Pro­fes­sion Sage-Femme, 23, mars 2006, p. 4–7.
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Dossier réal­isé par San­dra Mignot

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Lors des journées du CNGOF de décem­bre 2005, des recom­man­da­tions sur la pra­tique clin­ique de l’épisiotomie ont été dif­fusées. Elles con­clu­ent que les con­séquences de ce geste chirur­gi­cal ne cor­re­spon­dent en rien aux béné­fices atten­drus en matière de préven­tion des déchirures du troisième et qua­trième degré, du pro­lap­sus, des incon­ti­nences uri­naires ou fécales, tout en lais­sant le soin à chaque accoucheur d’en éval­uer la néces­sité au cas par cas. Des recom­man­da­tions pour le moins timides qui soulèvent déjà la cri­tique des asso­ci­a­tions d’usagers.

« Il n’existe plus d’indication sys­té­ma­tique pour l’épisiotomie. » Tel était le mot d’ordre de la con­férence de presse de ce mer­cre­di 31 novem­bre 2005, lorsque le bureau du Col­lège nation­al des gyné­co­logues-obstétriciens français présen­tait aux jour­nal­istes les recom­man­da­tions pour la pra­tique clin­ique de l’épisiotomie. Alors, fini l’épisio ? Pas tout à fait. C’est sa pra­tique qual­i­fiée de « libérale » par le groupe de tra­vail mis en place par le col­lège qui est som­mée de dis­paraître au prof­it d’un usage « restric­tif ». En effet, l’analyse de la lit­téra­ture sci­en­tifique (par­mi laque­lle les pre­miers écrits datent de 1982) a mon­tré que l’épisiotomie sys­té­ma­tique ne prévient pas la sur­v­enue de déchirures périnéales du troisième et qua­trième degré, d’une incon­ti­nence uri­naire d’effort, d’impériosités mic­tion­nelles ou d’une incon­ti­nence anale (lire notre rubrique Info­pro, page 20). Elle sem­ble même expos­er à ce dernier risque dans les trois mois suiv­ant le post-par­tum… Bref, l’épisiotomie ne pro­tège pas le périnée, con­traire­ment à ce qu’apprennent, depuis des années, sages-femmes et gyné­co­logues-obstétriciens en for­ma­tion. Lors de la présen­ta­tion de ces RPC aux pro­fes­sion­nels, le 2 décem­bre, une seule indi­ca­tion a sem­blé résis­ter à l’examen de la lit­téra­ture : celle du périnée court. « Une cir­con­stance extrême­ment rare », selon Frédérique Teurnier, prési­dente du Col­lège nation­al des sages-femmes, qui a fait par­tie du comité d’organisation des recom­man­da­tions. Souf­france foetale, manoeu­vres obstétri­cales, for­ceps, sièges ou même lésions des troisième et qua­trième degré lors d’un accouche­ment précé­dent, ne jus­ti­fient plus une pra­tique sys­té­ma­tique de l’épisiotomie. La con­clu­sion de Renaud De Tayrac, gyné­co­logue-obstétricien au CHU de Nîmes et l’un des experts du groupe de tra­vail, parait sans appel : « L’épisiotomie préven­tive n’a pas atteint ses objec­tifs. Par con­séquent, la pra­tique libérale de l’épisiotomie n’est pas jus­ti­fiée. » Le texte final pré­cise pour­tant que le geste pour­ra paraître « judi­cieux sur la base de l’expertise clin­ique de l’accoucheur ». Dans les deux amphithéâtres de la Mai­son de la chimie où se déroule cette ses­sion des XXlXe journées nationales du CNGOF, l’assistance est per­plexe. Réfléchir avant de réalis­er un acte chirur­gi­cal, n’était-ce pas jusqu’à présent l’attitude de tous ?

