Deux articles[1] parus récemment dans la Nouvelle République mettent en avant la résurrection de la maternité de Chinon, au bord de la fermeture au début des années 2000 en raison du faible nombre d’accouchements, résurrection permise par le développement d’une politique en faveur d’une approche plus physiologique de la naissance et d’une plus grande personnalisation de l’accompagnement. Cette politique s’est traduite par l’installation d’une salle « nature », l’accueil des sages-femmes libérales en plateau technique[2] et peut-être bientôt l’ouverture d’une maison de naissance. Et elle a apparemment permis de conquérir un nouveau public.
Au delà du cas de Chinon, on assiste depuis quelques années à un essor important des salles nature, pôles physiologiques ou encore supposées « maisons de naissance » dans les maternités. Qu’en est-il précisément ? Cette nouvelle offre est-elle en phase avec les aspirations des parents ?
Augmentation des accouchements dans les maternités proposant des alternatives à la médicalisation
Pour y voir plus clair, nous avons repéré systématiquement les annonces faites par les maternités (notamment sur leurs sites). Résultat : 72 maternités[3], dans 41 départements, soit de l’ordre d’un établissement sur sept, déclarent disposer d’une « salle nature », d’un « espace physiologique » voire d’une « maison de naissance » ; quelques autres mentionnent des équipements plus limités comme une baignoire ou des ballons.
Afin de mesurer l’attractivité de ces établissements, nous avons regardé l’évolution des accouchements dans la période 2005–2011, pendant laquelle ont commencé à se développer les salles nature. On constate que les accouchements dans ces maternités ont crû de manière sensible puisqu’on est passé de 108 500 à 124 000 naissances entre 2005 et 2011.
Plus encore, la part que représentent ces établissements a augmenté passant de 13,5% à 15,1% de l’ensemble des naissances.
Pour aller un peu plus loin dans l’analyse et notamment vérifier que cet accroissement n’est pas dû à la diminution du nombre de maternités en France, nous avons voulu comparer l’évolution de ces maternités par rapport à leur environnement : gagnent-elles localement des « parts de marchés » sur les maternités les plus proches ?
Une attractivité accrue par rapport à l’environnement immédiat
La réalisation de cette comparaison nous a conduits à nous concentrer sur 44 maternités : pour pouvoir mesurer l’évolution de l’attractivité relative des maternités, il fallait que nous puissions disposer de statistiques complètes entre 2006 et 2011 sur les établissements des départements dans lesquelles ces maternités se situent.
Le graphique a été tracé en base 100 (2006) de manière à rendre plus lisible la comparaison : après une période où grosso modo les évolutions étaient parallèles, à partir de 2009, on observe un décollement des maternités qui se sont dotées d’une offre alternative, alors que les maternités voisines se maintiennent à leur niveau initial, voire perdent de leur clientèle.
Dans le détail, on constate que dans une majorité de départements, la progression des accouchements dans les maternités avec cette nouvelle offre a été plus forte que dans les autres maternités.
En résumé, les maternités proposant des alternatives à la médicalisation attirent un public croissant et se développent au détriment des maternités qui n’en proposent pas : il existe manifestement une demande des parents pour des approches moins médicalisées.
Connaître et évaluer les offres alternatives
Cette offre satisfait-elle les parents ? Et même avant cela, quelle est-elle précisément ? Répondre à cette question demanderait des investigations beaucoup plus poussées. On peut juste remarquer que, parties en 2006 d’un taux de césarienne analogue aux maternités classiques, ces maternités ont recouru, en 2011, à la césarienne dans 19,4% des cas, à comparer au taux national de 20,5% (20,7% si l’on ne considère que les maternités classiques)[4]. En revanche, le taux de péridurale dans ces maternités est, au niveau national, rigoureusement égal au taux de péridurale dans les maternités classiques et s’établissait en 2011 aux alentours de 77%.
Nul doute que ces appelations peu contrôlées cachent des réalités probablement assez différentes d’un établissement à l’autre, notamment en termes d’engagement et de disponibilité du personnel : des sages-femmes sont-elles affectées à la salle nature/ espace physiologique ou doivent-elles partager leur temps – dans une même garde – entre espace traditionnel et espace alternatif ? un accompagnement global est-il possible ? un retour à domicile dans les heures suivant l’accouchement est-il proposé ? Selon les réponses à ces questions, on voit bien que se dessinent des possibilités tout à fait différentes pour les parents. D’ailleurs l’exemple de Chinon illustre parfaitement ce point, puisque cette maternité a développé des offres différentes – salle « nature », accouchement en plateau technique – et envisage maintenant une maison de naissance, preuve s’il en est que ces différentes offres ne sont pas substituables les unes aux autres.
Diversifier et différencier les offres alternatives
Le CIANE se réjouit de l’évolution constatée qui permet de mettre en évidence l’existence d’une demande sensible des parents pour des approches moins médicalisées ; cette évolution devrait permettre à terme d’offrir une plus grande personnalisation des soins et peut-être une amélioration des performances périnatales.
Il plaide néanmoins pour :
- le développement d’une palette de propositions susceptibles de rencontrer les aspirations variées des parents ;
- une formalisation à moyen terme de ces propositions de sorte que les diverses appelations « salle nature », « pôle physiologique », « maison de naissance », « unités sages-femmes » puissent constituer des repères fiables permettant à l’usager de s’orienter et de se déterminer.
[1] Voir ici : http://www.lanouvellerepublique.fr/Indre-et-Loire/Actualite/Sante/n/Contenus/Articles/2013/05/15/De-plus-en-plus-de-naissances-a-la-maternite-de-Chinon-1465761 ; et ici : http://www.lanouvellerepublique.fr/Indre-et-Loire/Actualite/Sante/n/Contenus/Articles/2013/05/15/Apres-la-salle-nature-la-Maison-de-naissance-1466342
[2] La femme vient accoucher à la maternité accompagnée de la sage-femme libérale qui la suit et repart quelques heures après l’accouchement.
[3] Liste des Salles nature, espaces physiologiques et autres offres alternative. Une carte est visible là :http://batchgeo.com/map/92fdf3c0fce93bfdffbe27648e5460e7
[4] Calculé d’après les données de la Statistique Annuelle des Etablissements de Santé.
Bravo le CIANE pour ce travail immense depuis tant d’années !
je reviens de la foire écobio de colmar où j’ai assisté à la présentation du film ‘grossesse high tech ou accouchement naturel?’ qui m’a vraiment inquiétée au vu des nouveautés d’introspection, surveillance et action sur la grossesse et l’accouchement… votre action , le Ciane, me donne du coeur à l’ouvrage face à ce’trop’. mon dieu, laissez-les tranquille ces bébés et ces mères! ’
Oui, il faut se méfier des salles natures publicitaires qui finissent en salles classiques, comme on peut le voir dans Babyboom… Ce qui est réellement important est avec QUI on accouche et non OU on accouche (sauf quand il s’agit d’un lieu intime et choisi, bien sûr…). Si toutes les maternités acceptaient de recevoir des sages-femmes libérales en plateau technique, le taux de médicalisation baisserait très rapidement. La salle nature étant un plus bien appréciable.