Mais y aura-t-il assez de sages-femmes pour se déplacer ?

Julie Whel­don
Sci­ence Cor­re­spon­dent
Dai­ly Mail, 15 mai 2006, pages 1, 8–9.

Voir arti­cle original

Le NHS peut-il vraiment donner le choix ?

« Ce serait un grand changement, très populaire. »

(NHS = Nation­al Health Ser­vice= Ser­vice de la San­té Nation­al au Royaume-Uni)

Les femmes souhai­tant accouch­er à la mai­son seraient totale­ment encour­agées par les plans du gou­verne­ment pour réformer la poli­tique prénatale.

Les min­istres veu­lent s’é­carter de l’idée com­muné­ment admise que l’hôpi­tal est tou­jours le lieu le plus sûr pour accoucher. 

Actuelle­ment, les femmes qui désirent accouch­er chez elles doivent faire face à l’hos­til­ité du corps médi­cal, spé­ciale­ment lorsqu’elles sont prim­i­pares [enceintes de leur pre­mier bébé]. 

Mais avec cette nou­velle approche, l’ac­couche­ment à la mai­son ne serait plus con­sid­éré comme une excep­tion à la règle. 

Bien que les femmes aient déjà théorique­ment le droit de deman­der au NHS une nais­sance à la mai­son, en pra­tique, beau­coup trou­vent des obsta­cles sur leur chemin. Une source du Min­istère de la san­té a annon­cé hier soir que per­me­t­tre plus de nais­sances à domi­cile représen­terait un change­ment sig­ni­fi­catif dans le domaine de la maternité.

La Secré­taire d’État à la San­té, Patri­cia Hewitt, elle-même mère de deux enfants, a com­mandé un rap­port pour exam­in­er les dernières con­nais­sances sur l’accouchement à domi­cile, afin de les ren­dre plus accessibles.

Les par­ti­sans de l’ac­couche­ment à domi­cile con­sid­èrent la nou­velle comme un impor­tant pas en avant. Mais des cri­tiques ont aver­ti que la pénurie actuelle de sage-femmes ne per­me­t­trait pas de don­ner un tel choix à toutes les femmes enceintes.

La semaine dernière encore, le Roy­al Col­lege of Mid­wives [Col­lège roy­al des sages-femmes] a prévenu que la moitié des cen­tres médi­caux, alour­dis par la dette, ne rem­pla­cent pas les sages-femmes qui quit­tent le NHS.

Don­ner nais­sance à l’hôpi­tal est pour­tant une habi­tude rel­a­tive­ment récente. Jusqu’en 1955, le tiers des bébés nés de cou­ples mar­iés nais­saient à la mai­son. Après 1975, ce chiffre s’est réduit à seule­ment 3.3 pour cent.

Les dernières don­nées disponibles mon­trent qu’en 2004, plus de 15 000 bébés sont nés à la mai­son au Roy­aume-Uni, ce qui sig­ni­fie une aug­men­ta­tion de 7% par rap­port à l’an­née précédente.

Mal­gré tout, cela représente tout juste 2% des 716 000 nais­sances annuelles au Royaume-Uni. 

Les par­ti­sans de l’ac­couche­ment à domi­cile pensent que les femmes ont à affron­ter une sorte de « loterie du code postal » pour savoir si elles pour­ront accouch­er à la mai­son ou à l’hôpital.

En effet, dans beau­coup de régions, le manque de sage-femmes restreint leur choix. Bien que les mères enceintes aient le droit de choisir l’ac­couche­ment à domi­cile, elles trou­vent sou­vent des cen­tres médi­caux sans moyens, avec un per­son­nel réduit, qui ne peu­vent pas fournir le ser­vice dont elles auraient besoin.

La plu­part des mères prim­i­pares sont découragées d’ac­couch­er à la mai­son par les équipes médi­cales qui leur font crain­dre de ne pas pou­voir se pass­er de péridu­rale ou leur dis­ent qu’elles prendraient des risques pour la san­té de leur bébé si elles n’ont pas une équipe médi­cale sous la main.