> Dimin­uer les taux. En France, le taux glob­al d’épisiotomie se situ­ait, en 2002/2003 à 47 % (68 % chez la prim­i­pare et 31 % chez la mul­ti­pare), en diminu­tion depuis 1997 (respec­tive­ment 79 et 42 %) Bien sûr le taux varie d’une région à une autre, d’une pop­u­la­tion à une autre, d’un étab­lisse­ment à un autre et même d’un opéra­teur à un autre. Des études, réal­isées à l’étranger, tendraient à prou­ver que les sages-femmes en font moins. « Mais dans cer­taines mater­nités parisi­ennes, indique Frédérique Teurnier, on se fait rép­ri­man­der le lende­main au staff si l’on n’a pas pra­tiqué l’épisiotomie sur une prim­i­pare.» En tout cas désor­mais, l’objectif offi­ciel est de dimin­uer le taux glob­al d’épisiotomie « en dessous de 30 %». Pourquoi 30 % ? Le chiffre est issu d’une méta-analyse réal­isée sur la Cochrane Library par Thorp et al.*, inclu­ant 6 études et 4 850 femmes. En out­re, il cor­re­spond à ce qui se pra­tique actuelle­ment aux Etats-Unis et dans d’autres pays d’Europe (bien que la Grande-Bre­tagne se situe à 13 %, la Suède à 6 et que l’Organisation mon­di­ale de la san­té penche plutôt vers 10 %). « Mais quand les mou­ve­ments de bal­anci­er sont exces­sifs, on aboutit sou­vent à des cat­a­stro­phes, note Bernard Jacquetin, mem­bre de la Société inter­na­tionale fran­coph­o­ne d’urodynamique et prési­dent de ces RPC. » Tout se passe comme s’il ne fal­lait pas heurter les pro­fes­sion­nels qui ont large­ment recou­ru à l’épisiotomie ces dernières années, alors qu’une volu­mineuse lit­téra­ture sur le sujet ne valide pas cette pra­tique en ter­mes de pro­tec­tion du périnée. « On reste dans le poli­tique­ment cor­rect. C’était peut-être trop tôt pour aller plus loin, recon­naît Frédérique Teurnier. Déjà les gyné­cos ont été assez sur­pris. » Gilles Gaebel, du Col­lec­tif interas­so­ci­atif autour de la nais­sance (le CIANE, qui a par­ticipé au comité de lec­ture des RPC) est plus cri­tique : « C’est dif­fi­cile pour une pro­fes­sion de se déjuger, note-t-il. »

Out­re l’objectif de diminu­tion, les recom­man­da­tions revi­en­nent sur la tech­nique d’épisiotomie et de la répa­ra­tion périnéale, cap­i­tales pour la vie sex­uelle et per­son­nelle ultérieure de la femme. « Il faut dévelop­per les com­pé­tences con­cer­nant la répa­ra­tion de l’épisiotomie, insiste Bernard Jacquetin. Dans cer­tains ser­vices, on exige déjà que ce soit des seniors qui pren­nent en main la répa­ra­tion. Out­re les séquelles d’une répa­ra­tion de mau­vaise qual­ité, le dan­ger serait de ne pas dépis­ter une lésion du sphync­ter anal. » La néces­sité d’une anal­gésie locale est égale­ment rap­pelée. Mais le chapitre con­sacré aux soins apportés en suites de couch­es mon­tre le nomb
re insuff­isant de recherch­es sur le prob­lème de la douleur post-épi­siotomie, en dehors des anti-inflam­ma­toires non stéroï­di­ens qui ne sont com­pat­i­bles avec l’allaitement que sur une courte péri­ode ! Rai­son de plus pour lim­iter le geste…

> Indi­ca­teur de qual­ité. Enfin, dans la con­clu­sion du doc­u­ment, il est pro­posé que le taux d’épisiotomie puisse devenir un indi­ca­teur de qual­ité dans le cadre de l’évaluation des pra­tiques pro­fes­sion­nelles et pour la ver­sion 2 de l’accréditation. « Ce qui est très intéres­sant, note Frédérique Teurnier. Les gens vont pou­voir deman­der à con­naître le taux de leur prati­cien ou de l’établissement dans lequel ils ont choisi d’accoucher. » On évoque même la néces­sité d’informer les usagers « des risques de l’épisiotomie et autres com­pli­ca­tions liées aux dif­férentes pra­tiques obstétri­cales pour « cogér­er » leur accouche­ment, en cas de femme à bas risque obstétri­cal (anal­gésie, posi­tion mater­nelle, etc.). » La porte s’ouvrirait-elle enfin à une démédi­cal­i­sa­tion de la naissance?

