Le Col­lec­tif interas­so­ci­atif autour de la nais­sance (CIANE), qui regroupe des asso­ci­a­tions de par­ents, écrit au Prési­dent de la République pour lui sig­naler les blocages du dis­posi­tif mis en place pour val­oris­er des résul­tats de la recherche française. Les dys­fonc­tion­nements con­cer­nent des méth­odes de dépistage pré­na­tal de mal­adies géné­tiques par prise de sang, qui rem­plac­eraient les tests pra­tiqués actuelle­ment dont le car­ac­tère invasif (amnio­cen­tèse) provoque des pertes de 700 foe­tus par an. La méth­ode (bap­tisée ISET), dévelop­pée par une équipe de l’IN­SERM, est validée clin­ique­ment pour l’amy­otro­phie spinale et la muco­vis­ci­dose et pour­rait l’être pour la tri­somie 21. Le Ciane déplore, au nom des par­ents et des con­tribuables, l’en­trave à la val­i­da­tion et à la val­ori­sa­tion de ces tests du fait d’in­térêts privés con­flictuels met­tant en cause les dirigeants et investis­seurs de la société Metagenex.

Let­tre ouverte

Objet : Diag­nos­tic pré­na­tal non-invasif, procédé ISET


Mon­sieur le Président,

Le Col­lec­tif interas­so­ci­atif autour de la nais­sance (CIANE) est un groupe­ment d’associations locales, régionales et nationales con­sti­tué en févri­er 2003 autour du thème de la péri­na­tal­ité. Agréé au plan nation­al par le Min­istère de la San­té, il est com­posé à ce jour de plus de 40 asso­ci­a­tions de par­ents, et ses porte-parole inter­vi­en­nent régulière­ment dans de nom­breuses instances nationales ou régionales du sys­tème de santé.

Le 3 mars le CIANE s’est adressé par let­tre ouverte (à ce jour sans réponse) à Mme Rose­lyne Bach­e­lot, Min­istre de la San­té, pour lui faire part de ses vives inquié­tudes au sujet d’une inno­va­tion tech­nique per­me­t­tant le diag­nos­tic pré­na­tal (DPN) non invasif des mal­adies géné­tiques, qui sem­ble ne pas devoir aboutir pour des motifs autres que sci­en­tifiques et médi­caux (1).

Il s’agit de la méth­ode ISET-DPN, mise au point par une équipe de l’INSERM à l’Hôpital Neck­er-Enfants Malades, qui a fait l’objet du dépôt de qua­tre brevets par l’INSERM, l’Assistance Publique-Hôpi­taux de Paris et l’Université Paris Descartes. Elle per­met d’effectuer le DPN sur sim­ple prise de sang et donc sans
risque de fausse-couche (risque asso­cié à l’amniocentèse et la biop­sie du trophoblaste).

Cette méth­ode, qui doit faire l’objet de développe­ments tech­niques et de val­i­da­tions clin­iques pour cha­cune des mal­adies géné­tiques ciblées, a été mise au point pour le DPN de l’amyotrophie spinale (SMA) et de la muco­vis­ci­dose (2, 3).

Les deux tests ISET ont été ensuite validés en 2007 et 2009 par des essais clin­iques avancés. Ces résul­tats sci­en­tifiques de pointe font de la France le pre­mier pays au monde à avoir dévelop­pé puis validé clin­ique­ment deux méth­odes de DPN non-invasif.


Le développe­ment et la val­i­da­tion du test pour le DPN non invasif de la tri­somie 21, qui représente un enjeu mon­di­al à la fois économique et de san­té publique, a été blo­qué en 2006 par la com­pag­nie Meta­genex, une start-up fondée en 2001 pour val­oris­er les tests ISET DPN et ISET Oncolo­gie. Le prési­dent du Direc­toire, M. David Znaty, a en effet refusé de sign­er le con­trat de l’Agence nationale de la recherche (ANR) qui attribuait 600 000 euros au parte­nar­i­at pub­lic-privé (Meta­genex-INSERM) chargé de réalis­er le projet.

Con­tac­té par le CIANE, M. Znaty a déclaré le 13 juin 2007 que la prin­ci­pale rai­son de la non-sig­na­ture du con­trat était le refus de l’INSERM et INSERM Trans­fert de céder la licence de deux brevets ISET à Meta­genex. Pré­cisé­ment, l’INSERM et sa fil­iale privée souhaitaient obtenir de la société Meta­genex « les éclair­cisse­ments et plans de développe­ment néces­saires avant l’octroi défini­tif d’une licence exclu­sive, ten­ant compte des enjeux majeurs de cette approche diag­nos­tique, applic­a­ble à la fois au diag­nos­tic pré­na­tal et à l’oncologie pré­dic­tive ». Cette réserve fai­sait suite au con­stat de la com­mer­cial­i­sa­tion par le lab­o­ra­toire Lavergne, parte­naire de Meta­genex, du test ISET-Oncolo­gie non validé et non con­trôlé en dépistage des can­cers. De nom­breux faux-posi­tifs avaient été con­statés. L’Université Paris Descartes et l’AP-HP ont rejoint la posi­tion de l’INSERM (4).

