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ÉDITORIAL: Accoucher aux Pays-Bas : un must ?
''Delivering in The Netherlands: A must? DOI 10.1016/j.jgyn.2008.08.006

J. Nizard

Editorial. Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction (2008) 37, 634-636.
DOI : 10.1016/j.jgyn.2008.08.006

Le débat sur le lieu d'accouchement des femmes en France repose le plus souvent sur des arguments de comparaisons avec ce qui se passe chez nos voisins et, principalement, aux Pays-Bas. Hors, peu de gens connaissent vraiment les indicateurs de santé en périnatalité en dehors de nos frontières, et lorsqu'il est temps de s'appuyer sur des chiffres, ressortent de vielles notions maintenant révolues.

Afin de mieux comprendre comment l'obstétrique française se compare à celle de nos voisins, il faut commencer par comprendre les systèmes d'organisation des soins périnataux et le rôle que chaque professionnel joue dans le suivi de la grossesse et la prise en charge de l'accouchement et des suites de couches.

Le système d'organisation des soins périnataux aux Pays-Bas

Le système néerlandais se caractérise non pas par ses accouchements à domicile, d'autres pays nordiques et la Grande-Bretagne les pratiquent également, mais par la quasi-absence de sages-femmes à l'hôpital. En effet, les spécialistes travaillent à l'hôpital (il n'y a quasiment pas de médecine libérale en obstétrique) et les sages-femmes en ville.

Une évaluation du risque de la grossesse et de l'accouchement est réalisée en début de grossesse. Si la grossesse est considérée comme « à bas risque », la femme ne sera suivie que par la sage-femme en ville et ne pourra pas voir de médecin spécialiste. Ainsi, les gynécologues obstétriciens ne suivent pas les femmes présentant des grossesses à bas risque. Quinze pour cent des grossesses sont donc d'emblée orienté vers l'hôpital. Cette organisation a entraîné une très forte autonomisation des deux catégories de professionnels. Le système des accouchements à domicile aux Pays-Bas repose sur la forte autonomie des sagesfemmes, les courtes distances entre le domicile et l'hôpital, et le fait que les femmes néerlandaises accouchent sans anesthésie péridurale. Mais les choses changent et le pays doit réorganiser sa prise en charge des femmes enceintes et de l'accouchement.

L'accouchement à l'hôpital

Tous les accouchements à l'hôpital sont donc réalisés par des médecins spécialistes. Ceux-ci peuvent employer, sous leur responsabilité, des internes ou très rarement des sagesfemmes. Ainsi, ce sont le plus souvent des internes, en spécialité ou indifférenciés, qui réalisent les accouchements. Cela représente une telle charge de travail qu'il est le plus souvent nécessaire de fonctionner avec un système de rotation où les internes changent toutes les huit heures. Rappelons qu'il n'y a pas de « petite » maternité au Pays-Bas et que le spécialiste de garde est rarement sur place, même pour des maternités de 3000 à 4000 accouchements par an. L'interne peut ainsi se sentir bien seul et la prise en charge urgente être suboptimale.

L'accouchement à domicile

Les accouchements à la maison ont régulièrement diminué pour se stabiliser à moins de 30 % depuis dix ans (Fig. 1).

Il y a une très forte incitation à accoucher à domicile aux Pays-Bas. Cette incitation est sociale et économique. Socialement, l'accouchement à l'hôpital est souvent vécu comme un échec. Culturellement, on accouche à la maison avec sa sage-femme ou son médecin généraliste. Accoucher à l'hôpital n'est pas vécu comme la recherche d'une sécurité mais comme une incapacité à accoucher à la maison. Puis, la raison économique, cachée et discrète complète le tableau. Le système de couverture sociale est basé sur des assurances privées si vos moyens le permettent. Les assurés souscrivent des contrats où chaque clause est négociée et celle de la prise en charge de la grossesse est une clause importante. En effet, il coûte beaucoup moins cher d'accoucher à la maison. Rappelons que la prise en charge des accouchements à bas risque ne comprenait aucune échographie de dépistage, pour des raisons en partie économique1. En contrepartie, les assurances privées payent l'aide ménagère après l'accouchement, ce dont nous rêvons tous en France pour nos accouchées.