> Décep­tion des asso­ci­a­tions. Pour­tant, les représen­tants des usagers sont loin d’être sat­is­faits du texte final, qui sera pub­lié prochaine­ment dans les colonnes du Jour­nal de gyné­colo­gie, obstétrique et biolo­gie de la repro­duc­tion. « On ne dit pas assez que l’épisiotomie, c’est le résul­tat de pra­tiques obstétri­cales antérieures telles que le déclenche­ment, le décu­bi­tus dor­sal, la poussée sur res­pi­ra­tion blo­quée, l’expression abdom­i­nale, l’extraction instru­men­tale…, s’insurge Blan­dine Poi­tel de l’[Alliance] fran­coph­o­ne pour l’accouchement respec­té (AFAR). Il aurait fal­lu axer davan­tage le texte sur la préven­tion par la for­ma­tion des prati­ciens et l’information des patientes. » Il faut dire que les asso­ci­a­tions d’usagers se sont penchées sur la prob­lé­ma­tique de l’épisiotomie dès 2004. Cette année-là, I’AFAR organ­i­sait une semaine mon­di­ale con­sacrée à la lutte con­tre l’épisiotomie de rou­tine. « Les cam­pagnes qu’on a menées ont per­mis une prise de con­science du prob­lème, » assure Bernard Bel du groupe de tra­vail sur l’épisiotomie de I’AFAR. Dans la foulée, le CIANE (dont I’AFAR est mem­bre) demandait la sai­sine de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en san­té (ANAES) sur ce thème. Ce qui était accep­té en mai 2005. Le CNGOF et le col­lec­tif d’usagers sem­blaient alors s’accorder pour tra­vailler ensem­ble sur ces recom­man­da­tions. Mais au final, ceux-ci ne fig­urent plus qu’en qual­ité de lecteurs et les recom­man­da­tions ne sont pas validées par la Haute autorité de san­té, qui, entretemps, a absorbé I’ANAES. « Nous avons pour­tant fourni un impor­tant tra­vail de bib­li­ogra­phie, note Bernard Bel. Puis un doc­u­ment de 13 pages a été envoyé aux mem­bres du comité d’organisation, avec de nom­breux amende­ments au texte. » Mais le CNGOF voulait avancer rapi­de­ment. « Nous étions pressés de con­clure sur un thème brûlant, qui con­cerne un large pub­lic, jus­ti­fie Michel Drey­fus, coor­don­na­teur des RPC. L’HAS était en cours de con­sti­tu­tion, il nous aurait fal­lu atten­dre un an avant de lancer le travail. »

