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Note de synthèse sur le dépistage de la trisomie 21 à l'intention des membres d'association susceptibles d'avoir à informer des parents sur le sujet

Version du 15 novembre 2010. Fiche préparée par A.Evrard pour les associations du Ciane.

Les dépistages étant susceptibles d'évoluer, la fiche sera tenue à jour sur le site du Ciane. Vérifier la dernière mise à jour avant distribution http://wiki.naissance.asso.fr/index.php/FicheT21

A- Petit rappel sur l'ancien protocole de dépistage de la trisomie: CN et tri-test du 2e trimestre.

Le dépistage officiel de la T21 reposait jusqu'au décret de juin 2009 sur deux volets, dans la réalité rarement mis en lien entre eux.

Dans un premier temps, la mesure de la clarté nucale (CN), mise en regard avec la longueur cranio caudale (LCC), deux mesures réalisées lors de l'échographie du premier trimestre. La limite de valeur normale évolue entre 2,7 et 3mm, selon la taille du fœtus.

Cette valeur seule, lorsqu'elle est au dessus de la norme, amenait (et amène toujours( à proposer une biopsie du trophoblaste (prélèvement d'un très petit fragment du tissu qui entoure la poche amniotique et le foetus) ou une amniocentèse (prélèvement de liquide amniotique) selon les pratiques du médecin ou de l'équipe.

Dans un second temps, une prise de sang était proposée au 2ème trimestre, entre 14 et 17SA) qui permettait d'établir le score des marqueurs sériques du 2e trimestre (ou tri-test).

Lorsque la valeur de la clarté nucale était jugée normale, elle pouvait être retenue pour être ensuite associée au score des marqueurs sériques du 2e trimestre, ce qui permet d'obtenir une estimation plus fine du risque. Mais ce calcul intégré, qui combine la mesure de la clarté nucale et les résultats du tri-test, n'était que très peu fait.

Il faut noter que plusieurs réseaux de santé périnatale avaient étudié la fiabilité des clichés de clarté nucale: une estimation de 50% de mesures réalisées dans des conditions inappropriées était courante, ce qui conduit à autant de mesures non fiables (souvent d'ailleurs surévaluées).

Ce peut être une des raisons (mais pas la seule) pour lesquelles la CN n'a pas été plus utilisée au 2e trimestre, en regard au score du tri-test. De fait, on assistait la plupart du temps à deux dépistages successifs, qui évaluait chacun un risque de T21, et non pas à une combinaison des deux.

B- Les marqueurs sériques du 2e trimestre: comment s'établit un score de risque sur la seule base de valeurs hormonales et de l'âge.

Le tri-test du second trimestre est en fait, la plupart du temps, un bi-test, qui dose deux hormones: l'alphaFoetoProtéine (AFP) et la BHCG libre. La 3e hormone dosable (l'estriol) nécessite une technique complexe sans pour autant apporter d'éléments complémentaires pour l'analyse.

Comme pour tous les tests de dépistage fondés sur l'établissement d'un risque statistique, une fois les valeurs individuelles d'une femme obtenues, elles sont mises en comparaison avec la médiane des valeurs de chacune de ces hormones, dans les grossesses normales et dans les grossesses d'un bébé porteur d'une trisomie 21. Cette valeur médiane est en fait celle qui regroupe, pour les deux groupes de grossesse, le plus grand nombre de femmes. Les résultats individuels sont donc exprimés à la fois en UI/l (mesure brute) et en MoM, c'est-à-dire en éloignement (valeur plus élevée ou plus basse) par rapport à cette médiane. On considère que plus la valeur individuelle s'éloigne de la médiane, en plus ou en moins selon l'hormone mesurée, plus le risque augmente. Notons que la variation des valeurs peut être un indicateur pour d'autres pathologies (voir références en fin de cette note pour plus de précisions). Si une femme obtient un valeur pour une hormone de 2.5 MoM, c'est que sa valeur individuelle sera égale à la valeur médiane multipliée par 2,5. Si elle obtient une valeur de 1, c'est que sa valeur sera égale à celle de la médiane et si elle est de 0,6, c'est que sa valeur sera 0,6 fois plus basse que la médiane.