Il est cependant possible d'accoucher avec la sage-femme à l'hôpital. Il faut alors « louer » la salle d'accouchement. L'accès à cette salle d'accouchement n'est le plus souvent possible que lorsque le travail est avancé, avec souvent une dilatation cervicale d'au moins à 5 cm. Le travail devra donc débuter à domicile et la sagefemme décidera du moment opportun pour aller à l'hôpital. Après l'accouchement, la femme quittera rapidement la salle qu'elle a louée. L'anesthésie péridurale est également quasiment inexistante, car ce service n'est pas proposé aux femmes qui accouchement avec leur sage-femme.

Les transferts en cours de travail sont les situations les plus redoutées, avec risque de décès perpartum et néonatal de 1,07 %. On estime que 49 % des primipares et 17 % des multipares, soit au total un tiers des femmes, vont être transférées au cours du travail ou du postpartum dans un niveau de soin supérieur. Ainsi, sur l'ensemble des femmes enceintes, la probabilité d'accoucher de son premier enfant à domicile avec une sage-femme est d'un peu plus de 10 %. Cette probabilité est plus élevée chez les multipares.

Avec un tel système, c'est finalement la femme enceinte qui n'a pas le droit de choisir. Elle ne peut quasiment pas choisir son lieu d'accouchement. Elle ne peut pas choisir le type de professionnel qui va suivre sa grossesse et l'accoucher. Elle ne peut pas choisir une analgésie. Les Néerlandais sont en train de se rendre compte que la femme enceinte n'a pas le droit à la parole et aucun choix. Une réflexion est actuellement menée qui devrait permettre à la patiente de pouvoir exprimer son souhait d'être soulagée par des antalgiques, mais ils n'en sont pas encore à parler du choix de l'anesthésie péridurale, car si la demande se généralisait, tout le système des accouchements à domicile capoterait.

« Sécurité » du suivi de grossesse et de l'accouchement

Les transferts non urgents sont réalisés par la famille et ceux en urgence par ambulance. Le délai moyen entre l'appel de l'ambulance et l'arrivée à l'hôpital est de 45 minutes. Ce délai est considéré comme raisonnable aux Pays-Bas puisque les obstétriciens de garde ne sont pas sur place. Ils doivent donc se déplacer et mettent du temps à le faire.

La qualité des soins périnataux aux Pays-Bas

Il y a un réel changement depuis une dizaine d'années aux Pays-Bas. Les indicateurs de santé périnatale se sont détériorés, alors que ceux de la plupart des pays européens continuent de s'améliorer. C'est ainsi que les courbes de mortalité périnatale de la France et des Pays-Bas se sont croisées à la fin des années 1990 avec une stagnation de la mortalité périnatale aux Pays-Bas (Tableau 1).

Il est classique de mettre en question le recueil des données et les définitions utilisées par chaque pays, mais la situation a suffisamment inquiété les autorités de santé pour que de nombreux travaux aient été réalisés pour expliquer ce changement, car la stagnation de la mortalité périnatale s'accompagne d'une augmentation des accouchements à l'hôpital...

Les résultats de ces travaux montrent que cette dégradation de la mortalité périnatale pourrait être liée à l'évolution de la population néerlandaise, avec une augmentation des femmes provenant d'autres pays que ceux du nord de l'Europe, une augmentation de l'âge des parturientes, l'augmentation des grossesses multiples, ainsi que la persistance d'un tabagisme maternel. On observe également une diminution de suivi de la grossesse.