Les femmes qui ont déjà vécu un pre­mier accouche­ment sans com­pli­ca­tions ont générale­ment plus con­fi­ance pour deman­der un accouche­ment à domicile.

Dans la plu­part des hôpi­taux publics, une sage-femme sera respon­s­able de deux à trois par­turi­entes en même temps.
Au cours d’une nais­sance à la mai­son, cepen­dant, le « une pour une » est garan­ti. Mais on estime que le min­istère de la san­té devrait avoir 10 000 sages-femmes de plus pour que ce soit pos­si­ble pour toutes les femmes. 

Les nais­sances à domi­cile don­nent plus de lib­erté de mou­ve­ment aux femmes, ce qui réduit les risques d’in­ter­ven­tion, comme les for­ceps, pour sor­tir le bébé. La femme est égale­ment plus déten­due dans son pro­pre envi­ron­nement. Cela con­duit sou­vent à un temps de tra­vail plus court. 

Cepen­dant, celles qui accouchent à la mai­son ne peu­vent pas recevoir les médica­ments les plus effi­caces con­tre la douleur ou une péridu­rale. L’ac­cès à la chirurgie en cas d’ur­gence est égale­ment compromis.

Dans une étude, 4 prim­i­pares sur 10 ont dû être trans­férées à l’hôpi­tal avant la fin de l’accouchement. Une mul­ti­pare sur 10 est égale­ment trans­féré een cours de travail.

Le Nation­al Child­birth Trust [asso­ci­a­tion] dit que l’on décourage sou­vent les femmes d’avoir recours à l’ac­couche­ment à domi­cile, même lorsque cela sem­ble la meilleure option pour elles. 

La prési­dente [de l’association NCT] Belin­da Phipps dit que plus de sou­tien du gou­verne­ment mod­i­fierait le point de vue apparu dans les années 1970 — et basé sur des don­nées sta­tis­tiques dou­teuses — que les nais­sances à domi­cile sont dangereuses. 

« Ce serait un grand pas en avant et un change­ment sig­ni­fi­catif » dit-elle. « Ce serait très populaire. »

Elle dit que le gou­verne­ment devrait pour cela recruter plus de sages-femmes, inciter celles qui ont arrêté à rejoin­dre de nou­veau la pro­fes­sion, et s’at­ta­quer au prob­lème des dirigeants du NHS qui sont sou­vent con­va­in­cus à tort que l’ac­couche­ment à domi­cile n’est pas sûr. 

« Il fau­dra du temps pour que cela com­mence à chang­er, mais ce sera le tra­vail d’or­gan­i­sa­tions comme la nôtre d’être sur le qui-vive pour être sûr que cela se produise. »

Le porte parole (con­ser­va­teur ) en charge des ques­tions de san­té Andrew Lans­ley a demandé com­ment le Min­istère de la San­té pour­rait sub­venir à une demande sup­plé­men­taire de nais­sances à la maison.

Il pré­cise qu’au moins les trois quarts des mater­nités sont en manque de per­son­nel. Dans cer­taines régions, le nom­bre de vis­ites à la mai­son que les sage-femmes peu­vent effectuer est en baisse constante.

Il pense que la Secré­taire d’État à la San­té Patri­cia Hewitt vit dans un monde irréel ; s’il n’y a pas assez de sages-femmes, le change­ment ne se pro­duira jamais. 

« Au lieu de con­seiller plus d’ini­tia­tive, elle devrait per­me­t­tre ce qui a été la règle pen­dant des décen­nies, à savoir don­ner un vrai choix aux femmes. »

Une porte parole du Min­istère de la San­té a dit : « Nous nous devons d’of­frir à toutes les femmes le choix du lieu où elles don­nent nais­sance, et de les informer sur les pos­si­bil­ités pour soulager la douleur. »

Elle a rap­pelé que le gou­verne­ment avait exprimé son engage­ment sur la pri­mauté du choix dans les ser­vices de mater­nité, dans son man­i­feste de 2005, à tra­vers son Nation­al Ser­vice Frame­works [équiv­a­lent du Plan Péri­na­tal­ité en France], et dans un récent Livre Blanc.

