Résumé (français)
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| (texte intégral) À l’heure de la surveillance électronique du travail de son interprétation automatique, du stan, de l’étude du pH au scalp, de l’utilisation de l’oxymétrie de pouls, on peut poser la question de l’utilité du partogramme pour la surveillance maternelle et fœtale au cours du travail. Une simple feuille de papier peut-elle avoir un rôle alors qu’un important matériel électronique maintenant informatisé et utilisant divers systèmes d’alerte est à notre disposition ?
Pourtant l’Anaes en l’an 2000 a fait des recommandations pour sa bonne réalisation et propose avec le CNGOF d’en faire un outil d’évaluation des pratiques professionnelles des sage-femmes et des gynécologues–obstétriciens.
Le partogramme qui est l’enregistrement graphique de l’évolution du travail, de l’accouchement et des données de surveillance maternelle et fœtale qui s’y rapportent peut donc être aussi un outil dans une équipe publique ou privée pour évaluer la qualité de la pratique professionnelle de ses membres [3].
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Le partogramme : un outil pour schématiser la progression du travail Rappelons que le travail se compose d’une phase de latence qui correspond à l’effacement du col et à sa dilatation jusqu’à 2 ou 3 cm. Elle dure huit à dix heures pour une primipare et cinq à six heures pour une multipare. Elle se poursuit par une phase dite « active » plus rapide conduisant à la dilatation complète qui permet la descente de la présentation dans l’excavation puis l’expulsion. Aucun moyen électronique ne permet la surveillance de la dilatation et l’étude de la présentation lors de l’engagement de la descente et de la rotation. Commencé après la phase de latence c’est-à-dire à 3 cm le partogramme permet d’objectiver la dilation du col en fonction du temps indiqué en abscisse (1 cm pour une heure) et la descente de la présentation.
Le partogramme se compose donc de deux courbes : une ascendante décrivant la dilatation cervicale en centimètre et l’autre descendante illustrant la progression du mobile fœtal dans le bassin maternel. La régularité des deux courbes, leur croisement permet d’apprécier l’allure clinique du travail. La construction du graphique impose de la rigueur afin que son interprétation ne prête pas à confusion surtout si deux équipes se succèdent dans la prise en charge de la parturiente. Plusieurs études [2, 3, 4, 5, 6 et 7] ont montré que les décisions prises sont influencées par les conventions graphiques du partogramme qui doivent donc être fixes dans une même équipe et bien lisibles. Ainsi, l’adoption d’un partogramme dans lequel la dilatation est visualisée par une courbe pentue (feuille unique ou restreinte en largeur) favoriserait significativement une diminution de la fréquence du nombre de travail lent, diminuerait le nombre de tracés pathologiques et le nombre de scores d’Apgar pathologiques à une et cinq minutes [6]).
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Le partogramme : un outil pour la surveillance de la mère et du fœtus Outre les caractéristiques de la dilation et de la descente de la tête (que le partogramme est seul à objectiver), il permet en plus de noter et donc de surveiller :
l’état de la mère : pouls, tension, température, mais aussi état psychologique (agitation, angoisse, fatigue…) ; l’état du fœtus : rythme cardiaque fœtal (RCF) si on pratique l’auscultation intermittente, couleur du liquide amniotique ; les thérapeutiques prescrites avec leurs caractéristiques (voie d’administration, posologie, durée) et le nom du prescripteur ; les événements majeurs : anomalies du RCF, hémorragies, choc maternel, décisions. Rappelons que dans les grossesses à bas risque, la surveillance par auscultation intermittente inscrite sur le partogramme n’a pas montré de différences en termes de mortalité ou de séquelles neurologiques avec le monitorage électronique bien que celui-ci soit pratiquement toujours utilisé en France du fait des avantages qu’il procure en termes d’utilisation des ressources et de traçabilité des événements [4].
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Le partogramme : un outil pour évaluer la qualité des soins Certes le partogramme n’est pas le seul document de la surveillance de la parturiente et du fœtus. Il y a aussi la feuille d’anesthésie, le tracé du rythme cardiaque fœtal l’enregistrement électronique de la pression artérielle et du pouls. C’est l’ensemble de ces documents qui permet de retracer le déroulement de l’accouchement (idéalement, il peut être concentré sur un document synthétique à l’aide de l’outil informatique).