À titre d'exemple, les femmes d'origine autre que nordeuropéenne sont plus à risque d'anémie au cours de la grossesse et elles ont un risque 24 fois plus élevé d'être transférées pour accoucher à l'hôpital.

Où va la France ?

Les efforts faits par l'ensemble des professionnels en France ont été rentables puisque nous avons amélioré la santé périnatale. L'augmentation du nombre d'accouchements par site, l'amélioration et l'harmonisation de la formation de l'ensemble des professionnels de la santé périnatale et la standardisation des pratiques ont permis d'abaisser la mortalité périnatale en France, en dessous de celle des Pays-Bas.

Il peut donc paraître étonnant que surgisse en force le débat sur l'accouchement à domicile en ce moment. Pour le professionnel que je suis, qui a travaillé dans les deux systèmes, le système français permet le meilleur des deux mondes, avec une prise en charge intégrale par une sage-femme des grossesses à bas risque, avant, pendant et après l'accouchement, tout en bénéficiant immédiatement de la compétence d'un spécialiste en gynécologie obstétrique, en pédiatrie, en anesthésiste réanimation présent sur place en cas de nécessité. Il nous reste à améliorer notre prise en charge, notre accompagnement et la diversité de l'offre de soins dans nos milieux hospitaliers en laissant l'espace nécessaire à un travail de sage-femme de qualité.

Le débat français actuel sur le lieu d'accouchement me semble être le reflet d'une mauvaise relation entre certaines sages-femmes et certains gynécologues obstétriciens plus qu'une nécessité. Le simple débat sur la localisation des maisons de naissance, dans l'enceinte de l'hôpital ou juste à côté, est absurde. Pourquoi les sages-femmes ont-elles peur de cette proximité ? Craignent-elles pour leur autonomie ? En quoi la structure hospitalière et les médecins représentent-ils un frein au suivi global de leurs patientes ?

N'allons pas prouver que nous pouvons faire encore moins bien que les Pays-Bas.

Il n'y a aucune raison de détruire ce que nous bâtissons tous avec efforts et qui est en train de porter ses fruits. De moins en moins de femmes, de foetus et de nouveaunés meurent tous les ans en France. Que les protagonistes rangent leurs armes et se mettent à travailler ensemble avec un espace physiologique pour les grossesses à bas risque, ouvert aussi aux sages-femmes libérales, avec la possibilité en cas de besoin du recours aux médecins en traversant le couloir.

La définition de la mortalité périnatale a changé avec les années, ce qui peut faire varier les chiffres en fonction des sources (modes de calcul, source des recueils de données...). Les chiffres donnés dans ce tableau (Tableau 1) sont basés sur les mêmes définitions par période de mesure. Les chiffres de 2004 sont arrondis à l'unité car ils proviennent de l'OMS.

Pour en savoir plus

  • Jans SM, Daemers DO, de Vos R, Lagro-Jansen AL. Are pregnant women of non-Northern European descent more anaemic than women of Northern European descent ? A study into the prevalence of anaemia in pregnant women in Amsterdam. Midwifery 2008;3.
  • Anthony S, Amelink-Verburg MP, Jacobusse GW, van der Palde- Bruin KM. De thuisbevalling in Nederland 1995-2002. dans St Perinatale Registratie Nederland en TNO Kwaliteit van leven; 2005, Leiden, The Netherlands.
  • Garssen J, van der Meulen A. Perinatal mortality in the Netherlands. Backgrounds of a worsening international ranking. Demographic Res 2004;11:357-94. Available at http://www.demographic-research.org/volumes/vol11/13/11-13.pdf (site accédé le 20 août 2008).

J. Nizard

Service de gynécologie obstétrique et biologie de la reproduction, CHI de Poissy-St-Germain-en-Laye, 10, rue du Champ-Gaillard, 78300 Poissy, France

Disponible sur Internet le 5 octobre 2008

Réponse du Ciane (publié mai 2009 DOI 10.1016/j.jgyn.2009.03.002)

Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction Volume 38, numéro 4 pages 347-349 (juin 2009) Doi : 10.1016/j.jgyn.2009.03.002

Le Collectif interassociatif autour de la naissance (Ciane) est un collectif d’associations concernées par la périnatalité et agréé pour représenter les usagers dans le système de santé français.