&laquo
; Tous ces ser­vices seront offerts dans le con­texte de ce qui est sûr et clin­ique­ment appro­prié pour chaque femme », dit-elle.

Elle pré­cise que le Min­istère de la San­té a 2500 sages-femmes de plus qu’en 1997.

Le nom­bre d’é­tu­di­ants qui entrent dans la pro­fes­sion a aug­men­té de 41% dans la même période.

j.wheldon(arobase)dailymail.co.uk

Donc l’accouchement à domicile était-il la meilleure option pour ces deux mères ?

OUI

Dar­ja Bran­den­burg-Anto­ry, 32 ans, est psy­cho­logue. Elle vit à Coven­try avec son mari David, sa fille Dewi, 2 ans, et son fils Damai, 3 mois. Elle dit :

J’ai accouché de mon pre­mier enfant à l’hôpital, et bien que je n’aie pas eu une mau­vaise expéri­ence, je n’ai pas aimé l’environnement hos­pi­tal­ier déshumanisé.

Les gens s’inquiètent sou­vent, pensent que si quelque chose va mal le bébé sera en dan­ger si on n’est pas à l’hôpital.

Si vous habitez loin d’un hôpi­tal c’est un point à con­sid­ér­er, mais du moment que vous avez une sage-femme avec vous il ne devrait pas y avoir de problème.

Elle pour­ra repér­er tout inci­dent bien avant qu’il ne devi­enne un dan­ger mor­tel, ce qui veut dire que vous avez tout le temps d’appeler une ambu­lance. Bien sûr il y a des risques, mais faire des enfants com­porte des risques, quel que soit l’endroit où le bébé naît.

Mon mari aus­si pense que c’est le meilleur choix parce que tout l’équipement néces­saire, comme les mon­i­tor­ings, peut être util­isé à la mai­son. Il voulait être sûr que le bébé et moi soyons en sécurité.

La seule chose que vous ne pou­vez pas avoir sont les médica­ments anti-douleurs comme la péthi­dine ou la péridu­rale, et si vous avez besoin d’une inter­ven­tion chirur­gi­cale comme une césari­enne, vous devrez aller à l’hôpital.

Je suis entré en tra­vail à […] semaines le 29 jan­vi­er de cette année. Nous avons tout de suite pré­paré la mai­son pour la nais­sance, rem­pli une piscine d’accouchement, pro­tégé le sol avec des plas­tiques et allumé des chan­delles d’aromathérapie pour m’aider à me relaxer.

J’ai per­du les eaux dans la soirée et pen­dant les 12 heures qui ont suivi les con­trac­tions étaient légères. Le jour suiv­ant j’ai pu aller me promen­er et j’ai pris un bon petit déje­uner avec mon mari et ma fille Dewi. Il n’y avait aucune sen­sa­tion de stress ou de panique.

David et moi voulions que Dewi reste présente. Je lui avais expliqué ce qui allait se pass­er et elle était très excitée par l’événement.

La nais­sance d’un bébé est un événe­ment extra­or­di­naire, et naturel, que les enfants devraient avoir le droit de voir. Il n’y a pas de raisons pour qu’ils restent en dehors.

Dewi a adoré être là. Elle n’a pas vu le bébé sor­tir mais elle est restée dans la pièce tout le temps, entourée de mon amie et de mon mari, pen­dant que la sage-femme s’occupait de moi.

Comme pour mon pre­mier enfant je n’ai pas eu de ter­ri­bles douleurs et l’accouchement a été facile. A 13h30 j’ai don­né nais­sance à un petit garçon en pleine forme, Damai, qui pesait 6lb 4oz (2 kg 900).

J’ai util­isé du gaz (hila­rant) et de l’oxygène, mais je n’ai pas eu besoin de médica­ments anti-douleur. Ma sage-femme m’a dit que c’était un accouche­ment comme dans un livre de cours.