Il n’empêche que le partogramme bien tenu est le seul document qui permet la synthèse de la surveillance faite par les différents intervenants (sage-femme, obstétricien, anesthésistes…) Il est le support de la transmission entre les équipes qui se succèdent. Il permet de vérifier la normalité du travail, de dépister de façon précoce les anomalies, d’aider à la prise de décision en évitant les prolongations excessives du travail ou les décisions d’interventions intempestives. C’est un support de référence pour l’enseignement. Enfin, un document médicolégal support principal de l’expertise.
Un partogramme bien tenu, clair, précis, exhaustif témoigne incontestablement de soins attentifs et consciencieux. Un partogramme inexistant, mal tenu, imprécis, témoignera de soins vraisemblablement peu rigoureux, imprécis, voire inattentifs. Et l’inattention, considérée comme fautive est à l’origine d’un certain nombre de décisions erronées.
Pour ce qui est du dossier au sein des maternités, il n’y a pas de texte réglementaire spécifique à l’obstétrique et l’on retrouve simplement une exigence réglementaire minimale concernant les établissements d’hospitalisation publics et privés (décret no 92-323 du 30 mars 1992 relatif au dossier médical). Si celui-ci précise la liste minimale des documents que doit contenir un dossier d’hospitalisation, il n’est pas exhaustif. En effet, dans le domaine obstétrical et en particulier pour le dossier d’accouchement, il est des documents qui sont une base incontournable : le partogramme et l’enregistrement du rythme cardiaque fœtal qui sont de véritables « boîtes noires » de la surveillance du travail. Les recommandations concernant le partogramme doivent être considérées comme des référentiels [3 et 4].
Reste l’intérêt d’instaurer au sein des services une révision des dossiers d’accouchements, et/ou un mode de signalement, qui permettent de repérer toute difficulté (dystocie obstétricale, hémorragie de la délivrance, hypoxie néonatale, etc.) pour :
que le dossier puisse être évalué en termes d’application des protocoles, et discuté entre les différents intervenants au sein d’une équipe pour tenter d’harmoniser et améliorer les pratiques ; de fixer « à chaud » le recueil des dires (par écrit) des différents intervenants, ainsi que la chronologie qui serait mal retranscrite à distance, des mois ou des années plus tard alors qu’un handicap ou que des séquelles seront présumés ou consolidés. Le partogramme ne dispense pas d’un compte rendu de l’accouchement qui reste obligatoire (décret no 92329 du 30 mars 1992). Celui-ci sera d’autant plus détaillé qu’il y aura eu des complications (liquide teinté, extractions instrumentales, épisiotomie, césarienne réanimation de l’enfant).
Nous conseillons s’il y a eu un incident ou pire un accident de dicter le jour même ou le lendemain un compte rendu circonstancié de l’accident, des traitements médicaux ou chirurgicaux réalisés en précisant bien la chronologie, le nom et l’heure d’intervention des différents professionnels, les manœuvres ou interventions réalisées. Ce document rédigé « à chaud » sera très utile en cas d’expertise médicojudiciaire qui aura souvent lieu plusieurs mois après la date à laquelle la mémoire sera moins fidèle.
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Comment construire un partogramme ? Plusieurs modèles de partogrammes existent (Lacomme, Philpott, O’Driscoll, OMS, Audipog, entre autre) ( Fig. 1).
L’essentiel pour une équipe est d’avoir un document préimprimé dont l’axe des abscisses indique le temps : 1 cm pour une heure et dont l’axe des ordonnées est gradué en centimètres pour la dilatation et la descente de la tête par rapport aux épines sciatiques indiquées comme niveau 1.
Les indications seront portées à partir de 3 cm ou au début du déclenchement du travail ou de l’analgésie péridurale.
En dessous du graphique, un tableau à plusieurs entrées permet de faire figurer en général toutes les heures :
la présentation et sa variété (OIGA, OIDP…) et l’évolution de la rotation ; les paramètres de surveillance de la mère (pouls, TA, TA, comportement) ; les médicaments prescrits et leur voie d’administration et la dose ; le rythme des contractions utérines (CU) et le RCF si on ne pratique pas de monitorage en continu. Même s’il y a un enregistrement du RCF, la sage-femme doit le surveiller l’interpréter et écrire sur le partogramme qu’il soit ou non normal. Le simple fait d’écrire sur le partogramme toutes les heures le rythme des contractions, leur intensité et que le RCF soit normal oblige à se poser la question, à regarder attentivement le tracé des CU et du RCF, interpréter ces données et en tirer la conclusion que l’on inscrit. L’heure de l’accouchement, ses modalités, ainsi que celles de la délivrance seront indiquées avec bien sûr le sexe le poids et le score d’Apgar de l’enfant.