Après de nom­breuses péripéties dont la presse s’est large­ment faite l’écho, la médi­a­tion entre les par­ties con­cernées s’est ter­minée par l’octroi à Meta­genex, en juin 2008, d’une licence mon­di­ale et exclu­sive, garan­tis­sant la néces­sité des val­i­da­tions, pour l’exploitation des qua­tre brevets ISET. Mal­gré la lev­ée de cet obsta­cle, la direc­tion de Meta­genex n’a pas signé la con­ven­tion avec l’ANR, entraî­nant l’annulation défini­tive du pro­gramme de recherche fin 2008 (5). Notre demande d’explications à M. Znaty (19/12/2008) est restée sans réponse (6).

Deux autres points sont forte­ment regrettables :

• des résis­tances, liées à l’octroi des licences à Meta­genex, sont apparues con­tre la mise à dis­po­si­tion (comme recherche bio­médi­cale inter­ven­tion­nelle avec analyse béné­fice-risque) des tests ISET validés aux familles des enfants malades. Les futurs par­ents d’enfants à risque de SMA ont exprimé leur décep­tion et leur colère ; une let­tre ouverte (à ce jour sans réponse) vous a été adressée le 6 décem­bre 2008 avec copie à Mme la Min­istre de la San­té (7).
• le con­trat de licence que Meta­genex a signé le 16 juin 2008 avec les organ­ismes pro­prié­taires des brevets n’a pas été enreg­istré à l’INPI. Ceci rend la licence non-oppos­able aux tiers par la com­pag­nie, exposant ain­si ces méth­odes pointues à la con­tre­façon (8). Pourquoi une entre­prise prendrait-elle ce risque si elle avait réelle­ment la volon­té d’exploiter ces licences ? Nous n’arrivons pas à imag­in­er de réponse plau­si­ble à cette question.

Mon­sieur le Prési­dent, le sou­tien des investis­seurs de la com­pag­nie Meta­genex aux choix du Direc­toire ne cible pas, à l’évidence, la val­ori­sa­tion de ces recherch­es en san­té publique et économique. D’autres intérêts, con­flictuels, lient les décideurs et, alors que la tech­nolo­gie, le savoir-faire et les finance­ments pour cette inno­va­tion française à haut poten­tiel sont disponibles, la volon­té poli­tique sem­ble faire défaut car ils pour­suiv­ent d’autres ambitions.

Aujourd’hui, nous sommes donc très inqui­ets de con­stater que ces recherch­es inno­vantes, soutenues par des fonds publics ain­si que par des investisse­ments privés (y com­pris asso­ci­at­ifs), sont dans l’impasse en rai­son de blocages du dis­posi­tif mis en place pour les valoriser.

Par la dif­fu­sion des méth­odes de dépistage actuelles (sérolo­gie + échogra­phie), qui ignorent 20% des fœtus tri­somiques, la France détient le record mon­di­al d’amniocentèses, 92 000 en 2007 (11 à 15% des grossess­es selon les régions) et celui de fauss­es couch­es iatrogènes : plus de 700 fœtus sans tri­somie per­dus par an. Ce coût humain con­sid­érable d’une approche peu sen­si­ble représente une lourde respon­s­abil­ité pour ceux qui entra­vent les efforts de recherche.


Les usagers du sys­tème de péri­na­tal­ité vous deman­dent d’intervenir pour met­tre un terme à ces entrav­es mul­ti­ples au développe­ment des tests ISET et à leur mise à dis­po­si­tion des patients, faute de quoi, l’attente des con­tribuables, aus­si bien que celle des chercheurs stim­ulés à val­oris­er leurs efforts de recherche, serait grave­ment déçue.

Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, Mon­sieur le Prési­dent de la République, l’expression de ma plus haute considération.

Pour le CIANE

Chan­tal Ducroux-Schouwey, Présidente

  1. https://cianewiki.naissance.asso.fr/LettreMinistreSante030309
  2. C. Béroud, M. Kar­lio­va, J.-P. Bon­ne­font, A. Benachi, A. Munnich, Y. Dumez, B. Lacour, P. Pater­li­ni-Bré­chot. Pre­na­tal diag­no­sis of spinal mus­cu­lar atro­phy by genet­ic analy­sis of cir­cu­lat­ing fetal cells. Lancet 2003, 361 : 1013–14.
  3. A. Sak­er, A. Benachi, J.-P. Bon­ne­font, A. Munnich, Y. Dumez, B. Lacour, P. Pater­li­ni-Bré­chot. Genet­ic char­ac­ter­i­sa­tion of cir­cu­lat­ing fetal cells allows non-inva­sive pre­na­tal diag­no­sis of cys­tic fibro­sis. Pre­nat Diagn 2006, 26 : 906–916.
  4. Voir dépêche de l’APM, SLKGO004 le 24/07/2007, et l’article du Parisien le 21/11/2007.
  5. https://cianewiki.naissance.asso.fr/ReponseAnr231208
  6. https://cianewiki.naissance.asso.fr/LettreZnaty191208
  7. https://cianewiki.naissance.asso.fr/LettreOuverteAccesDPNI
  8. https://cianewiki.naissance.asso.fr/EnqueteDiagnosticPrenatal