J’étais beau­coup plus déten­due que lors de mon pre­mier accouche­ment, pen­dant le tra­vail, en par­tie parce que je savais à quoi m’attendre mais aus­si parce que j’étais à la maison.

La sage-femme m’a fait couler un bain et ensuite on a ouvert une bouteille de cham­pagne et nous avons célébré notre nou­veau venu, assis sur le divan.

Nous sommes restés assis là des heures à le pren­dre dans nos bras, et c’était mer­veilleux de pou­voir couch­er le bébé directe­ment dans son pro­pre lit. C’était un jour parfait.

NON

Angela Howard, 34 ans, mère au foy­er à Lon­dres. Elle vit avec son com­pagnon Col­in, 34 ans, entre­pre­neur, et leur fils Luca, 20 mois. Elle dit :

Un accouche­ment à domi­cile ressem­blait à la manière par­faite de met­tre au monde mon pre­mier enfant. Je pen­sais qu’il serait bien plus tran­quil­lisant de l’avoir dans le con­fort de ma mai­son que dans un hôpi­tal, qui m’a tou­jours sem­blé un envi­ron­nement non naturel.

Mon com­pagnon et moi avions pesé les pour et les con­tre d’un accouche­ment à domicile.

Notre prin­ci­pale préoc­cu­pa­tion était de savoir ce qu’il se passerait si quelque chose allait de tra­vers, mais notre hôpi­tal local est à quelques rues d’ici, nous savions que si il y avait une com­pli­ca­tion nous pour­rions nous y ren­dre rapidement.

Après avoir con­sulté mon général­iste et ma sage femme, j’ai décidé de pren­dre une piscine d’accouchement, mon­tée devant ma porte, parce que l’eau peut aider à soulager la douleur des contractions.

Quand mes con­trac­tions ont com­mencé le jeu­di soir, tout était en place pour que j’aie un par­fait accouche­ment à domicile.

Nous avons appelé la sage-femme, qui est venue immé­di­ate­ment, elle m’a fait un exa­m­en interne. Elle m’a dit que j’étais au tout début du tra­vail et qu’elle repasserait le lendemain.

Au matin je n’en pou­vais plus, mais mes con­trac­tions étaient tou­jours irrégulières, allant de 2 à 7 min­utes d’intervalle, et je n’avais tou­jours pas per­du les eaux.

Quand la sage-femme est repassée à 6 heures mon col était encore à 1 cm de dilatation.

Heureuse­ment j’ai rompu la poche des eaux quelques heures plus tard, mais la douleur était pire.

Si j’avais été à l’hôpital j’aurais pu avoir de la pethi­dine, un dérivé de la mor­phine, pour soulager la douleur, mais on ne peut pas en avoir à la maison.

Tout ce que j’ai eu c’est du gaz (hila­rant) et de l’oxygène, mais après avoir vidé deux car­touch­es de gaz je sup­pli­ais pour quelque chose de plus fort.

Le same­di après-midi j’étais totale­ment épuisée et mon rêve d’accouchement à domi­cile par­fait était détruit.

Emo­tion­nelle­ment j’étais com­plète­ment vidée. Après 48 heures j’étais seule­ment dilatée à 3, je savais qu’il était temps d’aller à l’hôpital. Je pen­sais que j’allais mourir.

Une heure plus tard j’étais à l’hôpital, où ils m’ont fait une péridu­rale, qui m’a per­mis de dormir 2 heures. On m’a aus­si don­né quelque chose qui aide à accélér­er les con­trac­tions. Quand je me suis réveil­lée j’étais prète à pouss­er. J’étais si soulagée de pou­voir enfin en finir.

A 23h56 Luca est né, il pesait 3 kg 400. J’étais heureuse qu’il soit sain et sauf, mais trop fatiguée pour appréci­er ce qui aurait dû être un moment merveilleux.

Deux ans ont passé et je suis encore effrayée par cette expéri­ence. Main­tenant je con­sid­ère sérieuse­ment l’adoption parce que je ne suis pas sure que je pour­rais revivre tout ça.

Traduit de l’anglais par Frédérique Horowitz