Com­mu­niqué de presse com­mun ANSFL, APAAD, ONSSF, UNSSF (organ­i­sa­tions pro­fes­sion­nelles); CDAAD, CIANE (organ­i­sa­tions d’usagers)

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Depuis le mois d’avril, suite à la let­tre de cadrage du min­istère de la san­té, des négo­ci­a­tions entre la Caisse Nationale d’Assurance Mal­adie (CNAM) et les syn­di­cats pro­fes­sion­nels de la pro­fes­sion sage-femme ont été ouvertes sur la reval­ori­sa­tion des rémunéra­tions prévues pour la sage-femme référente et l’accompagnement glob­al à la nais­sance (AGN). 

L’accompagnement glob­al d’une famille con­siste à être suiv­ie par la même sage-femme libérale durant la grossesse, l’accouchement et ses suites. L’accouchement peut alors avoir lieu à domi­cile, en mai­son de nais­sance ou sur le plateau tech­nique d’une mater­nité. L’accouchement à domi­cile fait par­tie inté­grante de ce type d’accompagnement et ne peut donc être exclu de telles négo­ci­a­tions conventionnelles.

Or le min­istère de la san­té, sol­lic­ité plusieurs fois par la CNAM et les syn­di­cats, a décidé d’exclure l’accouchement à domi­cile de ces négo­ci­a­tions au motif qu’il n’existe pas de recom­man­da­tions ni de cadrage de cette pra­tique. Il est à not­er que l’APAAD et le CDAAD ont sol­lic­ité le min­istère de la san­té depuis 6 ans afin de met­tre en place ce type de cadre régle­men­taire. Elles avaient ren­con­tré la délé­ga­tion de Mr Adrien Taquet qui s’était engagée à dili­gen­ter la DGOS sur la ques­tion. Mal­heureuse­ment il n’y a jamais eu de suites concrètes. 

Nous, co-sig­nataires, sol­lici­tons donc l’ouverture de travaux et dis­cus­sions sur la pra­tique de l’accouchement à domi­cile (AAD) au niveau des organ­ismes de l’État. 

Comme cela a été le cas pour les maisons de nais­sance, nous pro­posons par exem­ple l’élaboration d’un cahi­er des charges avec la Direc­tion Générale de l’Offre de Soin (DGOS) inclu­ant l’organisation des AAD par les sages-femmes mais égale­ment la coor­di­na­tion avec les parte­naires du réseau de soin. 

Ceux-ci pour­raient s’appuyer sur les travaux actuelle­ment réal­isés en parte­nar­i­at avec la Fédéra­tion Nationale des Réseaux de San­té Péri­nataux (FFRSP), les asso­ci­a­tions pro­fes­sion­nelles et d’usagers ain­si que les col­lèges sci­en­tifiques des dif­férentes pro­fes­sions impliquées, visant à établir les préreq­uis de fonc­tion­nement et d’organisation de l’AAD. Dans l’attente de tels travaux, nous deman­dons qu’au­cun lieu ne soit exclu de l’ap­pli­ca­tion des cota­tions prévues lors des négo­ci­a­tions afin de respecter la let­tre de cadrage citant l’AGN.

En l’absence de ces travaux, les familles français­es souhai­tant un accouche­ment à domi­cile[1], subiront un traite­ment iné­gal­i­taire et devront con­tin­uer à financer eux-mêmes leur accom­pa­g­ne­ment glob­al et leur accouche­ment. Le choix d’un accouche­ment avec un AGN ne doit pas être élitiste.

De plus, offrir un cadre à l’AAD per­me­t­trait de clar­i­fi­er les con­di­tions de cette pra­tique qui reste, dans notre pays, soumise à beau­coup d’inconnues et de préjugés con­traire­ment aux autres pays occi­den­taux qui ont depuis longtemps su l’inclure dans leur offre de soin de manière sécuritaire.

