Inter­view du Dr François Goffinet (Paris)

“Il n’y a plus d’indi­ca­tion sys­té­ma­tique de l’épi­siotomie”
http://www.gyneweb.fr/Sources/obstetrique/episio.htm


Réponse du CIANE, Col­lec­tif Interas­so­ci­atif Autour de la NaissancE

La général­i­sa­tion mas­sive de l’épi­siotomie fut mise en oeu­vre sans
que jamais aucune étude sci­en­tifique ne démon­tre son util­ité, ni que
soient mis en bal­ance les risques et les béné­fices. Les par­turi­entes
ont été con­traintes de l’ac­cepter, sans que jamais on ne leur demande
leur con­sen­te­ment, seule­ment leur con­fi­ance aveu­gle sur la foi d’une
soit-dis­ant infor­ma­tion qui s’est avérée être fausse, et d’une
min­imi­sa­tion indé­cente des suites en post-partum.

Les récentes RPCs du CNGOF sont certes un pro­grès, mais tout au moins
l’in­ter­view du Dr. Goffinet sur Gyneweb con­tient encore cer­taines
inco­hérences et bévues.

Fidèle à la tra­di­tion médi­cale, le Dr. Goffinet met un point d’hon­neur
à soutenir que l’épi­siotomie n’est pas remise en ques­tion. Tout au moins
aurait-il pu écrire que l’épi­siotomie pro­phy­lac­tique l’est. Dans le
monde, des cen­taines de mil­lions de femmes ont subi, et subiront encore
dans cer­tains pays, une épi­siotomie pro­phy­lac­tique pour … rien ! En
France cer­taines mater­nités ont atteint des taux supérieurs à 90% des
prim­i­pares. La moin­dre des choses devant l’énor­mité d’une telle erreur
médi­cale eut été de faire des excus­es publiques.

La pra­tique de l’épi­siotomie pro­phy­lac­tique doit être pro­scrite.
Jusque là nous sommes tous d’ac­cord. Quelles indi­ca­tions reste-t-il
alors pour pra­ti­quer une épi­siotomie ? L’avis du spé­cial­iste, le
même qui avait con­duit à la général­i­sa­tion de l’épi­siotomie. Le
Dr. Goffinet ne s’en cache pas, il n’ex­iste aucune indi­ca­tion basée sur
des preuves. C’est au prati­cien de juger au cas par cas.
On se demande presque si c’est une farce. Le Dr. Goffinet donne
l’ex­em­ple d’un périnée prêt à se rompre. Il croit donc encore
que l’épi­siotomie prévient les déchirures graves ? Aucune
étude, même ran­domisée-con­trolée-et-en-inten­tion-de-traiter n’a
pu le démon­tr­er. A moins que nous usagers n’ayons vrai­ment rien
com­pris à la médecine factuelle : il ne s’ag­it pas de prou­ver qu’une
pra­tique est utile avant de la généralis­er, mais bien de prou­ver
qu’une pra­tique général­isée n’est pas inutile.

Finale­ment le Dr. Goffinet met les usagers devant le fait accom­pli
d’un com­pro­mis, faire descen­dre le taux moyen d’épi­siotomies à 30%.
Cela fera env­i­ron 50% des prim­i­pares accouchant par voie basse.
Avec 20% de césari­ennes, cela fera au moins 60% des mères français­es
qui subiront au moins une fois une inter­ven­tion chirur­gi­cale pour don­ner
nais­sance. Ce chiffre de 30% est sor­ti d’un cha­peau, il ne repose
sur aucune base sci­en­tifique. Dans l’ar­ti­cle du Figaro ce chiffre
sem­ble jus­ti­fié par un taux sim­i­laire en Suède. Pour autant que
nous sachions, c’est plutôt la Hol­lande qui affiche un tel taux
moyen. En Suède, le taux d’épi­siotomies sur les prim­i­pares n’é­tait
que de 24.5% en 1995, soit deux fois moins env­i­ron que ce à quoi mèn­era
le chiffre glob­al, pri­mi-et mul­ti­pares con­fon­dues, de 30% con­seil­lé par
le CNGOF en 2006. Quant à l’An­gleterre, elle affiche un taux de 13%,
et pas plus de déchirures sévères qu’en France.

Le mes­sage est en fait plus sub­til, il s’ag­it de descen­dre de presque
50% à 30% “dans un pre­mier temps”. Dans un pre­mier temps ? Il
y en aura donc un sec­ond, sur quels critères ? Il serait trop dif­fi­cile
aux prati­ciens de remet­tre dras­tique­ment en cause leur pra­tique, de
l’épi­siotomie, mais aus­si de la posi­tion d’ac­couche­ment et des poussées
dirigées ? Ce serait un désaveu trop vio­lent pour la pro­fes­sion ? Mais
n’est-ce pas aus­si très vio­lent pour toutes les femmes qui
vont con­tin­uer à servir de cobayes ? Il est fort prob­a­ble que si
une étude ran­domisée de grande enver­gure, étu­di­ant les effets de
l’épi­siotomie sur un périnée “prêt à se rompre”, était pro­posée,
elle soulèverait les foudres des comités d’éthique. Mais per­son­ne ne
sem­ble imag­in­er un seul instant qu’u­tilis­er toute la pop­u­la­tion
des mères d’un pays depuis des dizaines d’an­nées, et de con­tin­uer
à le faire “dans un pre­mier temps” en le dis­ant ouverte­ment, soit un scandale.

Le Dr. Goffinet nous a donc présen­té des RPC qui essayent
mal­adroite­ment de ménag­er la chèvre et le chou, qui pren­nent en compte
qu’au­cune étude ne parvient à démon­tr­er que l’épi­siotomie prévient les
déchirures graves, tout en con­tin­u­ant à vouloir croire que ça doit être
vrai selon l’avis du prati­cien. Des RPC en équili­bre insta­ble entre
deux chais­es posées sur des sables mou­vants, qui lais­seront tout le
monde déçu, les prati­ciens lais­sés sans indi­ca­tions basées sur des
preuves et seuls respon­s­ables, les femmes réduites à faire une con­fi­ance
aveu­gle et bornée ou à se révolter, le tout ponc­tué du bruit crissant
d’un lap­sus con­ster­nant : “C’est l’ex­péri­ence du clin­i­cien qui lui
per­me­t­tra de trancher.”

Cécile Loup, pour le CIANE

PS: ci-joint pour infor­ma­tion le lien vers une jurispru­dence :
http://naissance.ws/docs/jurisprudence-episiotomie/