LETTRE OUVERTE

Madame Rose­lyne BACHELOT
Min­istre de la San­té, de la Famille et des per­son­nes handicapées
Min­istère de la Santé
8, avenue de Ségur
75350 Paris 07 SP

Lyon, le 03 mars 2009

Madame la Ministre,

Ce cour­ri­er, Madame la Min­istre, pour vous faire part de nos vives inquié­tudes au sujet de recherch­es dans lesquelles nous avions de grands espoirs et qui sem­blent ne pas devoir aboutir pour des motifs autres que sci­en­tifiques et médicaux.

Per­me­t­tez-nous tout d’abord de nous présen­ter : le Col­lec­tif Interas­so­ci­atif Autour de la Nais­sancE (CIANE) est un groupe­ment d’associations locales, régionales et nationales s’étant con­sti­tué en févri­er 2003 autour du thème de la péri­na­tal­ité. Il est com­posé à ce jour de plus de 40 asso­ci­a­tions de par­ents, d’usagers et de malades.

Notre objec­tif majeur est d’améliorer les con­di­tions de la mater­nité et de la nais­sance en France. Dans cette optique, nous avons par­ticipé aux États généraux de la nais­sance au min­istère de la san­té, en juin 2003, et organ­isé ceux de Château­roux en sep­tem­bre 2006.

Depuis 2003, nous suiv­ons avec beau­coup d’attention les travaux de recherche visant à un meilleur dépistage et diag­nos­tic des anom­alies géné­tiques avec pour effet une diminu­tion des amnio­cen­tès­es et biop­sies aux effets iatrogènes trop con­nues. Nous avons d’abord soutenu l’expérimentation menée dans les Yve­lines par mesure échographique de la clarté nucale com­biné à la mesure des mar­queurs sériques mater­nels au 1er trimestre de la grossesse (voir pub­li­ca­tion de Rozen­berg, Bus­sières et col­lègues dans Gyné­colo­gie Obstétrique et Fer­til­ité, 2007, doi: 10.1016/j.gyobfe.2007.02.004).
Deux mem­bres de cette équipe ont ani­mé un ate­lier sur ce thème aux États généraux de la nais­sance (22–24 sept. 2006, voir http://www.ciane.net/archive/egn2006/archives/enregistrements/atelier_9.html).

Par la suite, nos représen­tants ont par­ticipé aux travaux du groupe de la HAS qui vient de pub­li­er une recom­man­da­tion en san­té publique éval­u­ant l’opportunité de mod­i­fi­er la stratégie de dépistage pré­na­tal de la tri­somie 21 en France, à la demande con­jointe de la DGS, du CNGOF et du CIANE (voir https://cianewiki.naissance.asso.fr/RSPdepistageT21 ).

Par­al­lèle­ment à cette action, nous nous intéres­sons depuis 2003 aux recherch­es menées à l’Hôpital Neck­er-Enfants Malades, visant à la mise au point d’une méth­ode de diag­nos­tic pré­na­tal par analyse molécu­laire des cel­lules fœtales cir­cu­lantes (suite à une sim­ple prise ce sang). Cette approche alter­na­tive nous paraît por­teuse d’un espoir tan­gi­ble de réduire encore le nom­bre de fauss­es couch­es iatrogènes, ain­si que de lim­iter l’inflation d’actes invasifs anx­iogènes, en France et pourquoi pas au delà de nos fron­tières si ces recherch­es sont cor­recte­ment valorisées.

Cette tech­nique a été validée par des essais clin­iques pour la détec­tion de la SMA en 2007, pour la Muco­vis­ci­dose fin 2008, mais reste dans l’attente d’une val­i­da­tion pour la Tri­somie 21. Avec 92000 amnio­cen­tès­es en 2007 (essen­tielle­ment pour la recherche de la T21), la France détient le record mon­di­al rap­porté au nom­bre de grossess­es (11% et jusqu’à 15% dans cer­taines régions), mais aus­si le record de fauss­es couch­es provo­quées et de morts fœtales. Car nous savons que le test de dépistage (mesure échographique + test sérique) est très peu pré­cis, et con­duit à pré­conis­er des prélève­ments invasifs (par amnio­cen­tèse ou biop­sie des tro­phoblastes), qui in fine dans 97% des cas, révè­lent des fœtus sains. A rai­son de 1% en moyenne de fauss­es couch­es provo­quées, c’est plus de 700 fœtus sains per­dus par an. Cette méth­ode a un coût humain énorme et devient inac­cept­able s’il existe une méth­ode de diag­nos­tic alter­na­tive non-invasive.

Aujourd’hui, nous sommes très inqui­ets de con­stater que ce pro­jet inno­vant – soutenu par le finance­ment pub­lic de l’INSERM, de l’Université Paris Descartes et de l’Assistance Publique/Hôpitaux de Paris, mais aus­si par des investisse­ments privés (notam­ment asso­ci­at­ifs) — est dans l’impasse en rai­son de dys­fonc­tion­nements du dis­posi­tif mis en place pour val­oris­er cette découverte.

Cette nou­velle méth­ode ayant fait l’objet de com­mu­ni­ca­tions dans la presse et les médias audio­vi­suels, de nom­breuses femmes s’adressent à nous et aux asso­ci­a­tions de malades en s’étonnant de ne pas pou­voir béné­fici­er de ce pro­grès. Que pou­vons-nous leur répondre ?

Avec l’espoir que vous fer­ez bouger les choses, je vous prie de croire, Madame la Min­istre, à l’expression de mes sen­ti­ments distingués.

Pour le CIANE

Chan­tal Ducroux-Schouwey, Présidente

PS : Nous avons con­sti­tué un dossier per­me­t­tant aux mem­bres de nos asso­ci­a­tions et à tous les citoyens con­cernés de pren­dre con­nais­sance de l’historique du pro­jet, de ses enjeux, et des dif­fi­cultés aux­quelles il est con­fron­té : https://cianewiki.naissance.asso.fr/DossierDiagnosticPrenatal