Depuis l’annonce par le lab­o­ra­toire Pfiz­er du retrait du Cytotec® du marché français à par­tir de mars 2018, l’affaire Cytotec® con­naît une nou­velle vague de médi­ati­sa­tion et soulève divers­es ques­tions dans les domaines de la gyné­colo­gie et de l’obstétrique.

Le Ciane, avec l’association Timéo et le Autres, souhaite apporter sa con­tri­bu­tion au débat et s’interroge sur l’arrivée d’un nou­veau médicament.

IVG médicamenteuse : l’alternative existe

L’utilisation hors Autori­sa­tion de Mise sur le Marché (AMM) du Cytotec® la plus répan­due con­cerne l’IVG médica­menteuse. On peut donc légitime­ment se préoc­cu­per de la dis­pari­tion du Cytotec®, et de ses con­séquences quant à l’accès à l’interruption volon­taire de grossesse.

Rap­pelons à ce pro­pos qu’il existe un médica­ment autorisé pour l’IVG : le Gymiso®. La pro­duc­tion de Gymiso® va être aug­men­tée d’ici mars 2018 afin de pren­dre le relais et d’éviter les rup­tures de stock. La dis­pari­tion du Cytotec® ne devrait donc pas entraver le droit à l’IVG[1].

Une molécule inadaptée pour le déclenchement de l’accouchement

En ce qui con­cerne le déclenche­ment de l’accouchement, le prob­lème majeur posé par le Cytotec®, quelle que soit la dose util­isée, est l’impos­si­bil­ité de réguler les con­trac­tions car sa molécule (le miso­pros­tol) a une durée d’action beau­coup plus longue[2] que ses con­cur­rentes (ocy­tocine ou dinoprostone).

En cas d’hypercontractilité utérine sous miso­pros­tol, on est obligé de procéder à une césari­enne en urgence, alors que les autres molécules per­me­t­tent de réguler les con­trac­tions, et d’aboutir soit à un accouche­ment par voie basse, soit à une césari­enne sans précipitation.

Retrait du Cytotec : de fausses bonnes raisons

A cet égard, le retrait du Cytotec® est une bonne nouvelle.

Toute­fois, les spé­cial­istes qui s’expriment actuelle­ment dans les médias sem­blent se réjouir de l’arrivée prochaine sur le marché d’un nou­veau médica­ment à base de miso­pros­tol, l’Angusta®, récem­ment autorisé au Danemark[3].

Si l’Angusta® présente l’avantage d’être dosé à 25µg (con­tre 200µg pour le Cytotec®), le prob­lème de la durée d’action n’est pas réglé, puisqu’il s’agit de la même molécule. En ter­mes d’efficacité, le miso­pros­tol dosé à 25µg n’est pas supérieur à la dinoprostone[4]. Par ailleurs, des inci­dents graves ont déjà été reportés avec du miso­pros­tol dosé à 25µg [5],[6] .

On peut alors se deman­der com­ment et pourquoi un médica­ment qui n’offre aucun avan­tage par rap­port aux pro­duits de référence et qui présente un incon­vénient majeur en ter­mes de sécu­rité a pu obtenir l’AMM au Dane­mark en févri­er dernier.

Des conflits d’intérêt qui sèment le doute sur la validité de l’AMM danoise

Le dossier de demande d’AMM de l’Angusta® se base essen­tielle­ment sur une revue de la lit­téra­ture pub­liée par Cochrane en 2014[7],[8]. Un des auteurs de cette revue, Zarko Alfire­vic, a coor­don­né des essais clin­iques pour des firmes impliquées dans le développe­ment de pro­duits à base de misoprostol[9]. Un autre, Andrew D. Weeks, est con­seiller sci­en­tifique chez Azan­ta, le lab­o­ra­toire danois qui com­mer­cialise l’Angusta[10].

Dans de telles con­di­tions, l’obtention de cette AMM et son éten­due au niveau européen relèvent de la mas­ca­rade et nous espérons que l’agence française du médica­ment mon­tr­era plus de dis­cerne­ment que son homo­logue danoise.

