvaient entrer dans ce travail, quel que soit par ailleurs leur intérêt. L’information des femmes, en revanche, fait l’objet d’une attention particulière de la part des membres du groupe de travail.
Il me semble que le document que vous appelez de vos vœux tiendrait avant tout de document d’information et d’aide aux choix pour les femmes et les couples, ce qui est effectivement très intéressant. Mais les recommandations s’adressent en premier lieu aux professionnels pour améliorer leur pratiques, les documents d’informations étant ensuite leur déclinaison..
Or les RPC sont toujours issues du travail de la Haute Autorité de Santé ou de sociétés savantes professionnelles. Elles sont fondées sur une revue exhaustive de la littérature médicale et sur son analyse par un groupe d’experts pluridisciplinaires. Le Ciane est un collectif associatif et si nous participons aux RPC en périnatalité chaque fois que cela est nécessaire, nous n’avons pas vocation à élaborer ce genre de travaux scientifiques. Nous contribuons à faire connaître les choix, vécus et positions des femmes et des parents par d’autres moyens. Dans tous les cas, nous ne formulons pas de recommandations sur le transfert des femmes lors d’un AAD vers une maternité, même si par ailleurs, nous avons déjà participé à plusieurs réflexions entre professionnels et usagers sur le sujet.
Anne Evrard, Bien Naître/Ciane