Résumé (français)
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| · Les hémorragies et les troubles de l’hémostase représentent une des toutes premières causes de mortalité et de morbidité maternelles en France.
· Ce bilan s’explique non seulement par le retard au diagnostic et à la mise en route du traitement, mais également par une thérapeutique largement en dessous des normes actuellement admises.
· Quatre principales causes peuvent être individualisées, quasi systématiquement associées à une coagulopathie de consommation : les anomalies de rétraction de l’utérus, les anomalies placentaires (localisation ou rétention), les lésions de la filière génitale et enfin, les hémorragies survenant dans le cadre des césariennes.
· Le rétablissement et le maintien de la volémie, associés à une bonne oxygénation et à la correction rapide des troubles de l’hémostase, représentent une priorité absolue.
· Parallèlement, la rapidité d’exécution des gestes obstétricaux est l’un des facteurs pronostiques les plus importants. L’anesthésiste seul ne peut en aucun cas corriger la catastrophe obstétricale.
· Le recours aux utérotoniques puissants, même si l’atonie utérine n’est pas la cause principale de l’hémorragie, doit être absolument systématique.
· Une antibiothérapie à large spectre est d’emblée administrée en raison de l’intrication des pathologies hémorragiques et infectieuses.
· L’échec des manœuvres obstétricales habituelles et d’un traitement médical bien conduit justifie une intervention vasculaire d’hémostase : embolisation artérielle en urgence, ligature des artères utérines, voire hystérectomie d’hémostase.
· La prévention est fondamentale et passe avant tout par l’individualisation de situations à risque et la mise en place d’une surveillance adaptée et rapprochée permettant un diagnostic et une prise en charge rapides.
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Rappel de la physiologie de la délivrance normale
C’est la délivrance, dernier temps de l’accouchement, qui donne lieu à une hémorragie. La délivrance est l’expulsion du placenta et des membranes hors des voies génitales. Elle évolue en trois phases : le décollement du placenta, l’expulsion du placenta et l’hémostase.
Phase de décollement
Cette phase se trouve placée sous la dépendance de la rétraction utérine qui prépare le décollement et de la contraction utérine qui le provoque. La rétraction utérine est un phénomène passif, caractérisé par la diminution du volume de l’utérus après l’expulsion du fœtus, compensée par l’augmentation d’épaisseur de ses parois. Il en résulte un « enchatonnement » physiologique du placenta. Dix à 15 minutes après l’accouchement, les contractions utérines augmentent d’intensité et entraînent alors le clivage de la caduque.
Phase d’expulsion
Sous l’action des contractions utérines, puis par l’action de son propre poids, le placenta tombe dans le segment inférieur qui se déplisse, soulevant alors le corps utérin.
La délivrance peut s’effectuer selon deux modes.
· Dans le mode de délivrance de Baudelocque, les membranes se décollent du fond vers le segment inférieur, de manière homogène et circonférentielle. Le placenta se présentera à la vulve par sa face fœtale. Ce mode intéresse classiquement les placentas à insertion normale haute ou fundique.
· Dans le mode délivrance de Duncan, le clivage placentaire est suivi d’une migration par glissement le long de la paroi. Le décollement placentaire est asymétrique. Le placenta se présente à la vulve la face maternelle la première. Ce mode concerne habituellement les placentas plus ou moins prævia et impose donc une surveillance plus intense.
Hémostase
Elle est essentiellement assurée par la rétraction utérine. Au niveau de la zone d’insertion du placenta en particulier, les vaisseaux maternels vont se trouver enserrés et collabés par la contraction active des fibres du myomètre réalisant un véritable garrot physiologique ou « ligature vivante de Pinard ». La compression des artères spiralées limite de ce fait l’hémorragie intra-utérine, tandis que la compression des sinus veineux va s’opposer à l’intrusion de liquide amniotique, de débris tissulaires, d’air et de substances thromboplastiques dans la circulation maternelle. Cette rétraction utérine ne sera possible qu’après évacuation complète de l’utérus.
C’est ce mécanisme, et non le processus de coagulation, qui est responsable de l’arrêt rapide du saignement, à telle enseigne que, si le risque hémorragique est important, il est utile d’amplifier ce mécanisme grâce aux oxytociques pour réduire la perte de sang à moins de 150 mL (délivrance « dirigée » ou « assistée »).
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