C'est la combinaison de ces résultats, associés à quelques éléments correctifs (tabagisme maternel, poids de la mère, âge, grossesse multiple..), qui va permettre le calcul du risque. Le résultat obtenu est donc bien un résultat de risque statistique. La grossesse est considérée à risque accru lorsque le risque est supérieur à 1/250 (1/4, ou 1/153 ou 1/249). Notons tout d'abord qu'un risque au dessous de 1/250 (1/300 ou 1/1256 ou 1/10000) n'est pour autant jamais égal à 0. Et précisons surtout que même avec un risque très élevé (1/2), il ne s'agit jamais d'un diagnostic.

Il est aussi important de savoir que le seuil de 1/250 n'a rien d'universel. Selon les choix de santé publique de chaque pays, il peut notablement varier: 1/100, 1/300...ce qui contribue au trouble des parents lorsqu'ils côtoient, sur des forums par exemple, des parents d'autres pays européens. En France, la limite à 1/250 a surtout été fixée pour des questions budgétaires, tout en évitant que le risque de fausse-couche ne soit trop élevé par rapport au risque de trisomie.

C-Fiabilité de ces dépistages

La mesure de la clarté nucale seule permet de détecter en moyenne 60% des T21, bien plus lorsque la mesure est faite par quelqu'un de particulièrement formé, rejoignant alors les performances du tri-test, autour de 75%. Toutefois, si l'on souhaite aider les parents à se positionner par rapport au dépistage, et surtout sur les suites éventuelles du tri-test, on ne peut s'arrêter à ces pourcentages. Les faux-positifs (à savoir le pourcentage de grossesses annoncées à risque accru alors que le bébé n'est pas trisomique) sont un élément très important mais rarement expliqué, pour comprendre les résultats des marqueurs sériques.

Tout d'abord, il faut avoir en tête que les faux-positifs annoncés dans les études médicales sont calculés sur la totalité des grossesses concernées, et non pas seulement sur celles jugées à risque après le dépistage. Sur cette base, le taux de faux positifs pour les marqueurs sériques du second trimestre est de 7%. Si on calcule ces mêmes faux positifs en ne tenant compte que des grossesses avec un risque supérieur à 1/250 (et donc celles pour lesquelles on proposera une amniocentèse), la donne change notablement. On se reportera à l'article de Gofette et Fiori en annexe pour le détail des calculs, mais les résultats sont les suivants :

  • Valeur prédictive positive du test (c'est-à-dire combien de résultats à risque accru le sont vraiment, et donc aboutissent réellement à une trisomie): 0,95% avant 38 ans, 1,06% après. Donc pour 100 tri-tests avec un risque >1/250, en moyenne UN SEUL bébé est atteint de trisomie. On propose l'amniocentèse à 100 femmes quand une seule en a réellement besoin. Les "faux positifs" sont bien sûr incontournables, mais dans le cas du tri-test, cette valeur est particulièrement mauvaise.
  • Valeur prédictive négative (c'est-à-dire combien de résultats considérés comme "non à risque accru" sont fiables et ne conduisent pas à une trisomie non repérée): 99,98% avant 38 ans et 99,94% après. Sachant que le risque 0 ne peut exister, il reste "au pire" 0,06% des bébés trisomiques qui ne sont pas repérés, ce qui est là en revanche un très bon résultat. Nous verrons que dans ce cas, la plupart de ces trisomies sont ensuite repérées par l'échographie.

Ces données ne sont que très rarement expliquées aux parents, qui auraient pourtant grand bénéfice à les connaître. C'est un élément important lorsque le choix d'une amniocentèse se pose, qui permet aussi de relativiser l'annonce de ce risque accru et d'atténuer l'angoisse.

D- Nouvelle organisation du dépistage: instauration du risque combiné

Le dépistage tel qu'il existait jusqu'alors a été un gros pourvoyeur d'amniocentèses. Entre des mesures de clarté nucale souvent peu fiables, et ainsi peu utilisées pour préciser le risque sanguins, et une très faible spécificité des marqueurs sériques, le nombre de grossesses classées à risque accru était très élevés, entrainant ces dernières années une explosion du nombre d'amniocentèses. Le risque de fausse couche inhérent au gest (1/100) a entrainé la perte de bébés en nombre trop important en regard du nombre de trisomie 21 réellement diagnostiqué.