Résul­tat : les représen­tants des usagers sont déçus, même si les RPC représen­tent un pro­grès selon Gilles Gaebel, et con­ser­vent une cer­taine amer­tume à l’égard du CNGOF. « Nous avons appris la con­clu­sion des travaux par la presse, s’étonne Bernard Bel. » En effet, nom­bre de propo­si­tions du CIANE n’ont pas été repris­es dans le doc­u­ment final. Ain­si de la mod­i­fi­ca­tion « urgente et essen­tielle » des for­ma­tions pro­fes­sion­nelles des sages-femmes et gyné­co­logues-obstétriciens. « Leur pro­gramme impose actuelle­ment aux étu­di­antes sages-femmes de réalis­er 30 épi­siotomies pour 80 accouche­ments, note Gilles Gaebel. Les stages ne sont pas validés si elles ne le font pas. Cela banalise le geste. » Le CIANE demande ain­si actuelle­ment à la Direc­tion générale de la san­té la révi­sion de l’arrêté du 21 décem­bre 2005 à ce sujet, afin que le pro­gramme impose désor­mais 30 sutures et non 30 épi­siotomies. Autre con­clu­sion écartée, celle qui sug­gère l’affichage pub­lic ou disponible sur sim­ple demande des sta­tis­tiques de chaque mater­nité en matière d’épisiotomie, de for­ceps, de césari­enne, de péridu­rale, etc. Ou encore la ver­sion qui con­clut à la néces­saire mod­i­fi­ca­tion des cours de pré­pa­ra­tion à l’accouchement et des infor­ma­tions don­nées aux médias, en inclu­ant la néces­sité du con­sen­te­ment éclairé de la patiente. Et puis le col­lec­tif regrette qu’il ne soit pas fait davan­tage men­tion des com­pli­ca­tions à moyen ou long terme men­tion­nées par les femmes telles que « les brides, abcès sous-jacents non détec­tés par­fois durant des années, inflam­ma­tions de la glande de Bartholin (due à la suture du canal), points qui lâchent (et sont repris par­fois « à vif » 24 ou 36 heures après), rétrac­tions mus­cu­laires ou nerveuses, tis­sus qui cica­trisent en se soudant, et autres effets négat­ifs physiques con­séquents à l’épisiotomie… » Avec en corol­laire, une douleur insuff­isam­ment prise en compte par les soignants, voire dans cer­tains cas, un refus de chercher une source à celle-ci.

Le CIANE envis­age ain­si de deman­der l’année prochaine à I’HAS, dont la méthodolo­gie a été util­isée pour ces RPC, non pas une val­i­da­tion du texte, mais une révi­sion des recom­man­da­tions. Son com­bat con­tre l’épisiotomie ne s’arrêtera pas là puisque le col­lec­tif sou­tient égale­ment sept cou­ples qui se pré­par­ent à engager des procé­dures judi­ci­aires con­tre les soignants qui leur ont imposé l’intervention et ses conséquences.

(*) Thorp JM, Bowes WA. Epi­sioto­my: can its rou­tine be defend­ed ? Am J Obstet Gynecol 1989; 160: 1027–30.


Des équipes incitent à la diminution

Le taux d’épisiotomie glob­al est en baisse sen­si­ble en France depuis une petite dizaine d’années. Mais il faut aujourd’hui accélér­er le pas. Quelques pro­fes­sion­nels nous livrent leur expérience.

Depuis 1994, mon taux d’épisiotomie est à 0, se flat­te Jack Mouchel, gyné­co­logue-obstétricien à la clin­ique du Tertre-rouge (Le Mans). J’avais pris con­nais­sance de la lit­téra­ture exis­tant à ce sujet et grâce à ces argu­ments sci­en­tifiques, j’ai plus ou moins con­va­in­cu mes col­lègues dont les taux indi­vidu­els vont par­fois encore jusqu’à 30 ou 40 %. ‘ Car pour dimin­uer son taux d’épisiotomie, le geste médi­cal recon­nu comme étant le « plus pra­tiqué en salle de nais­sance, à l’exception de la sec­tion du cor­don ombil­i­cal », comme l’explique Bernard Jacquetin, chef de ser­vice en gyné­colo­gie-obstétrique au CHU de Cler­mont-Fer­rand, il faut d’abord con­va­in­cre. « Il ne suf­fit pas qu’un pro­fesseur en par­le dans le ser­vice, pour­suit-il. La pre­mière étape en tout cas ce sont les argu­ments sci­en­tifiques, ensuite il faut observ­er l’évolution des taux. »

