Néanmoins nous sommes surpris que vous puissiez affirmer avec autant de certitude que si le praticien voit “un périnée prêt à se rompre” il doit couper. Vous savez fort bien que les études randomisées destinées à tester la pratique de l’épisiotomie sur “des périnées prêt à se rompre” n’ont montré aucun bénéfice; les déchirures graves ne sont pas diminuées. Par exemple, Dannecker et collègues (Episiotomy and perineal tears presumed to be imminent: randomized controlled trial. Acta Obstet Gynecol Scand. 2004, 83, 4, p.364–8) concluent :
« Le fait d’éviter de pratiquer une épisiotomie sur un périnée “prêt à se rompre” augmente le taux de périnées intacts, celui des petits traumatismes périnéaux, diminue la douleur post-partum, sans effet adverse sur la morbidité maternelle ou foetale. »
Les RPCs du CNGOF sur l’épisiotomie ne citent d’ailleurs aucune référence appuyant votre affirmation. Elles se réfèrent uniquement à “l’art du praticien”. Or l’art du praticien a tout faux depuis presque un demi-siècle en ce qui concerne les supposés bénéfices de l’épisiotomie.
Voir notre dossier sur CianeWiki :
http://wiki.naissance.asso.fr/index.php?pagename=RPCepisiotomie
Ce qui nous gêne le plus dans votre affirmation, hormis le fait qu’elle n’a aucun fondement scientifique, c’est que vous allez faire croire aux femmes que le praticien doit absolument couper si le périnée est “trop distendu”. C’est une excellente façon de laisser les mains libres à une mauvaise pratique de certains de vos confrères. Rien de plus facile que de dire à une femme que l’on fait une épisiotomie car le périnée va se rompre … Il y a peu on lui disait que c’était pour sauver la vie du bébé, ou pour la préserver des incontinences, ou pour sauver son périnée trop tonique ou à l’inverse trop fragile, affirmations toutes fausses, mais qui ont permis de pratiquer des épisiotomies à tout va sur des millions de femmes.
Que la médecine aient quelques balbutiements, ou fassent quelques erreurs de parcours, c’est normal, …, dans la mesure où il y a un minimum de méthodologie scientifique et où le principe de précaution a été respecté : d’abord ne pas nuire, ne pas intervenir sans être certain que les bénéfices sont supérieurs aux risques. Mais dans le cas de l’épisiotomie tout a été fait à l’envers : généralisation massive sur des idées préconcues, puis études scientifiques qui ont démontré que la balance penche nettement vers les risques.
Dans une affaire comme celle du sang contaminé garder le silence est impossible, il y a mort d’homme. Une épisiotomie par contre c’est “peu de chose”, il n’y a pas danger de mort. Juste quelques femmes “douillettes” qui devraient “consulter un psychologue ou un sexologue” (sic, cela vient des témoignages). L’épisiotomie quasi systématique a sévi sur deux générations de mères. Ca fait combien de millions de femmes à votre avis ? Combien de millions de couples ? En ce sens l’épisiotomie généralisée est une erreur médicale de très grande ampleur car elle touche un pourcentage important de la population française. Les usagers apprécieraient que les médecins acceptent enfin de faire face à leurs responsabilités et reconnaissent cette erreur. C’est une attitude qui serait profitable à tous. Elles permettraient à des couples particulièrement touchés par les conséquences à long terme d’aller vers la guérison psychologique en ayant enfin au moins une reconnaissance. Elle diminuerait aussi vraisemblablement le nombre d’actions en justice qui a littéralement explosé ces dernieres années, pour diverses raisons, dont le ressentiment n’est pas la moindre.
Lors de la sortie des RPCs du CNGOF le CIANE vous avait déjà envoyé un courrier auquel vous n’avez malheureusement jamais répondu (à moins que vous ne l’ayez pas reçu ?) : http://www.ciane.info/article-7201941.html
Nous publierons cette lettre, et bien entendu votre réponse, sur la page :
https://ciane.net/wiki/pmwiki.php?n=Ciane.France‑5–16-octobre-2007
Cordialement,
Cécile Loup
Porte-parole du CIANE