Analyser les besoins avant de se précipiter sur les produits

Peut-être serait-il oppor­tun, avant de chercher un nou­veau pro­duit, de se deman­der à quel besoin on veut répon­dre. La seule sit­u­a­tion pour laque­lle on manque d’alternatives est l’interruption médi­cale de grossesse (IMG) au 2e trimestre. Dans cette indi­ca­tion pré­cise, un nou­veau médica­ment dis­posant d’une AMM serait bienvenu.

En ce qui con­cerne l’accouchement à terme, seuls 1,9% des accouche­ments ont été déclenchés au Cytotec® en France, en 2016. Si le Cytotec® dis­paraît du marché, cela ne représente un prob­lème, dans le déclenche­ment à terme, que pour une minorité de prati­ciens pour lesquels la solu­tion passera par le respect des recommandations.

En tant que col­lec­tif d’usagers, nous atten­dons du débat sur le miso­pros­tol toute la trans­parence néces­saire et nous suiv­rons ce dossier avec la vig­i­lance qui s’impose.

Références

[1] Pour aller plus loin : http://lacoupedhygie.fr/index.php/2017/10/20/retrait-du-cytotec-enfin/
[2] http://agence-prd.ansm.sante.fr/php/ecodex/rcp/R0227880.htm
[3] https://mri.cts-mrp.eu/Human/Downloads/DK_H_2584_001_PAR.pdf

[4] A ran­domised con­trolled tri­al com­par­ing low dose vagi­nal miso­pros­tol and dino­pro­s­tone vagi­nal gel for induc­ing labour at term, S. Greg­son, M. Water­stone, I.Norman, T.Murrell, BJOG, Decem­ber 2004

Oral miso­pros­tol or vagi­nal dino­pro­s­tone for labor induc­tion: a ran­dom­ized con­trolled tri­al, Däl­len­bach P1, Boul­vain M, Viar­dot C, Iri­on O, Am J Obstet Gynecol. 2003 Jan]Oral Miso­pros­tol For Induc­tion Of Labour At Term: Ran­domised Con­trolled Tri­al, J.M. Dodd, C.A. Crowther and Jef­frey S. Robin­son, BMJ, Vol. 332, No. 7540, 2006.

[5] An Unre­port­ed Uter­ine Rup­ture in an Unscarred Uterus After Induced Labor With 25 μg Miso­pros­tol Vagi­nal­ly, E.Rydahl, J.A.Clausen, Else­vi­er, 2014

[6] Wing, D, Paul RH. A com­par­i­son of dif­fer­ing dos­ing reg­i­mens of vagi­nal­ly admin­is­tered miso­pros­tol for prein­duc­tion cer­vi­cal ripen­ing and labor induc­tion. Am J Obstet Gynecol 1996 — Lors de l’essai clin­ique, une patiente décède d’embolie amni­o­tique 9 heures après avoir reçu une seule dose de 25µg de Cytotec®.

[7] Oral miso­pros­tol for induc­tion of labour, Alfire­vic Z1, Aflaifel N, Weeks A, Cochrane, 2014

[8] Cette pub­li­ca­tion avait reçu des cri­tiques en 2015 en rai­son d’erreurs méthodologiques qui en affectent les résul­tats (com­men­taires inté­grés par Cochrane à la suite du texte).

[9] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK53613/

[10] Foley catheter­i­sa­tion ver­sus oral miso­pros­tol for induc­tion of labour in hyper­ten­sive women in India (INFORM): a mul­ti­cen­tre, open-label, ran­domised con­trolled tri­al, S.Mundle, H. Brack­en, V.Khedikar, J. Mulik, B.Faragher, T. East­er­ling, S.Leigh, P. Gran­by, A.Haycox,M.A. Turn­er, Z.Alfirevic, B.Winikoff, A.D Weeks, Lancet, 2017

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