Bernard Bel, secré­taire de l’AFAR, doc­teur en sciences

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(Les arti­cles de cette rubrique n’engagent que leurs auteurs et ne reflè­tent pas néces­saire­ment la poli­tique du CIANE.)

Le Col­lège Nation­al des Gyné­co­logues-Obstétriciens de France (CNGOF) a pub­lié le 30 novem­bre 2005 ses recom­man­da­tions de pra­tique clin­ique (RPC) con­cer­nant l’épisiotomie.

En mai 2004, un groupe d’usagers avait lancé la pre­mière Semaine Mon­di­ale pour l’Accouchement Respec­té sur ce thème. À l’époque, il était impos­si­ble d’aborder le sujet dans la presse. De courageuses mil­i­tantes qui témoignaient de cet abus médi­cal sur les forums publics (mod­érés pour la plu­part par des médecins ou des sages-femmes) avaient été cen­surées ou exclues. Un mes­sage dif­fusée sur la liste des Chi­ennes de Garde avait sus­cité des réac­tions mit­igées et la clô­ture rapi­de du fil de dis­cus­sion. Une élue parisi­enne avait même ten­té de couper toute aide munic­i­pale à une asso­ci­a­tion qui avait, pour sa fête annuelle, osé accueil­lir un stand où était dis­tribué un tract sur l’épisiotomie. (Lequel por­tait en médail­lon, il est vrai, un dessin de suture.) « Il ne faut pas faire peur aux femmes ! » Cette dame qui porte le même nom qu’un ancien min­istre de la cul­ture (Lang) m’a inspiré une image de sym­bol­isant le déni de la parole des usagers. L’épisiotomie n’était pas un sujet à l’ordre du jour, point barre… Il reste que la con­férence de Bev­er­ley Beech (prési­dente d’AIMS) à Paris avait bien con­tribué à mobilis­er l’opinion publique sur ce sujet.

Par la suite, le CIANE a écrit au Min­istre de la san­té, le 2/07/2004, pour deman­der une sai­sine de l’ANAES (Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en san­té) au sujet de l’épi­siotomie (voir doc­u­ment). Cette ini­tia­tive a béné­fi­cié du sou­tien de la CNAM et du CNGOF. Ensuite, l’ANAES a été rem­placée par la Haute autorité de san­té (HAS, dont le comité péri­na­tal­ité, lors de sa réu­nion du 24 mai 2005, a sélec­tion­né par­mi les objec­tifs pri­or­i­taires la rédac­tion d’une RPC sur l’épisiotomie (deman­deurs : CIANE, CNAMTS et CNGOF).

Peu après, le CNGOF a décidé de faire cav­a­lier seul, mais aucun mem­bre du CIANE n’a accep­té de siéger dans un groupe de tra­vail qui n’émanerait pas de la HAS. Le prési­dent du groupe de tra­vail a toute­fois soumis à des mem­bres du CIANE ses doc­u­ments de tra­vail. Un autre groupe con­sti­tué au CIANE lui a donc remis, le 27 sep­tem­bre, un doc­u­ment de syn­thèse, ren­du pub­lic sur le site du CIANE.

Aucun arti­cle de presse, aucune déc­la­ra­tion publique, ne men­tionne la con­tri­bu­tion des usagers. D’ailleurs, le texte de la RPC réitère des inco­hérences que nous avions sig­nalées dans notre doc­u­ment. Comme par exem­ple le para­graphe « Com­ment pour­rait-on réduire le taux glob­al d’épisiotomies dans notre pays ? » où les auteurs se con­tentent de par­ler de préven­tion « de l’épisiotomie » au lieu de celle des déchirures périnéales. Glisse­ment séman­tique qui per­dure dans le monde médi­cal français, avec le mythe de l’épisiotomie pro­phy­lac­tique « pro­tec­trice du périnée ». Le fait même de sug­gér­er un taux « raisonnable » d’épisiotomies « en dessous de 30 % des accouche­ments par voie basse » indique que les auteurs n’ont tenu aucun compte de la lit­téra­ture sci­en­tifique. Aucun des dont nous avons mis en ligne les références ne jus­ti­fie ce seuil de 30%. Le Roy­aume-Uni en est à 13%, pour la sim­ple rai­son que les épi­siotomies n’y sont pra­tiquées qu’à l’occasion d’extractions instru­men­tales dif­fi­ciles (entre autres les présen­ta­tions par le siège). La Suède en est à env­i­ron 6% avec les meilleurs taux de périnées intacts. Je ne dirai rien sur les moins de 1% des sages-femmes exerçant à domi­cile, le sujet étant encore tabou en France.

Je suis scan­dal­isé par un tel manque de pro­fes­sion­nal­isme, le mépris du con­sen­te­ment éclairé des femmes (voir l’article L 1111–4 du Code de la san­té publique) et la manip­u­la­tion médi­a­tique à laque­lle se livre un corps pro­fes­sion­nel par ailleurs digne de respect.

Le texte de la RPC con­clut : « Dans toutes ces sit­u­a­tions obstétri­cales spé­ci­fiques, une épi­siotomie peut être judi­cieuse sur la base de l’expertise clin­ique de l’accoucheur. » Aujourd’hui, aucun médecin, aucune sage-femme ne recon­naît pra­ti­quer une épi­siotomie en dehors d’une indi­ca­tion médi­cale. Alors, com­ment imag­in­er que, par magie, le taux nation­al pour­rait pass­er de 47% à 30%, puis en dessous ? À mon avis, ce n’est pas la pré­ten­due « exper­tise clin­ique » qui fera baiss­er le taux — nous savons main­tenant ce dont sont capa­bles les experts — mais la peur d’un procès. Plusieurs affaires sont en cours (via le Col­lec­tif épi­siotomie) et nous veillerons à les médiatiser.

