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La loi Kouchner du 4 mars 2002 comme le plan périnatalité 2005–2007 ont formulé une exigence d’intégration du point de vue des usagers dans la prise en charge médicale qui leur est proposée. Qu’en est-il précisément pour les femmes qui accouchent ? Ce dossier, réalisé à partir de l’enquête CIANE lancée en mars 2012[i], tente de faire le point.[ii]
Les femmes osent de plus en plus s’exprimer
Le pourcentage de femmes qui expriment, pendant la grossesse, des souhaits particuliers concernant leur accouchement augmente régulièrement : il est passé de 36% avant 2005 à 57% en 2011. Ceci s’accompagne d’une progression des projets de naissance (7% avant 2005 ; 18% depuis 2009). 63% des femmes qui ont exprimé des souhaits considèrent que l’équipe a fait de son mieux pour les respecter, 26% que cela n’a été que partiellement le cas, et 11% que l’équipe n’a pas fait de son mieux.
Le vécu de l’accouchement est corrélé au respect des souhaits
90% des femmes dont les souhaits ont été respectés ont très bien ou plutôt bien vécu leur accouchement que ce soit sur le plan physique ou psychologique, alors que celles dont les souhaits n’ont pas été respectés ne sont que 43% (plan physique) et 30% (plan psychologique) à partager cette opinion. Les premières considèrent à 97% avoir reçu le soutien adéquat du personnel médical alors qu’elles ne sont que 16% dans le second groupe.
71% des femmes qui estiment que leurs souhaits n’ont pas été respectés sont demandeuses d’échanges a posteriori avec les professionnels qui ont accompagné leur accouchement (44% pour les autres) : on voit ainsi ouverte une possibilité de réparation qui devrait être encouragée dans l’intérêt de tous.
Que demandent les femmes ? Rien d’extravagant !
Les principaux souhaits exprimés par les femmes concernent leur liberté de mouvement (choix de position, possibilité de déambuler), un accompagnement personnalisé de la douleur (soutien pour un accouchement sans péridurale, possibilité de choisir le moment et le dosage de la péridurale) et le refus de l’épisiotomie en dehors d’une nécessité médicale sérieuse. Ces demandes, qui n’ont rien d’exorbitant, devraient pouvoir être satisfaites.
Des attitudes à bannir chez certains professionnels
Cependant, trop de femmes sont en butte à l’incompréhension voire au refus des professionnels face à leurs demandes : manque d’écoute, rejet, promesses non tenues, voire imposition par la force de certains gestes, toutes ces attitudes dont les femmes témoignent doivent être bannies des salles de naissance.
Une expression des femmes à encourager et soutenir
Enfin, des efforts doivent être faits pour encourager les femmes, notamment les primipares, à élaborer et exprimer leur demande : celles qui ne l’ont pas fait – souvent par méconnaissance des choix possibles ou parce qu’elles ne sont pas senties autorisées à le faire – expriment a posteriori des regrets ; on observe de plus qu’elles sont très sensiblement moins satisfaites de leur accouchement que celles qui ont vu leurs demandes respectées.
En conclusion, la qualité de l’accompagnement prodigué aux femmes pour leur accouchement passe par l’instauration d’un dialogue entre professionnels et femmes, dialogue par lequel elles puissent progressivement formuler leurs attentes et par lequel les professionnels puissent se mettre en capacité d’y répondre de manière adéquate.
Pour en savoir plus
Télécharger le compte-rendu du volet de l’enquête Ciane sur le respect des souhaits des femmes https://ciane.net/blog/wp-content/uploads/2012/09/EtudeSouhaits.pdf
Pour répondre à l’enquête Ciane
http://questionnaire.ciane.net/
Notes
[i] Analyse menée sur 5460 réponses au questionnaire CIANE, concernant des accouchements en milieu hospitalier, hors pôle physiologique ou pavillon/ « maison » de naissance, et dont 55% ont eu lieu depuis 2010.
[ii] Les maternelles, sur France 5, consacrent une émission à ce thème « A la maternité exprimez-vous ! » le 4 septembre 2012 à 8h55.
Bonjour,
J’ai lu avec attention l’étude sur les souhaits des mamans pour leur accouchements. C’est très bien d’avoir fait cela, cela nous apporte des renseignements précieux sur le vécu de nos patientes et c’est un élément capital pour elles notamment dans l’instauration du lien mère-enfant.