A la demande de professionnels éclairés et du CIANE, l'HAS a mené des recommandations pour une réforme du dépistage, aboutissant au décret de 2009, cadrant la nouvelle organisation de ce dernier. Elle s'articule en deux temps rapprochés:

-mesure de la clarté nucale (CN) et de la longueur crano-caudale (LCC) à l'échographie des 12SA, qui établit alors un risque spécifique à ces données. Cette échographie doit être faite par un échographiste agréé, détenant un numéro d'identification délivré par le réseau de santé périnatal auquel il adhère. cette identification certifie qu'il est engagé dans une démarche de qualité et d'amélioration de sa pratique, fondée sur une formation reconnue.

-dans les jours suivant l'échographie, et avant 13SA+6 jours, prise de sang en vue de mesurer les valeurs des hormones BHCG libre et PAPP-A.

Le score de risque ensuite rendu à la femme enceinte résulte alors d'une combinaison des données échographiques et sanguines. Notons que le seuil de 1/250 pour la proposition d'un prélèvement n'a pas changé. Si l'échographie a elle seule indique un risque supérieur à ce seuil, on peut bien sûr accéder à une biopsie sans passer par les marqueurs sanguins.

L'intérêt de ce nouveau dépistage est double: une plus grande spécificité permet de réduire notablement le nombre de grossesse qui seront au final classé à risque accru et le nombre de "faux positifs" est lui aussi diminué. On considère en effet que si avec les seuls marqueurs sériques du 2e trimestre, on diagnostiquait 1 trisomie 21 pour 100 à 120 amniocentèses proposées, on compte une trisomie diagnostiquée pour 30 amniocentèses proposées.

Précisons enfin que si une femme n'avait pu faire dans les temps l'échographie des 12SA ou la prise de sang du 1er trimestre ou les deux, le recours aux marqueurs sériques du 2e trimestre, combiné ou non selon les situations avec les mesures de CN et de LCC, est toujours possible.

E-La biopsie ou l'amniocentèse, seule proposition après un tri-test à risque accru ?

Dans la très large majorité des cas, seul un prélèvement, rapidement programmé, est proposé aux parents. Pourtant, d'autres possibilités existent. Il faut déjà rappeler que si la biopsie ne peut se faire après 13SA au plus tard, le prélèvement de liquide amniotique peut être réalisé à tous les stades de la grossesse: il n'y a donc pas d'urgence à décider d'un rendez-vous (malheureusement, les médecins suggèrent parfois que l'amniocentèse doit se réaliser au plus vite, laissant peu de temps aux parents pour une réflexion plus approfondie). Il est utile d'expliquer aussi l'intérêt d'un suivi échographique de qualité : seule 2 à 3% des T21 échappent aux trois échographies de grossesses, à condition d'être faites par un échographiste de qualité, si possible référent en diagnostic prénatal.

On peut donc évoquer avec une femme enceinte ayant un risque supérieur à 1/250, particulièrement si elle s'interroge sur l'intérêt de l'amniocentèse ou si ce prélèvement l'inquiète, le recours à un échographiste référent (dont elle aura les coordonnées auprès de sa maternité ou du CHU le plus proche) et de ne décider une amniocentèse qu'après une échographie morphologique poussée au 5e mois. Notons que certains centres proposent à ces femmes une échographie spécifique, appelée « génétic scan », à 18SA qui donne déjà de bons indicateurs sur l'existence ou non de signes d'appel de la trisomie. Il est certain que chez un couple où la décision d'interruption médicale de la grossesse (IMG) en cas de trisomie 21 est ferme et certaine, cette solution sera rarement envisagée par les parents, qui souhaitent rarement prolonger une grossesse lorsqu'ils sont certains de ne pas vouloir la mener à terme si leur bébé est porteur de trisomie. Ces parents préfèrent la très large majorité du temps une IMG précoce et donc un diagnostic le plus rapide possible. Parenthèse au passage, bien que ce ne soit pas le sujet de cette fiche: l'idée couramment répandue qu'une interruption médicale de la grossesse (IMG) précoce est plus facile n'est pas probante. Il me semble plutôt que l'on a tendance à minorer l'impact d'une IMG précoce, se rassurant du fait que la mère ne sent pas son bébé bouger ou que la grossesse n'est pas "socialement reconnue".

