Gilles Gaebel
Pour : courrier-des-lecteurs(arobase)lemonde.fr
cc : Nau(arobase)lemonde.fr
A l’attention de Mr Jean-Yves NAU
Bonjour Monsieur,
Le CIANE (1), dont je suis un des porte-paroles, n’a pas voulu prendre part à chaud au débat émotionnel sur l’affaire des foetus de l’hôpital St-Vincent-de-Paul.
En tant que collectif d’associations de femmes et de parents dont la réflexion et l’action se fait depuis 2003 autour du thème de la Naissance et la Périnatalité, nous avons bien-sûr des positions précises sur les questions d’éthique en relation avec l’activité médicale.
Nous nous serions gardé de toute réaction publique, si vos articles du 05 août dernier (voir annexe) n’avaient pas relancé le débat, suite aux propos et attitudes de certains des personnes que vous avez interviewées, notamment Mr Claude SUREAU.
En effet :
- Il dénonce l’ ”écho médiatique” faisant suite à l’émotion suscitée dans la société civile et le monde politique qui est en son émanation, et il qualifie cet “écho” de “malsain”.
Nous ne voyons rien de “malsain” à une information grand public qui pallie un manque de transparence de certaines activités médicales, surtout quand elles se font à l’insu, voir à l’opposé des souhaits des personnes concernées.
- Il fait état de sa qualité de membre du CCNE (Comité National d’Ethique), ce qui suscite une confusion et laisse entendre que cela pourrait être la position du Comité (officiellement saisi par le Ministre sur cette affaire, rappelons-le).
De plus, nous ne sommes pas persuadés que le Pr Didier SICARD, Président du CCNE, ait donné son accord pour que Mr Claude SUREAU s’exprime en tant que membre de ce Comité. La moindre des choses aurait été de taire cette fonction. Le respect de l’éthique est pour nous à ce prix et s’applique d’abord à soi-même.
- “Je vois mal de quelle manière on pourrait évaluer la nature et le montant de je ne sais quel préjudice” dit-il.
Les préjudices ne sont pas uniquement réparables par de l’argent ou des choses en nature !
Dans certains pays où les gens ont une certaine éducation et sensibilité, de hauts responsables ayant commis une erreur ou une faute morale présentent tout simplement… leurs excuses (cf. Japon, Corée, Scandinavie…). Les excuses publiques du Directeur de l’hôpital ne seraient-elles pas une juste et bonne réparation ?
- Que l’autopsie de foetus ait permis de faire avancer les connaissances et progresser la médecine est incontestable… et positif.
Mais la “fin ne justifiant pas tous les moyens”, ces recherches devraient être faites en toute transparence et avec l’accord explicite des intéressés.
Nous ne sommes plus au XIXe ou au XXe siècle, époques de pionniers, mais au XXIe siecle, où les règles morales et les lois ont changé (notamment grâce à la loi du 04 mars 2002 qui consacre la primauté de l’information et de l’accord éclairé du patient).
Nous percevons ici toute la dichotomie entre les valeurs véhiculées par une partie du corps médical, et celles portées par les citoyens en particuliers (les “patients ordinaires”) et la société civile en général.
Ce qui ne choque pas les uns, peut émouvoir les autres. La différence aujourd’hui, c’est que le consentement éclairé du patient a une valeur légale. A nous de le faire respecter, d’où notre réaction.
Nous vous serions reconnaissant de bien vouloir porter ces lignes à la connaissance de vos lecteurs.
En vous remerciant par avance pour l’attention que vous témoignerez à l’égard de notre démarche,
Très cordialement,
Gilles Gaebel
Porte-parole du CIANE
(1) Collectif Interassociatif Autour de la NaissancE <http://naissance.ws/CIANE/>