Depuis plusieurs mois, les sages-femmes sont mobilisées pour réclamer une meilleure reconnaissance de leur rôle et de leurs compétences: elles demandent notamment qu’une information soit délivrée sur leurs capacités à assurer un suivi gynécologique et un suivi de grossesse — hors des situations pathologiques pour lesquelles elles orientent les femmes vers d’autres professionnels — et souhaitent pouvoir figurer parmi les professionnels de premier recours en ce qui concerne ces activités.
Le Collectif interassociatif autour de la naissance (CIANE) est attaché à ce que les femmes gardent la possibilité de s’orienter vers le professionnel de leur choix — mais une restriction de ce choix n’est apparemment pas visée par les revendications des sages-femmes. Dans cette configuration, il n’y a aucune raison de s’opposer à leur demande d’une meilleure mise en visibilité des compétences qui leur sont reconnues.
En revanche, le Ciane est extrêmement choqué par la campagne de dénigrement lancée, non par quelques médecins obscurs, mais par rien moins que le SYNGOF (Syndicat National des Gynécologues Obstétriciens Français) et la FNCGM (Fédération Nationale des Collèges de Gynécologie Médicale).
Pour le SYNGOF (1), l’autonomisation des sages-femmes mettraient en “péril” les patientes: “différentes régions remontent des accidents, par exemple après pose inadéquate de stérilet, non diagnostiquée par les sages-femmes” disent-ils; en l’absence d’éléments concrets, difficile d’en juger — ils refusent de “dénoncer individuellement ces pratiques”, scrupule bien commode quand il s’agit d’instiller le doute et de se maintenir dans le registre de l’insinuation. S’il y a des problèmes graves, qu’ils soient rendus publics — qu’ils concernent des sages-femmes ou des médecins — qu’ils soient discutés, analysés et que des solutions soient proposées!
En fait, le SYNGOF ne se prononce pas ouvertement contre les demandes des sages-femmes d’une plus grande reconnaissance, mais suggère que, derrière ces demandes, se cacherait une volonté d’outrepasser leurs limites; l’utilisation récurrente de termes comme “alerte”, “péril”, “dérapage”, “accidents”, “sécurité”, “garde-fou”, “dérive”, “dangereux”, associés à la pratique des sages-femmes est pour le moins troublante et tend à décrédibiliser cette profession, à l’inverse de ce qu’elle réclame.
La FNCGM (2) ne s’embarrasse pas de tant de précautions: pour elle, accéder aux demandes des sages-femmes, c’est “brader la santé des femmes et revenir loin en arrière”. Le constat est simple et clair: les sages-femmes n’ont pas les compétences requises pour assurer ce suivi et penser autrement serait s’engager sur une pente dangereuse. Au passage, elles ne sont créditées que de 4 ans d’études (alors qu’elles en font actuellement 5, la première année oubliée étant commune aux études de médecine) comparés aux 10–12 ans des médecins. A aucun endroit, la profession de sage-femme n’est évoquée de manière positive, la “qualité” étant invariablement associée à la profession de médecin.
On peut bien entendu être en désaccord avec les revendications des sages-femmes. Cependant, on pourrait s’attendre, venant d’une profession qui se targue de tant d’années d’études, scientifiques de surcroît, à un argumentaire raisonnablement étayé et non aux insinuations et aux invectives que l’on constate et qui sont indignes de leurs auteurs.
Cette attitude traduit un mépris manifeste non seulement à l’égard des sages-femmes mais aussi des femmes elles-mêmes: rappelons qu’en France, dans l’hôpital public en tout cas, les sages-femmes suivent les grossesses et qu’elles sont les seules à accompagner de bout en bout l’accouchement sans complications; ce sont elles qui sont chargées de “différencier une situation normale d’une situation pathologique” (2), ce qu’elles seraient incapables de faire selon la FNCGM dans des situations qui paraissent pourtant à première vue plutôt plus simples comme celle d’une première consultation gynécologique ou du choix d’une méthode contraceptive.
En jetant le discrédit sur les sages-femmes, le SYNGOF et la FNCGM peuvent peut-être inquiéter les femmes les plus vulnérables, les moins informées. Plus profondément, tant par leurs déclarations que par leur comportement, ils minent la confiance du public à l’égard des professions de santé. C’est non seulement une faute morale mais une erreur stratégique qui pourrait se retourner contre les professionnels dans leur ensemble.
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Références
(1) “Le SYNGOF alerte les pouvoirs publics sur leur responsabilité dans la définition du champ de compétences des sages-femmes”, 21 janvier 2014, consultable ici: communiqué SYNGOF
(2) “Céder aux sages-femmes sur le « premier recours », c’est brader la santé des femmes et revenir loin en arrière”, communiqué de la FNCGM, 19 décembre 2013, consultable ici: communiqué FNCGM
Merci le CIANE pour cette prise de position, l’attitude des syndicats de médecins est tout simplement anti-déontologique…
Bonjour,
Je suis profondément touchée par votre article. Je vous remercie pour votre clairvoyance, je suis sage-femme et j’ai honte de ce qui est en train de se passer entre professionnels de santé. Merci de dénoncer de tels agissements et de souligner le manque de fonds dans les propos de certains gynécologues-obstétriciens…
Bravo. Merci de votre soutien et informer sur ce scandale anti déontologique!
Merci de ce communiqué ça fait du bien de se sentir respectée annie sage femme qui se bat pour une meilleure visibilité des sages femmes depuis 31 ans .…