> Dif­férentes méth­odes. Les recom­man­da­tions pour la pra­tique clin­ique men­tion­nent en effet dif­férentes actions pos­si­bles : for­ma­tions, audits, rétro-infor­ma­tion pour chaque pro­fes­sion­nel de son pro­pre taux d’épisiotomie, présence d’un leader… « Le leader, c’est celui qui mon­tre l’exemple, explique Françoise Ven­ditel­li, du CHU de Cler­mont-Fer­rand qui a tra­vail­lé sur ce chapitre dans le cadre du comité d’experts des RCP. C’est sou­vent un médecin ou une sage-femme qui se pas­sionne pour un domaine et met en place un relevé d’indicateurs. » C’est ce qu’elle-même a instau­ré en Auvergne, bien que toutes les mater­nités n’enregistrent pas leurs taux d’épisiotomie. Autre exem­ple à Caen, dans le ser­vice dirigé par Michel Drey­fus (coor­di­na­teur des RCP), l’information a com­mencé à cir­culer dès cet été. « Entre ce que j’avais appris et ce que je lisais, il y avait une dif­férence incroy­able, note Annie Le Tardif, sage-femme cadre du ser­vice qui a par­ticipé à la lec­ture des RCP. J’ai été éton­née d’apprendre que les prob­lèmes sphync­tériens ne sont pas plus nom­breux après une déchirure qu’après une épi­siotomie. » Une rapi­de recherche dans les sta­tis­tiques du ser­vice a d’ailleurs con­fir­mé les don­nées de la lit­téra­ture. « Les périnées com­plets, notre grande han­tise, inter­ve­naient tou­jours sur des extrac­tions instru­men­tales + épi­siotomie, ajoute la sage-femme. » Dans le ser­vice, une mesure très sim­ple a été mise en place : comme les dossiers étaient déjà infor­ma­tisés, il est désor­mais demandé aux pro­fes­sion­nels de pré­cis­er l’indication pour laque­lle ils ont réal­isé l’épisiotomie. Résul­tat: entre 2004 et 2005, les chiffres ont chuté de 75 à 50 % pour les prim­i­pares et de 55 à 25 % pour les mul­ti­pares. Le sim­ple fait de devoir motiv­er incite davan­tage à la réflex­ion au moment du geste. « Les sta­tis­tiques du ser­vice con­cer­nant l’épisiotomie sont dif­fusés dans nos tableaux de bord men­su­els, pré­cise Michel Drey­fus. Si cela stagne peut-être que j’envisagerai de cal­culer les sta­tis­tiques indi­vidu­elles avec rétro-infor­ma­tion pour chacun. »

Même con­stat dans le ser­vice du pro­fesseur Jacquetin à Cler­mont-Fer­rand où la revue des argu­ments sci­en­tifiques, le suivi des sta­tis­tiques et la dis­cus­sion ont per­mis de dimin­uer dras­tique­ment les taux indi­vidu­els d’épisiotomie : « Mes sages-femmes qui fai­saient 70 % d’épisiotomie sont descen­dues à 30 %, explique le gyné­co­logue-obstétricien, prési­dent des RPC, qui recon­naît s’être penché sur la ques­tion depuis déjà une dizaine d’années. » Dans son ser­vice, comme à Caen, il sem­ble que les médecins soient plus réti­cents à cette évo­lu­tion (« ils sont tou­jours plus pressés, moins patients que les sages-femmes » note le gyné­co­logue-obstétricien) ain­si que les sages-femmes fraîche­ment diplômées.

Enfin, option com­plé­men­taire : encour­ager l’information des patientes sur ce qu’est une épi­siotomie, pourquoi on la pra­tique et quels en sont les risques. « Cer­tains prati­ciens ne leur en par­laient même pas jusqu’à présent, note le pro­fesseur Jacquetin. Si on les incite à réfléchir à ce sujet et qu’une patiente man­i­feste sa réti­cence à l’épisiotomie, le prati­cien aura le geste moins facile. »