Nous avons pris connaissance avec intérêt de l’éditorial de J. Nizard paru dans le Journal de gynécologie obstétrique et biologie de la reproduction [1]. Nous sommes en accord avec la description du système de santé néerlandais et de ses résultats mais en désaccord avec l’utilisation qui est faite de ces données pour déclarer non souhaitable une évolution du système français qui intégrerait les accouchements à domicile, les maisons de naissance non attenantes et accorderait davantage d’autonomie aux sages-femmes.

Nos désaccords portent sur plusieurs points suivants.

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La stagnation de la mortalité périnatale constatée aux Pays-Bas et les accouchements hors hôpital

Il est souligné dans l’éditorial que la stagnation de la mortalité périnatale constatée aux Pays-Bas, en dépit de l’augmentation de la part de naissances à l’hôpital, semble être liée à l’augmentation de l’âge des parturientes, des grossesses multiples et à la persistance du tabagisme maternel. Les sources utilisées pour l’article (Garssen J et al. [2], Anthony S et al. [3]) notent aussi l’augmentation de la population immigrée non occidentale et un article néerlandais récent [4] met en cause l’organisation des soins qui débouche sur un risque de mortalité accru en hôpital en dehors des heures de bureau.

Les accouchements à domicile ne sont pas identifiés comme la cause de la stagnation de la mortalité périnatale aux Pays-Bas ; pourtant l’auteur de l’éditorial s’étonne des débats français actuels, notamment autour de l’accouchement à domicile. L’expression utilisée « N’allons pas prouver que nous pouvons faire encore moins bien que les Pays-Bas » peut laisser croire à des lecteurs insuffisamment attentifs qu’il existerait un lien de cause à effet entre les accouchements hors hôpital et l’augmentation de la mortalité périnatale. Nous regrettons que l’auteur ait succombé à une telle rhétorique, car les données néerlandaises n’autorisent pas à tirer de conclusion sur l’irrecevabilité de la demande faite par des couples français d’accoucher à domicile.

La leçon que nous tirons, nous, usagers, du modèle néerlandais, c’est que l’accouchement à domicile pour des grossesses sélectionnées, organisé et adossé à un système de soins moderne, n’est pas une aberration en soi sur le plan de la sécurité. Notre proposition d’intégrer cette possibilité au système de soins français est une demande pragmatique découlant du souhait de certaines familles. En aucun cas nous ne suggérons que l’accouchement à domicile devienne une nouvelle norme.

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Les critères économiques et l’organisation actuelle du système néerlandais

Il est mentionné, dans l’éditorial, que l’organisation actuelle du système néerlandais est sous-tendue, entre autres, par des impératifs économiques. En tant qu’usagers, nous considérerions inacceptable que les choix de santé publique soient déterminés exclusivement par des critères économiques. Cela n’implique pas pour autant qu’il faille d’emblée rejeter une proposition sous prétexte qu’elle génère des économies. La qualité des soins, dans le domaine des grossesses et accouchements physiologiques, ne rime pas nécessairement avec une prise en charge technique et coûteuse. Au Royaume-Uni, l’accouchement à domicile est désormais intégré dans le système de soins : décision d’ordre économique mais aussi décision en réponse à la demande d’une partie de la population et basée sur le « Consensus sur la naissance normale », un texte élaboré conjointement par les associations d’usagers et les organisations professionnelles, à partir des données de la médecine factuelle.