Cependant, j’ai aussi ressenti d’autres sentiments en lisant votre article : tout d’abord, un jugement négatif des personnels de santé : “Des attitudes à bannir chez certains professionnels” écrivez-vous en tête de chapitre.…“il reste néanmoins un certain nombre de comportements inacceptables qui doivent être bannis par les professionnels” dites vous un peu plus loin. Ces mots sont très forts et très négatifs. Soit! Que faisons nous donc qui heurte à ce point nos patientes, celles qui nous font confiance et qui nous ont choisis ?:
— “Des professionnels trop peu présents au goût des femmes”.…“la faible présence des soignants” écrivez-vous plus loin : Aucune considération sur la charge de travail des équipes, ni sur la formation des personnels à l’écoute…Nous n’avons pas tous tout le temps les moyens de répondre aux sollicitations multiples. Quand on travaille trop, dans de mauvaises conditions, on n’est moins disponible pour écouter, accompagner, être bienveillants et respectueux du ressenti des femmes notamment dans l’urgence!. Ne savez-vous pas qu’il y a une vraie pénurie d’obstétriciens en France, particulièrement dans les zones à faible densité médicale et que ceci peut expliquer cela? Pensez-vous sincèrement que ce jugement négatif sans droit de réponse des professionnels incriminés peut ouvrir la voie à une réflexion saine sur nos pratiques pour améliorer la prise en charge des patientes?
— “Que demandent les femmes? Rien d’extravagant !” écrivez-vous. Là encore soit! Mais je lis ensuite dans les exemples que vous citez :
“on m’a imposé le monitoring continu” : avait-on le matériel adéquat? Si non, pourquoi? Sachez que nous demandons souvent pendant des années des équipements qui ne viennent jamais faute de financement! Les hôpitaux publics sont TOUS en déficit, il suffit de lire le journal pour le savoir.…Les économies au quotidien sont notre lot à tous et les arbitrages sont vite faits par les instances avec du matériel de réanimation vitale par exemple…Comment dire à un urgentiste qu’il doit patienter encore un peu pour avoir un scope car je demande depuis 5 ans un appareil de télésurveillance foetale??
“J’avais souhaité accoucher en position debout ou assise et cela m’a été refusé sous prétexte qu’ils ne pratiquaient que l’accouchement classique” Avaient-ils la table d’accouchement indispensable pour cela. Pour information, ce type de matériel coûte environ 30 000 euros.
“au lieu de ça, j’ai été déclenchée et attachée sur la table, le tout sans péri”. C’est affreux pour cette femme, c’est évident! Mais pourquoi a‑t-elle été déclenchée? Pourquoi n’a-t-elle pas eu de péridurale? Il y a des contre-indications à la péridurale et il est tout de même possible que l’équipe médicale ait fait tout ce qui était en son pouvoir pour soigner cette maman!
” Je souhaitais accoucher sur le côté mais apparemment la sage femme ne l’avait jamais pratiqué” : Que dire? C’est triste mais cette sage-femme serait sans doute ravie qu’on lui propose une formation à l’accouchement sur le coté (et autres.…il y a encore bien d’autres possibles!). Sachez que la majorité des formations des sages-femmes ne sont pas financées faute de budget (les formations des médecins sont moins problèmatiques sur le plan budgétaire sans que je sache réellement pourquoi)
“La pause du cathéter m’a été “imposée” par l’anesthésiste alors qu’à ce moment, je n’étais encore pas certaine de vouloir une péridurale”. Certaines péridurales sont d’indication médicale et donc rendues nécessaires par l’état de santé de la maman : ces situations ne sont pas très fréquentes mais peuvent exister.
Je pourrais continuer ainsi longtemps mais le but n’est pas de répondre point par point aux paroles de ces femmes qui ont pris la peine de nous dire ce qu’elles pensaient, de nous donner des pistes pour s’améliorer.
D’autres exemples que vous citez ne trouvent pas de justification médicale ou organisationnelle mais mériteraient d’être analysés de façon contradictoire afin de pointer les dysfonctionnements, les moyens à apporter pour y remédier. Tout ne coûte pas cher en médecine et on peut faire beaucoup avec peu parfois (mais pas toujours!).
Un message capital que je voudrais faire passer est que nous avons un but commun : faire en sorte que la maman et son enfant aillent bien tant sur le plan physique que psychologique. Nous ne sommes pas les uns contre les autres : il nous faut travailler ensemble : Les uns doivent continuer de se former, de s’équiper mais aussi de se poser des questions tandis que les autres doivent accepter (parfois) la dure réalité, mais aussi faire les choix de société qui sont nécessaires…Les associations de parents pourraient aussi se mobiliser pour équiper les services par exemple, faire des audits ect.