>La fin espérée du dogme. Mais pourquoi alors a‑t-il fal­lu atten­dre si longtemps pour abor­der le sujet et éla­bor­er des recom­man­da­tions ? « Nous avions des dogmes, comme sou­vent en médecine, recon­naît sincère­ment Michel Drey­fus. Et puis c’était un geste couram­ment pra­tiqué qui ne sem­blait vrai­ment pas une pri­or­ité dans la réflex­ion sur nos pra­tiques. » D’un dogme, il ne faudrait pour­tant pas directe­ment pass­er à un autre. Comme l’explique Jack Mouchel « On se focalise sur un truc comme d’habitude, cette fois c’est l’épisio, mais cela ne doit pas devenir une reli­gion. Il faut réfléchir à la manière d’aborder l’accouchement, les posi­tions, la mobil­ité, etc. » Comme c’est le cas à la mater­nité du cen­tre hos­pi­tal­ier de Vil­leneuve-Saint-Georges (93) : le tra­vail sur les posi­tions d’accouchement, et notam­ment le décu­bi­tus latéral a eu pour corol­laire une diminu­tion des taux d’épisiotomies. De 47 % en 2002, il est descen­du à 33 % en 2004 et 30,7 en 2005. « Je pense que nous avons atteint notre seuil lim­ite, pré­cise Cather­ine Jubin, sage-femme cadre du ser­vice, car chez nous l’épisiotomie n’est pas sys­té­ma­tique, sauf pour les accouche­ments du siège ou les accouche­ments par for­ceps. » Gageons alors que si les recom­man­da­tions pour la pra­tique clin­ique sont désor­mais appliquées dans ces cir­con­stances, le taux bais­sera encore davantage.


Témoignages en ligne

Le site episiotomie.info a été créé en novem­bre 2005 par des usagers d’un groupe de dis­cus­sion et de sou­tien con­sacré aux femmes vic­times d’une épi­siotomie (http://fr.groups.yahoo.com/group/soutien-episiotomie/). « La liste, c’est un sou­tien privé pour des femmes qui ont vécu des sit­u­a­tions très douloureuses, explique Blan­dine Poi­tel l’une des chevilles ouvrières de l’action, mem­bre de l’[Alliance] fran­coph­o­ne pour l’accouchement respec­té et coor­di­na­trice du CIANE. Le site est plus ouvert, on y trou­ve une infor­ma­tion générale sur l’épisiotomie, des infor­ma­tions pra­tiques ou juridiques et plusieurs forums moins intimes. » Les témoignages pour­tant sont mar­quants: « Le gyné­co voulait me recoudre à vif, racon­te Bbcra­paud*. La sage-femme a insisté pour faire une piqûre de xylo­caine qui n’a servi à rien. Je me suis cram­pon­née à la table. J’ai eu cinq points que le gyné­co a fait trop ser­rés. » Plus loin, Per­rine* souligne : « Selon l’avis de sages-femmes, de gyné­co­logues, de médecins et de ta lit­téra­ture sci­en­tifique que j’ai con­sultés par la suite, cet acte n’avait aucune jus­ti­fi­ca­tion médi­cale dans mon cas. » Evabébé* s’inquiète : « Je veux un deux­ième enfant mais j’ai vrai­ment peur qu’on me recoupe… » Et puis il y a aus­si Aurélie qui remer­cie : «Grâce à toi, j’ai pu met­tre des mots sur ma douleur et j’ai pu enfin en par­ler â mon mari à qui je n’avais pas tout dit car c’était trop douloureux de lui dire que faire l’amour fai­sait mal. » Sou­vent des sages-femmes sont égale­ment présentes sur le forum. Pour Blan­dine, les recom­man­da­tions du CNGOF ne sont pas un aboutisse­ment : « Si on passe de 47 à 30 % pour moi cela veut dire que beau­coup de femmes seront encore coupées pour rien, regrette-t-elle. » Pour­tant, grâce aux doc­u­ments inter­mé­di­aires élaborés par les experts, plus rich­es que les recom­man­da­tions, Blan­dine con­tin­uera d’accompagner des femmes dans l’élaboration de leur pro­jet de nais­sance, informer et soutenir celles qui le souhait­ent. Un pro­jet de livre est égale­ment en pré­pa­ra­tion avec les femmes de la liste de discussion.

Pour en savoir plus :

• Site Inter­net : www.episiotomie.info
• Liste de dis­cus­sion et de sou­tien : http://fr.groups.yahoo.com/group/soutien-episiotomie/

(*) pseu­do­nymes util­isés sur le forum.