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Les tentatives d’importer le modèle néerlandais en France

L’éditorial exprime une mise en garde contre des tentatives d’importer le modèle néerlandais en France et nous sommes d’accord avec cela, car le système français doit évoluer en tenant compte des demandes des usagers et des possibilités des professionnels. S’il est souligné, dans l’éditorial, que les Néerlandaises n’ont pas le choix, nous tenons à signaler que les Françaises ne sont pas aujourd’hui dans une situation plus enviable.

Le choix entre la maison ou l’hôpital

Une femme néerlandaise ayant une grossesse normale ne peut pas choisir d’emblée l’accouchement médicalisé à l’hôpital mais elle peut venir accoucher à l’hôpital avec sa sage-femme, dans des conditions analogues à celles du domicile (pas d’interventions, un suivi médical discret). Toute femme peut être transférée en cours d’accouchement dans le système « médicalisé » et la demande d’analgésie fait partie des indications légitimes de ces transferts.

En France, les femmes n’ont pas le choix entre la maison ou l’hôpital. Celles qui souhaiteraient accoucher chez elles sont généralement contraintes à y renoncer faute de sage-femme prête à les accompagner. Il n’y a aucune alternative en France à l’accouchement à l’hôpital. En ce sens, les Néerlandaises ont largement plus le choix que les Françaises.

Le choix de la personne assurant le suivi de la grossesse

Il est déploré, dans l’éditorial, que les femmes néerlandaises n’aient pas la possibilité de faire suivre leur grossesse par le professionnel de leur choix, sage-femme ou obstétricien. La situation est la même en France pour toutes les femmes qui préfèrent le secteur public ou ne peuvent accéder au secteur privé pour des raisons financières. Dans le secteur public, le suivi est effectué en général par une sage-femme qui peut changer au cours de la grossesse. Aucun de ces professionnels, sages-femmes ou médecin, sauf coïncidence, ne sera présent à l’accouchement. Les femmes qui choisissent le secteur privé, si elles connaissent leur obstétricien et le rencontrent à chaque visite prénatale, n’ont, en revanche, généralement pas rencontré les sages-femmes qui vont les accompagner pendant l’essentiel du travail avant l’arrivée de leur obstétricien.

Seule exception rare à cette situation : les femmes qui font appel aux services des quelques sages-femmes qui ont pu passer une convention avec un établissement et proposent un suivi global de la grossesse avec un accouchement en plateau technique.

Le système français ne permet pas à la plupart des femmes de choisir la personne qui suivra leur grossesse et n’offre que rarement la possibilité de connaître les professionnels présents à l’accouchement.

L’accès à la péridurale

Les femmes aux Pays-Bas n’ont pas accès d’emblée à la péridurale. Cependant, depuis décembre2008, un protocole national oblige les établissements des Pays-Bas à répondre à la demande de péridurale dans l’heure qui suit. Nous souhaitons que toute femme puisse choisir d’avoir ou non une péridurale en étant informée loyalement sur les risques et bénéfices de cette intervention. Or, les femmes qui souhaitent accoucher sans péridurale manquent aussi de choix dans le système français car les pratiques actuelles favorisent le besoin de péridurale : monitoring en continu, perfusion, entraînant un manque de mobilité qui pourtant diminuerait les scores de douleur ; utilisation d’ocytocine rendant les contractions plus douloureuses ; accompagnement en continu de la parturiente inexistant, quelle que soit la bonne volonté des professionnels. Alors qu’aux Pays-Bas la péridurale devrait être accessible, les usagers français demandent que la péridurale soit un vrai choix et non une intervention rendue inévitable par les conditions imposées à l’accouchement. Il y a donc des progrès à faire des deux côtés.

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Conclusion

En conclusion, l’évolution des conditions de la périnatalité en France ne peut se faire en prenant le système néerlandais comme exemple ni comme repoussoir mais en encourageant le dialogue entre usagers et professionnels. Cette réflexion commune doit s’appuyer sur des données épidémiologiques et non sur une vision manichéenne qui consiste à mettre perpétuellement en contradiction la demande de diversification de l’offre de soins et le souci de la sécurité.

