Quand le CIANE a demandé une RPC sur l’épisiotomie, il était évident pour nous qu’il serait participant et mentionné comme promoteur de cette RPC.
Or, suite à des prétextes administratifs de transformation de l’ANAES en HAS, cette RPC a été kidnappée par le CNGOF. Exit le CIANE.
Il a eu droit à un maigre strapontin de relecteur ; il a malgré tout, fourni un travail soigné, étayé, argumenté, référencé de plusieurs dizaines de pages dans le but que les études compilées par les groupes de travail soient portées à leur conclusion logique. Même si cette logique affirmait que cela faisait 20 ans que les médecins et sages femmes coupaient le sexe des femmes pour RIEN, sur des croyances et des dogmes.
20 ans d’épisiotomies inutiles, messieurs, mesdames les professionnels, vous avez une idée de la somme de souffrances sans aucune justification thérapeutique que cela peut représenter ? N’aurait-il pas été respectueux, éthique, déontologique, envers toutes ces femmes coupées pour rien, de reconnaître au moins leurs souffrances, et reconnaître que vous vous étiez trompés dans les grandes largeurs ?
Le CIANE a appris la publication des RPC par voie de presse et, cerise sur le gâteau, il a constaté avec stupéfaction que le promoteur de ces RPC était le CNGOF. Transparence ? Collaboration ? Participation des usagers ? DES MOTS ! Des coques vides et sans signification.
Nous nous sommes laissé manipuler, comme des enfants de chœur, naïfs, crédules jusqu’à la stupidité. Nous VOUS avons fait confiance, parce qu’il était impensable et inimaginable :
- que le CNGOF s’adjuge indûment et publiquement la décision de faire des RPC sur l’épisiotomie,
- qu’il n’y ait pas débat suite au document de commentaires envoyé par le CIANE,
- de ne pas tirer les conclusions logiques et évidentes des études utilisées pour ces RPC…
- et SURTOUT que des femmes continuent d’être coupées pour rien, ou plutôt parce que personne n’a le courage et la lucidité de dire les choses ni de faire ce qui serait nécessaire et cohérent, déontologique et éthique.
Le CIANE a demandé d’autres RPC… dont celles de l’expression abdominale, du déclenchement…
Le document de synthèse que vous nous avez communiqué sur l’expression abdominale a été lu avec beaucoup d’attention. Et de nouveau, nous sentons se dessiner exactement les mêmes travers, biais et reculs que pour les RPC épisiotomie, en pire.
L’expression abdominale a été mise sur la sellette à travers les études. Soit. Mais il semblerait que ces études soient étonnement pauvres et loin de la réalité quant à la pratique REELLE de l’expression abdominale telle que vécue par les femmes.
En effet, les études parlent de : “pression délicate… avec une main sur le fond utérin et selon un angle.. ferme… constante… force externe appliquée…”
Mais les témoignages relatent :
- une (ou deux) personne qui appuie son (ou alternativement ou ensemble leurs) avant bras en travers de l’abdomen, partant sous les côtes et poussant de toutes ses (leurs) forces vers le bas
- une personne couchée en travers de la femme et pesant de tout son poids
- une personne assise à cheval sur le ventre et poussant avec les fesses pour projeter le bébé vers la sortie
- une personne debout sur un tabouret et qui pèse de tout son poids sur le ventre de la femme, en partant des côtes
- deux personnes qui tirent sur un drap ceignant le ventre de la femme…
Il semblerait que les études parlent de pratiques qui devraient avoir idéalement lieu, et qui n’ont pas lieu dans la réalité pour bien trop de femmes.
S’il n’est pris en compte que ce qui est décrit par les trop rares études, alors les RPC risquent fort de passer à côté de leur objectif, à savoir valider ou non une pratique, compte tenu de sa potentielle iatrogénicité et bénéfices escomptés, puisque les RPC parleront d’une pratique qui ne correspond pas à ce qui est réellement fait.
Ce qui est le plus inquiétant étant que même dans des conditions idéales de pratique telle que déclinées par les études, l’expression abdominale semble causer des dégâts parfois importants sur la femme et le bébé. Qu’en est-il alors vraiment dans des conditions de pratiques réelles ?