Cela dit, je remarque que celles qui jugent cette solution intéressante et adaptée à leurs situations sont en nombre non négligeables, même si elles savent qu'un petit pourcentage de trisomies peut ne pas être repéré. Souvent ces femmes et leurs conjoints trouvent là la possibilité de réfléchir plus tranquillement à leur choix d'avenir pour leur bébé. On constate d'ailleurs que certains parents s'orientent volontairement vers des amniocentèses tardives, après le terme de la grande prématurité. Tous les centres n'acceptent pas cette possibilité, mais certains l'organisent sérieusement, en prévoyant même le protocole de corticoïdes au préalable pour la maturation des poumons du bébé, en cas d'accouchement prématuré.

Notons que dans ce cas, des résultats partiels sont donnés en 48h par utilisation de la méthode FISH (technique de colorimétrie spécifique de certaines paires de chromosomes, permettant de visualiser avant mise en culture les trisomies éventuelles sur ces seules paires), ce qui limite considérablement le risque de naissance avant de connaître la réalité de la situation. Je constate par ailleurs que parmi ces parents, rares sont ceux définitivement décidés à recourir à l'IMG en cas de T21. En demandant du temps avant le prélèvement, ils se permettent le plus souvent le temps du dialogue intérieur, du dialogue dans le couple et de l'élaboration à leur rythme de leur position quant à l'avenir de leur enfant. Ce choix est parfois farouchement refusé par certains médecins, arguant clairement d'un risque médico-légal majoré en cas de naissance d'un enfant trisomique avant l'arrivée des résultats. Ces parents m'apparaissent pourtant particulièrement cohérents et responsables, très conscients des prolongements éventuels de leur choix.

On retiendra donc que face à un parcours souvent tracé d'avance, il y a un grand intérêt à faire connaître la réalité des possibilités existantes. Nous devons toujours avoir à l'esprit que l'enjeu est que chaque mère, chaque père puisse exercer sa responsabilité de parent dès le suivi de la grossesse, en élaborant les solutions qui lui paraissent les plus adaptés à ses valeurs et à ses choix. C'est bien en fournissant une information complète et de qualité, qui fait encore parfois défaut dans le cadre de ce dépistage, que nous aiderons les parents sur cette voie.

F-Les dérives éthiques ne se résolvent pas seulement par une technique plus performante

On a pu constater nombre de dérives éthiques dans le cadre du dépistage de la trisomie 21, particulièrement l'atteinte à l'autonomie et au principe de responsabilité des parents. Le défaut d'information enferme de fait les parents dans un « non-choix » et un parcours prévu par avance, sans délai ni possibilité de réflexion. En l'absence d'alternative, ils ne peuvent construire leur propre parcours conforme à leurs valeurs et leurs enjeux. Lorsqu'un soignant semble privilégier une solution, se permet d'exprimer ses valeurs personnelles de façon péremptoire, remet en cause la pertinence d'un choix des parents, il ne reconnaît pas leur responsabilité et leurs compétences dans les décisions pour l'avenir de leur bébé. Le principe de bienveillance, lui aussi, n'est pas toujours respecté. Outre la violence de certains jugements directs, la négligence des valeurs des parents, de leurs ressentis, de leurs interrogations et du temps indispensable à l'élaboration de leurs choix, constituent une agression. Pour plus de précisions sur le sujet, on se reportera au texte « Dépistage de la T21- Les interrogations des parents » en annexe.

Le dépistage combiné du premier trimestre est bien une vraie avancée, puisqu'on peut envisager une diminution du recours aux prélèvements amniotiques, donc une diminution du nombre de fausses-couches induites, et une réduction du nombre de parents concernés par des doutes et des angoisses majeures sur l'état de leur enfant. Toutefois, cette évolution technique ne préjuge en rien de l'avancée des comportements en matière d'éthique. Pour que de réelles évolutions voient le jour, il est indispensable de réaffirmer l'importance d'un parcours respectueux des valeurs de chaque femme, de chaque couple concerné par ce dépistage. Ce qui signifie reconnaître le temps et le cheminement nécessaire à chaque parent pour élaborer et poser, selon ce qui lui essentiel, les choix concernant son bébé. Il me semble que nos associations ont un rôle crucial à jouer sur ce terrain, tant pour compléter les informations défaillantes et soutenir les parents, que pour interpeller les professionnels sur l'impact effectif de ce dépistage et de son organisation actuelle. Notons qu'une fiche d'information nationale est en cours d'élaboration au sein d'un groupe de travail mixte professionnels et usagers.

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Modif. November 17, 2010, at 10:19 PM<br />(:addThis username="xa-4b5388e32c732dfe" btn="lg-share":)

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