(Pour plus d’informations, site « Épi­siotomie »)


Users are bastards

Bernard Bel, sec­re­tary of AFAR, PhD in science

(Papers in this sec­tion only reflect the opin­ions of their authors, not CIANE’s policy.)

On Novem­ber 30, 2005, the French Nation­al Col­lege of Gyne­col­o­gists-Obste­tri­cians (CNGOF) pub­lished a new rec­om­men­da­tion for the clin­i­cal prac­tice of epi­sioto­my (RPC).

In May 2004, a group of users had launched the first World Respect­ed Child­birth Week on the theme of epi­sioto­my. In those days, it was impos­si­ble to have a paper pub­lished in the press on this top­ic. A few activists dar­ing to share their expe­ri­ence of this med­ical mal­prac­tice on pub­lic forums (most of which were mod­er­at­ed by doc­tors or mid­wives) had been cen­sored or exclud­ed. A mes­sage on the mail­ing list of the fem­i­nist group Chi­ennes de Garde had prompt­ed mixed reac­tions and the dis­cus­sion thread was quick­ly exhaust­ed. A mem­ber of the munic­i­pal com­mit­tee in Paris had even tried to cut their sup­port to a non-prof­it soci­ety dar­ing to shel­ter a stand of its annu­al fes­ti­val on which a fly­er about epi­sioto­my was avail­able. (It is true that the fly­er also con­tained the pic­ture of a suture.) “You shouldn’t fright­en women!” Since this lady bears a name sound­ing like “Mrs. Tongue”, I felt inspired to design an alter­na­tive pic­ture empha­siz­ing the denial of users’ speech. Epi­sioto­my was not a top­ic in France, full­stop… It remains that (AIMS pres­i­dent) Bev­er­ley Beech’s lec­ture in Paris had been quite effec­tive in launch­ing a pub­lic aware­ness of the problem.

Fol­low­ing this, our CIANE col­lec­tive wrote to the French health min­is­ter, on July 2, 2004, to sub­mit the request for a RPC on epi­sioto­my to ANAES (cur­rent­ly the agency for med­ical accred­i­ta­tion and eval­u­a­tion). This request was sup­port­ed by CNGOF and CNAMTS (the nation­al health insur­ance of wage earn­ers). Lat­er on, ANAES was replaced by HAS (the high autor­i­ty on health). On its first meet­ing on 24 May 2005, HAS peri­na­tal­i­ty com­mit­tee select­ed among its pri­or­i­ty tasks the redac­tion of a RPC on epi­sioto­my. This was again record­ed as a joint request of CIANE, CNAMTS and CNGOF.

Soon after this, CNGOF decid­ed to go it alone, but no mem­ber of CIANE would accept to sit in a com­mittte that was not under the inde­pen­dent ban­ner of HAS. Nonethe­less, the head of the com­mit­tee for­ward­ed their work doc­u­ments to CIANE mem­bers, so that (on 27 Sep­tem­ber) a work group of CIANE returned a 15-page com­ment of the work mate­r­i­al. (This report was also pub­lished on the CIANE website.)

No press arti­cle, no pub­lic state­ment ever men­tioned the con­tri­bu­tion of users groups to this work. Besides, the RPC main­tains unchanged incon­sis­ten­cies that we had point­ed out in our report. Thus, for instance, under the title “How could we reduce the rate of epi­siotomies in our coun­try?”, authors feel sat­is­fied talk­ing about the pre­ven­tion “of epi­sioto­my” instead of that of per­ineal tears. This seman­tic shift is recur­rent in French med­ical cir­cles, as a rein­force­ment of the myth of pro­phy­lac­tic episo­to­my “pro­tect­ing the per­ineum”. The very fact that authors sug­gest­ed that a “rea­son­able” epi­sioto­my rate should be “under 30% of vagi­nal births” makes it clear that authors did not take into account sci­en­tif­ic lit­er­a­ture. None of the ref­er­enced in our on-line data­base sup­ports this 30% thresh­old. The Unit­ed King­dom is down to 13% for the sim­ple rea­son that epi­sioto­my is only prac­tised in prob­lem­at­ic instru­men­tal deliv­er­ies (among which breech pre­sen­ta­tions). Swe­den is down to about 6% with the best rate of intact per­ineum. I will not say a word about the less than 1% in home­birth mid­wifery prac­tice, since it is still a taboo top­ic in France.

I feel out­raged by this lack of pro­fes­sion­al­ism, the denial of the informed con­sent of women (as per arti­cle L 1111–4 of our health reg­u­la­tions) and the medi­at­ic manip­u­la­tion played by a pro­fes­sion­al body which oth­er­wise deserves our respect.

The text of the RPC con­cludes: “In all these spe­cif­ic obstet­ri­cal sit­u­a­tions, an epi­sioto­my might be a right option, based on the clin­i­cal exper­tise of the birth atten­dant.” Today, no doc­tor and no mid­wife would ever acknowl­edge that s/he is prac­tis­ing epi­siotomies in the absence of a med­ical indi­ca­tion for it. How can we imag­ine that the nation­al rate will mag­i­cal­ly fall from 47% to 30%, and fur­ther low­er? My bet is that it will not decrease because of “clin­i­cal exper­tise” — we have seen what exper­tise stands for — but because if the fear of lit­i­ga­tion. Sev­er­al court cas­es are being filed (thanks to Col­lec­tif épi­siotomie and we will take care of giv­ing them full medi­at­ic support.

(More on the French Epi­sioto­my web­site)