Ce document synthétique sera rempli au fur et à mesure du déroulement du travail et pas a posteriori. Aujourd’hui, il peut être informatisé, cela ne dispense pas de l’observation clinique, du remplissage soigneux des données et surtout de leur analyse et de la réflexion qui précède la bonne décision.
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Comment évaluer la qualité de son partogramme ? Le partogramme est un des reflets de la qualité de la prise en charge maternofœtale. L’évaluation de sa tenue constitue la première étape d’une politique d’amélioration de la qualité des soins. L’audit clinique permet d’identifier les dysfonctionnements et d’envisager des solutions d’amélioration [3]. Comme pour l’enregistrement du rythme cardiaque fœtal, l’analyse critique régulière d’un certain nombre de partogrammes sur la base du référentiel Anaes permet la correction progressive et l’amélioration de la tenue du dossier de salle d’accouchement. Ainsi, Altaf et al. [1] ont constaté comme d’autres que la « routine » quotidienne aboutit régulièrement à l’absence d’application stricte des référentiels professionnels pourtant intégrés dans les protocoles au sein de l’institution, et qu’un audit ponctuel des déviations permettait d’envisager le rappel aux professionnels des oublis les plus fréquents [1].
L’Anaes a réalisé et expérimenté une grille d’évaluation du partogramme qui comporte 36 critères (Tableau 1). Cette grille permet à une équipe de sage-femmes et de gynécologues–obstétriciens sur une cinquantaine de dossiers pris au hasard d’évaluer les défauts et de proposer des améliorations dont on devra apprécier la réalité lors d’une réévaluation faite quelques mois après.
Pour chaque critère on cochera dans la feuille d’évaluation « oui » « non » ou « non adapté ». On verra ainsi rapidement les défauts de l’équipe et les modifications à apporter.
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L’étape ultérieure Enfin, même si ce n’est pas parce qu’un partogramme est bien tenu que les pratiques professionnelles appliquées sont adéquates, et conformes aux données acquises de la science, ou que l’on a la garantie d’une absence de déviation ou de « défaillance humaine », la qualité de la tenue du partogramme donne une chance supplémentaire de pouvoir comprendre et analyser grâce à une lecture simplifiée, le déroulement des évènements et des actes. C’est donc indiscutablement le meilleur garant d’une analyse et d’une compréhension homogène du dossier d’accouchement.
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Conclusion Le partogramme à l’heure de l’électronique n’est pas obsolète et reste un excellent outil pour :
suivre la progression du travail ; faire la synthèse des éléments de la surveillance maternelle et fœtale durant le travail ; aider à la décision ; aider à la communication entre les professionnels qui se succèdent dans la surveillance du travail ; évaluer les pratiques professionnelles et les améliorer dans le cadre de l’enseignement, de la recherche clinique. Le partogramme est le support principal de l’expertise médicolégale du dossier obstétrical. Bien tenu, il témoigne de soins consciencieux et attentifs et très souvent apporte la preuve d’une bonne chronologie dans la prise de décisions qui doivent être « conforme aux données actuelles de la science ».
La bonne tenue du partogramme comme celle du dossier du patient en général est un indicateur performant de la qualité de la prise en charge maternofœtale [3].
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Références
[1] Altaf S, Oppenheimer C, Shaw R, Waugh J, Dixon-Woods M. Practices and views on fetal heart monitoring: a structured observation and interview study. BJOG 2006;113:409-418. [2] Cartmill RS, Thornton J. Effect of presentation of partogram information on obstetric descision making. Lancet 1992;339:1520-1522. [3] Anaes. Évaluation de la qualité de la tenue du partogramme. Paris: Anaes Ed; 2000. [4] Anaes. Intérêt et indications des modes de surveillance du rythme cardiaque fœtal au cours de l’accouchement normal. Paris: Anaes Ed; 2002. [5] Audipog. Dossier du Réseau sentinelle Audipog. http://audipog.inserm.fr. [6] Tay SK, Yong TT. Visual effect of partogram designs on the management and outcome of labour. Aust N Z J Obstet Gynaecol 1996;36:395-400. [7] Wacker J, Kyelem D, Bastert G, Utz B, Lankoande J. Introduction of a simplified round partogram in rural maternity units: Seno province, Burkina Faso, West Africa. Trop Doct 1998;28:146-152.
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