Aujourd’hui, 07 décembre, lors des Journées 2018 du Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français (CNGOF) à Strasbourg, seront présentés les résultats de l’étude ARRIVE [1] réalisée par l’équipe de William A. Grobman sous l’égide du Eunice Kennedy Shriver National Institute aux Etats Unis.
Ses conclusions affirment que le déclenchement de l’accouchement permettrait de réduire la fréquence de la césarienne. Or jusque là, on considérait plutôt le déclenchement comme un facteur de risque de césarienne. Nous nous sommes donc intéressés à cette étude dans le détail.
Intention de traiter
Soulignons que l’étude ne présente des résultats que sur l’intention de traiter. Les femmes en fin de grossesse (38 SA) sont séparées par tirage au sort en deux groupes caractérisés par des intentions différentes ; dans le premier groupe, les femmes doivent être déclenchées entre 39 SA et 39 SA + 4 ; dans le second groupe, il n’est pas prévu de les déclencher à 39 SA. Les résultats sont donnés pour chaque groupe : dans le premier groupe, certaines femmes auront accouché avant d’être déclenchées, alors que dans le second, d’autres femmes auront finalement été déclenchées, parce qu’elles ont dépassé le terme par exemple.
Ce qui compte ici, c’est de mesurer l’effet de certaines intentions : que se passe-t-il si l’on adopte une politique du tout-déclenchement à 39 SA par rapport à une politique de non-déclenchement ? Si la méthodologie de « l’intention de traiter » est reconnue comme scientifiquement pertinente, on peut néanmoins s’interroger sur les effets du traitement en lui-même et non de l’intention de traiter. Comme nous l’avons montré en 2008 à partir des données brutes de plusieurs études citées en référence, le résultat était souvent inverse si l’on comptait les femmes qui ont réellement subi un déclenchement et non celles attribuées au groupe « déclenchement » [2]. La conclusion de tout ceci est qu’il est difficile de se mettre d’accord sur les leçons à tirer des études, notamment parce que les questions que se posent les uns et les autres divergent, de même que les critères qu’ils prennent en compte dans l’évaluation ; la communication médiatique — parfois à l’initiative des chercheurs eux-mêmes — a tendance à simplifier les messages, voire à faire dire aux études des choses pour lesquelles elles n’ont pas été conçues.
Que cherche-t-on à éviter ?
Déclenchement et césarienne comportent chacun des risques graves mais trop rares pour être mis en évidence dans l’étude ARRIVE : hémorragie pour la césarienne, rupture utérine et embolie amniotique pour le déclenchement, par exemple.
L’étude montre qu’une césarienne est évitée lorsqu’on applique à 28 femmes le protocole « intention de déclencher à 39 SA ». Elle ne montre pas qu’un protocole est plus sûr qu’un autre, compte tenu des risques rares associés à chacun.
Déclencher ou pas ? Position du Ciane
Avant de se laisser séduire par une éventuelle tendance au tout-déclenchement, il nous paraît essentiel de garder la tête froide et de s’appuyer sur des références solides. En France, les recommandations de la Haute Autorité de Santé de 2008 restent d’actualité : le déclenchement de convenance à 39 SA est possible, uniquement si le col est favorable, et à condition que la femme reçoive une information qui lui permette de donner un consentement éclairé [3].
L’information et le consentement
La HAS rappelle aussi que le déclenchement ne peut se faire qu’avec le consentement de la patiente, consentement qu’elle peut retirer à tout moment.
L’enquête du CIANE a mis en évidence, à partir de plus de 18 000 témoignages, un vécu de l’accouchement plus difficile lorsque celui-ci a été déclenché. Ces données renforcent les conclusions de l’étude MEDIP, financée par l’ANSM en 2017, qui reconnaît une grande diversité de pratiques entre les maternités et souligne que 1/3 des patientes sont globalement peu ou pas satisfaites de leur déclenchement [4]. La bonne nouvelle de notre enquête est que les femmes ont moins mal vécu leur déclenchement lorsque celui-ci était accompagné d’une information et du respect de leur consentement [5].
En conclusion, nous estimons au Ciane que les travaux de William A. Grobman et collègues ne sauraient remettre en cause à eux seuls les indications actuelles en matière de déclenchement.
Concernant la qualité de l’information accessible aux femmes, base du libre choix et du consentement éclairé, nous nous inquiétons de l’analyse souvent incomplète et/ou réductrice de ces études telles qu’elles sont rapportées dans la presse grand public. Ainsi, faire croire à une femme qu’elle aurait intérêt à déclencher son accouchement pour éviter une césarienne serait non seulement mensonger mais aussi irresponsable.
Références
[1] William A. Grobman et al. (2018). Labor Induction versus Expectant Management in Low-Risk Nulliparous Women. N Engl J Med 2018; 379:513–523.
[2] Le déclenchement systématique, une intervention anodine ? Note du CIANE suite aux RPC « Déclenchement artificiel du travail à partir de 37 semaines d’aménorrhée » publiées par la HAS en avril 2008.
[3] Déclenchement artificiel du travail à partir de 37 semaines d’aménorrhée. Recommandation de bonne pratique HAS, avril 2008.
[4] Camille Le Ray (2017). Le déclenchement du travail en France. Résultats de l’étude MEDIP (Méthodes de Déclenchement et Issues Périnatales).
[5] Expériences du déclenchement de l’accouchement. Enquête N°9 du CIANE, décembre 2015.
Je ne vais meme pas lire cet *article * tellement le titre est stupide. Foutez la paix au femmes avec les déclenchements on accouche tres bien sans vous avez moin de complications moin le médical intervient. Déclencher n est pas sans risques. Ha mon 1er est né a 41 sa ma 2eme 42sa a la maison et ma derniere… 43 sa en pleine forme …et dans ma famille on accouche toutes tard et c est normal
Vous devriez pourtant le lire puisque, au-delà de son titre volontairement provocateur, il conclut la même chose que vous.
Bravo !