Le CIANE s’inquiète aussi à propos de l’affirmation de l’Ordre des sages femmes qui dit que si les sages femmes pouvaient utiliser une ventouse, le recours à ce l’expression abdominale serait plus rare. Or cette proposition, c’est tomber de Charybde en Scylla pour les femmes et les bébés. A choisir, qu’est ce qui est pire ? la ventouse n’est pas si anodine que ça, il faut entendre les bébés hurler de douleur, parfois des jours après leur extraction pour s’en convaincre… et ce geste n’est pas anodin non plus pour la femme…
De plus, qu’est ce qui dit que le fait d’utiliser la ventouse exclura ipso facto l’emploi d’expression abdominale ?
Les sages femmes n’ont pas à pratiquer des accouchements pathologiques. Ce n’est pas leur rôle, ni leur formation. Si nécessité de recours à la ventouse avec ou sans épisiotomie, c’est l’obstétricien qui doit œuvrer.
Remarques sur la note de synthèse :
• Une fois de plus, comme lors des précédentes RPC (HPP, épisiotomie), on prend en compte les conséquences, et pas les causes. Les conséquences : épuisement maternel, dystocie, souffrances fœtales, conduisant à devoir sortir bébé vite, sans une seule seconde d’arrêt et de réflexion sur les POURQUOI… Sur ce qui a amené à ces dystocie, épuisement, souffrances fœtales… Une fois de plus, la HAS est amenée à statuer sur des gestes iatrogènes qui sont induits par une situation qui n’a pas lieu d’être aussi fréquemment quand les conditions physiologiques sont respectées.
• Pas un mot sur l’information à donner à la patiente sur ce geste, et sur le recueil impératif de son consentement : or si ces conditions ne sont pas respectées, les praticiens peuvent être tout à fait justement CONDAMNES (indépendamment de l’issue de l’accouchement et des séquelles ou non).
• Il me semble que des conséquences de l’expression abdominale telles que fractures de côtes maternelles, hématomes et douleurs qui durent une semaine voire plus, prolapsus ne sont pas mentionnées.
• Pourquoi n’est-il pas dit UN MOT de l’expression abdominale utilisée après l’accouchement, soit pour extraire le placenta soit pour “faire sortir les caillots” ? Le CIANE a bien demandé une saisine sur les phases II et III du travail. Alors pourquoi ce geste effectué lors du stade III n’est-il pas étudié ?
• Le document de cadrage relève avec justesse que ce geste n’est pas souvent noté dans le dossier médical, ce qui est inadmissible. Mais il faut aller plus loin : il faut que ce geste et une explication de la pratique réelle du geste (noter “expression abdominale” dans le dossier médical est plus qu’insuffisant. Il est impératif de mentionner ce qui a été fait exactement, à combien de personnes, pourquoi, durant combien de temps) soient inscrit clairement dans le dossier médical.
• Les conclusions de ce rapport sont plus que tièdes… Il nous semble que vu que la littérature n’a montré aucun bénéfice à cette pratique et beaucoup d’inconvénients parfois gravissimes, la voie à suivre est tracée : la proscrire des pratiques obstétricales.
Gilles Gaebel a participé le 25.04.2006 à une réunion à la HAS pour discuter sur les notes de cadrage concernant les différentes demandes de RPC du CIANE. Il a fait ce commentaire sur la liste de discussion du CIANE :
“Par décision du CTP (Comité technique Permanent), faute de bibliographie suffisante (pour justifier sa large pratique dans une quasi illégitimité
à défaut d’encadrement et de transparence), le Comité d’Organisation, présidé par Bruno CARBONNE, va statuer par une Conférence de Consensus Formalisé, ne comprenant que des professionnels (Gynécobs et SF).”
Il est hors de question qu’un geste potentiellement aussi grave soit ainsi traité “par-dessus la jambe”.
Il est hors de question de ne pas dire ce qu’il en est réellement : ce geste n’apporte aucun bénéfice, et est à fort potentiel d’effets nocifs
Il est hors de question que cela se passe “en douce”, de façon opaque, que ne soient pas rendues publique et les études, et leur conclusion logique
Il est hors de question que ne soient pas entendus les usagers, et que ne soient pas invités les pédiatres qui ont plus que leur mot à dire sur le sujet.