Le mot des usagers :

Pour les familles, l’exclusion de l’AAD des négo­ci­a­tions va à l’encontre des deman­des for­mulées par les femmes et les cou­ples depuis plus de dix ans. Un tel manque de con­sid­éra­tion per­pétue les dis­crim­i­na­tions dans l’accès aux soins, mar­gin­al­isant l’AAD et le con­fi­nant à un choix réservé aux patientes les plus aisées, en con­tra­dic­tion avec le principe d’égalité d’accès aux soins. Nous rap­pelons que l’AAD con­cerne toutes les caté­gories sociales, que la demande est crois­sante et que les résul­tats d’études récentes ten­dent tous à démon­tr­er qu’il n’y a pas plus de risque à accouch­er chez soi qu’en struc­ture dans une sit­u­a­tion de grossesse à bas risque obstétri­cal. Les bien­faits qui en résul­tent sont au con­traire nom­breux pour les femmes et les nou­veau-nés : ren­force­ment du lien d’attachement, mise en route de l’allaitement facil­itée, récupéra­tion facil­itée égale­ment et moin­dre taux de dépres­sion du post-par­tum. Ceci con­tribue à inscrire l’AAD dans les objec­tifs du rap­port des 1000 pre­miers jours com­mandé par le Min­istère de la San­té et des Sol­i­dar­ités en 2020, lequel insiste sur la néces­sité d’un par­cours « sur-mesure », « ten­ant compte de la com­plex­ité de chaque sit­u­a­tion » et se félicite que la France ait « depuis longtemps une cul­ture de l’intervention à domi­cile de pro­fes­sion­nels de san­té (médecin général­iste, puéricul­trice de PMI, sage-femme, etc.)[2] ». La sit­u­a­tion dans laque­lle nous nous trou­vons mon­tre que ces objec­tifs ne sont pas réal­isés à ce jour.

Ceci est d’autant plus regret­table que la demande d’alternatives à l’accouchement médi­cal­isé s’exprime de toutes parts : dans les asso­ci­a­tions d’usagers, les médias et sur les réseaux soci­aux. Les com­pé­tences de nos sage-femmes français­es telles que définies par le Code de la San­té Publique, par­mi lesquelles l’accouchement phys­i­ologique, pour­raient judi­cieuse­ment être mis­es à prof­it dans la struc­tura­tion d’une offre de soin com­plé­men­taire à la prise en charge hospitalière.

L’argument de l’absence de cadre et de régle­men­ta­tion ne peut être qual­i­fié de sérieux dans la mesure où, avec d’autres asso­ci­a­tions et depuis des années, nous ne ces­sons de réclamer l’étab­lisse­ment dudit cadre. Les travaux du groupe de tra­vail pluridis­ci­plinaire Ges­tion des risques de l’AAD menés par la FFRSP vont égale­ment dans ce sens. Il serait donc légitime pour les usagères et les pro­fes­sion­nels, qu’en par­al­lèle de ces travaux, les négo­ci­a­tions con­ven­tion­nelles actuelles prévoient l’ac­cès aux actes d’AGN pris en charge par l’assurance mal­adie dans le cadre d’un AAD.

Ain­si, nous atten­dons du Min­istère de la san­té et de la CNAM, des poli­tiques de san­té égal­i­taires et mod­ernes, respectueuses des femmes et de la “com­plex­ité de chaque sit­u­a­tion” sur le mod­èle de nos voisins européens et des pays dévelop­pés par le monde, afin d’offrir aux futurs par­ents un réel choix d’accompagnement per­son­nal­isé à la nais­sance, avec des pro­fes­sion­nels qual­i­fiés. C’est pourquoi nous appelons égale­ment à inclure l’Accouchement Accom­pa­g­né à Domi­cile dans les négo­ci­a­tions con­ven­tion­nelles con­cer­nant les actes de l’AGN.



[1]  Sondage IFOP/APAAD jan­vi­er 2020 : 17% des femmes en âge de pro­créer envis­agent un accouche­ment à domi­cile et 19% le souhait­ent de manière ferme.

[2]  Min­istère de la San­té et des Sol­i­dar­ités (2020). Rap­port sur la com­mis­sion des 1000 pre­miers jours. https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-1000-premiers-jours.pdf p.46 et 56 (con­sulté le 20 juil­let 2022 à 14 :24).