Enfin, n’oubliez pas de mettre en lumière ces équipes qui font tous les jours le bonheur de leurs patientes avec des taux de satisfaction “à la sortie de la maternité” très importants : Comment font-ils? Avec quoi? Cela pourrait ouvrir des perspectives à d’autres qui ont plus de mal pour moult raisons à satisfaire les demandes de leurs parturientes. Il faudrait aussi sans doute évoquer le label IHAB qui a fait évoluer tant de choses!
Pour terminer, j’ai également lu dans votre étude que certaines mamans, en phase avec l’équipe qui les prenaient en charge, n’avaient du coup plus de demandes “particulières” : ne serait-ce pas une piste à creuser en rappelant à toutes les mamans qu’elles ont le choix, qu’elles peuvent changer de maternité si celle-ci ne répond pas à leurs attentes? Leur dire aussi qu’elles peuvent se documenter, se réapproprier leur accouchement (même un premier) pour faire les choix qui leur conviennent!
Merci d’avoir fait ce travail, j’espère que ma réponse contribuera (au moins un peu) à faire avancer les choses dans le bon sens.
Cordialement
Dr AC Jambon, CH de Tourcoing
Bonjour,
Tout d’abord merci d’avoir pris le temps de lire notre étude et de rédiger cette réaction.
En la lisant, nous nous sommes demandés pourquoi des professionnels comme vous – qui semblent attentifs au bien-être et au respect des femmes – se sentent mis en cause lorsque nous déplorons des attitudes dont nous avons pris le soin de préciser qu’elles n’étaient pas le fait de tous les professionnels. Il nous semble que professionnels et usagers ont le même intérêt à voir disparaître les comportements inappropriés, les premiers pour sauvegarder l’intégrité de leur profession, les seconds pour assurer les meilleures conditions de naissance à toutes les femmes.
Une précision tout d’abord si cela n’était clair : les comportements que nous dénonçons de la manière la plus virulente ne correspondent pas pour l’essentiel aux exemples que vous citez mais plutôt à ceux que nous donnons p. 11 à 13 du document complet, exemples qui dénotent un manque de respect flagrant de la femme ou des parents.
Vous nous reprochez de ne pas tenir compte des conditions de travail difficiles des professionnels, mais nous avons cité un certain nombre de témoignages, sous le paragraphe intitulé justement « Des conditions de travail difficiles », de femmes prêtes à excuser les professionnels pour ces raisons. Il est sans doute vrai que l’hôpital manque de personnel, de moyens pour acheter de nouveaux équipements : que des témoignages d’usagers permettent d’en montrer les effets délétères devrait plutôt être considéré de manière positive par les professionnels car cela vient à l’appui de leurs revendications.
Ceci étant, nous pensons que la question des moyens n’est pas, de loin, la seule en jeu ; comme vous le soulignez vous-même, beaucoup de choses peuvent être changées à moyens constants : nous ne sommes pas sûrs qu’il faille une table à 30 000€ pour permettre à une femme d’accoucher dans une autre position que couchée. De plus, les associations se mobilisent depuis longtemps pour que soient mises en place des maisons de naissance qui coûteraient probablement moins cher que les maternités classiques – sans parler même de l’accouchement à domicile – et qui sont susceptibles d’apporter une réponse adaptée à un certain nombre de femmes : jusqu’à présent, on ne peut pas dire que les obstétriciens se soient empressés de soutenir ce genre de propositions.
Quant à dire aux femmes qu’elles peuvent aussi se réapproprier leur accouchement, c’est un message que le Ciane porte depuis longtemps : cependant, beaucoup de femmes n’ont pas le choix de l’établissement dans lequel elles iront accoucher, ni même dans la plupart des cas du professionnel qui les accompagneront à ce moment-là. Il faut donc qu’elles puissent trouver des praticiens ouverts à la discussion et prêts à faire un bout de chemin avec elles pour le bénéfice des deux parties en présence. C’est le sens de notre conclusion qui, comme vous l’aurez noté, est tout sauf une invitation à la bagarre : « la qualité de l’accompagnement prodigué aux femmes pour leur accouchement passe par l’instauration d’un dialogue entre professionnels et femmes, dialogue par lequel elles puissent progressivement formuler leurs attentes et par lequel les professionnels puissent se mettre en capacité d’y répondre de manière adéquate. »
Le CIANE