Une étude intéressante “Fundal pressure during the second stage of labor” — Simpson KR, Knox GE. (St. John’s Mercy Medical Center, Women and Children’s Care Center, St. Louis, Missouri, USA. KRSimpson(arobase)prodigy.net), publiée sur : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/entrez/query.fcgi?cmd=Retrieve&db=PubMed&list_uids=11265438&dopt=Abstract
explique que :
“Much of the data about maternal-fetal injuries related to fundal pressure are not published for medical-legal reasons; however, anecdotal reports suggest that these risks exist. Unfortunately, it is therefore difficult to quantify with any degree of accuracy the exact number of maternal-fetal injuries that are directly related to use of fundal pressure to shorten an otherwise normal second stage of labor. However, there is enough evidence to suggest that if injury does occur when fundal pressure is used, there are significant medical-legal implications for the health care providers involved.”
ce qui signifie — pour les non anglophones — :
“Une grande partie des données concernant les blessures materno-fœtales en relation avec l’expression abdominale n’est pas publiée et ce pour des raisons médico-légales, en revanche, des récits anecdotiques suggèrent que les risques existent. Malheureusement, il est difficile de quantifier précisément le nombre exact de blessures materno-fœtales lorsque l’expression abdominale est utilisée pour raccourcir la deuxième phase d’un accouchement normal. Il y a cependant suffisamment de preuves qui suggèrent que si la blessure a lieu suite à l’utilisation de l’expression abdominale, les implications médico-légales pour les professionnels de santé sont tout à fait signifiantes.”
Il semble que les choses soient claires :
• La loi exige l’information claire, honnête et fiable, et le recueil du consentement éclairé, pour tout acte posé sur le corps de la femme ;
• Comme il est hors de question d’informer dans l’urgence, il est indispensable de le faire durant la grossesse — en n’omettant pas d’informer sur la iatrogénicité de la position en décubitus dorsal, de la péridurale, des ocytociques… qui sont sources de nombre de dystocie, de souffrances fœtales et d’épuisement maternel, situations conduisant tout droit à l’emploi de méthodes plus invasives, brutales pour faire sortir le bébé) ;
• De même, tout acte DOIT être noté dans le dossier médical, de façon détaillée, et avec le POURQUOI.
En conséquence, la nocivité de l’expression abdominale et ses répercussions parfois dramatiques pourraient donner lieu à une recrudescence de procès.
La seule façon de les éviter est de promulguer des RPC claires et nettes sur ce sujet, proscrivant son emploi.
Notre plus grand souhait et notre raison d’être est de participer et collaborer avec les divers collèges, syndicats et organismes professionnels afin de participer activement à une amélioration constante des pratiques autour de la naissance. Mais cette collaboration ne s’entend aucunement par un strapontin invisible où le seul rôle de l’usager est de cautionner par sa présence silencieuse ce qui est décidé par “ceux qui savent”.
Blandine Poitel
Co fondatrice du CIANE
Co coordinatrice du projet EGN 2006
Membre de l’AFAR
Fondatrice de : http://fr.groups.yahoo.com/group/soutien-episiotomie/
http://www.episiotomie.info/
http://blog.doctissimo.fr/infosaccouchement/
http://www.algidoux.info/
j’ai découvert la publication de la HAS sur l’expression abdominale
une des conséquences très importante pour le nouveau né est une dystocie des épaules entrainant une paralysie du plexus brachial
une naissance par jour en france actuellement
souvent ils disent que c’est du à une traction excessive sur la tête… mais si quelqu’un pousse de travers, n’entraine t on pas le blocage des épaules.…. et donc poussée excessive sur les épaules + traction sur la tête = rupture du plexus brachial… et paralysie à vie pour le gamin
il est dommage que dans leur étude nous n’ayons jamais été contacté… une association qui représente actuellement plus de 600 cas.… il aurait été facile de faire passer un questionnaire aux femmes concernées pour savoir si elles ont subi cette expression abominable (excusez le jeu de mots)
Evelyne Gouret