Nous ne restons pas les bras croisés. Des représentants du Ciane siègent dans des groupes de travail, à la HAS et à la DHOS, où se négocient de nouvelles formes de partenariat entre usagers et professionnels, avec d’inévitables résistances vu le retard accumulé par notre système périnatal.

Réponse à la réponse du Ciane (DOI 10.1016/j.jgyn.2009.03.013)

Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction Sous presse. Epreuves corrigées par l'auteur. Disponible en ligne depuis le samedi 16 mai 2009 Doi : 10.1016/j.jgyn.2009.03.013 Réponse à la lettre à l’éditeur Reply to letter to the editor

Je comprends et partage certains des arguments avancés par la lettre de Phan et al. au nom du Collectif interassociatif autour de la naissance en réponse à l’éditorial que j’ai écrit sur l’accouchement aux Pays-Bas.

Je partage l’analyse des professionnels néerlandais, qui critiquent leur système hospitalier en le rendant partiellement responsable de la dégradation de la mortalité périnatale dans leur pays. Mais c’est également la raison pour laquelle les accouchements à domicile se passent « aussi bien » qu’à l’hôpital. Quand on fait aussi bien qu’un système qui est considéré comme non satisfaisant, cela ne peut pas être considéré comme satisfaisant… Cette situation stimule une remise en question de la qualité et de l’accès aux soins dans leur pays. Encore une fois, les accouchements à l’hôpital aux Pays-Bas se font uniquement par des médecins qui sont le plus souvent des internes. Je pense que notre système, où les accouchements à bas risque se font avec une sage-femme à l’hôpital, offre une meilleure qualité de soins pour les patientes, voire même un meilleur niveau de sécurité.

Je partage l’avis des représentants du Ciane sur les motivations économiques du système de santé néerlandais. Cela est cependant une réalité qui explique le fonctionnement des accouchements dans ce pays. Pour ce qui est du système anglais, je suis beaucoup plus séduit par les salles de naissances gérées intégralement par des sages-femmes (dans les hôpitaux) que par les rares accouchements à domicile. Dans cet éventail de possibilités, je crois que nous pouvons arriver à une réponse « à la française » alliant sécurité et liberté. Passer de l’extrême actuel de médicalisation à l’accouchement à domicile me semble fortement inadapté au contexte et à la culture de notre pays.

Enfin, je partage aussi l’avis des représentants du Ciane sur le peu d’alternatives et de liberté de choix des femmes en France. Il y a donc de la place aux améliorations et elles doivent donner plus de liberté aux femmes et aux couples. Il faut simplement trouver un terrain d’entente sur l’étendue de ces libertés tant pour les femmes/couples que pour les professionnels. On ne peut pas non plus proposer un système qui n’est pas en phase avec la réalité du terrain professionnel et la sécurité des différents acteurs. Il y a un vrai travail à faire sur la place et l’importance de la sage-femme dans le suivi de la grossesse, l’accouchement et l’accompagnement des suites de couches en France. Si nous en sommes persuadés, il reste que les acteurs de terrain ne sont pas encore prêts, à quelques rares exceptions près. Le système doit évoluer en harmonie avec l’ensemble des acteurs et c’est notre rôle à tous.

Si l’offre de soins en périnatalité est pour l’instant centrée sur des lieux probablement trop médicalisés pour les grossesses et accouchements à bas risque, dégrader la prise en charge de ces femmes en leur faisant croire qu’un accouchement à domicile se passe toujours bien et que les professionnels de la périnatalité sont prêts pour encadrer ces pratique est une erreur. Il nous reste un réel travail à faire sur la prise en charge des femmes à bas risque en France. Nous n’avons pas de professionnels du bas risque contrairement au système anglais. Si nous voulons élargir l’offre de soins en France en obstétrique, il faut commencer par former des professionnels dédiés. Cela ne s’improvise pas.