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Le 14 mars 2008
Mme Anne-Noëlle MACHU
DHOS
Bureau de l'organisation générale de l'offre régionale de soins

Madame,

Vous nous avez demandé de formuler un avis quant à la dernière mouture du cahier des charges et de ses annexes techniques en vue de l'expérimentation des maisons de naissance.

Le CIANE ne peut définitivement plus souscrire à ce cahier des charges de l'expérimentation des Maisons de Naissances pour une raison principale - l'absence de toute possibilité d'expérimentation réelle - que l'on peut spécifier de la façon suivante :

1 - Lieu

Le lieu possible de la MdN a été restreint aux conditions suivantes : proximité immédiate ne nécessitant pas de transport motorisé, ni de voie de publique à traverser. C'est plus que de mettre la MdN dans l'enceinte des hôpitaux, qui rappelons-le, comporte des voies publiques. C'est vouloir la coller au service d'obstétrique, c'est à dire à finalement utiliser le terme « attenant » dans le sens le plus restrictif qu'il soit. Cette clause disqualifie une bonne partie des projets en cours.

Certains, cf les positions exprimées par les collèges de gynécologues-obstétriciens ou de pédiatres, avancent toujours des arguments sécuritaires pour justifier ces restrictions, sans pour autant les étayer d'études sérieuses et alors que l'exemple d'autres pays montre que l'attenance n'est pas une condition à la sécurité. Nous souhaiterions pour notre part que la réflexion se concentre sur la situation alarmante de la distribution géographique des maternités en France. Est-il plus sûr d'accoucher dans sa voiture entre la Mure et Grenoble, que d'accoucher dans une MdN à 200 mètres du CHU ? Qu'il soit permis d'en douter.

2 - Structure juridique

Le cahier des charges prévoit qu'une MdN soit un établissement de santé. Un tel statut implique des contraintes très spécifiques qui n'ont pas leur place dans une MdN. Par exemple, une prise d'oxygène serait vraisemblablement obligatoire dans la pièce où aurait lieu l'accouchement.

À l'intérieur du statut ES, il est prévu trois possibilités : (a) structure juridique autonome de droit privé en association loi 1901, (b) clinique ouverte, (c) structure interne au sein de la maternité. Le (b) est équivalent à l'accès au plateau technique, déjà prévu par les textes. Le (c) est équivalent aux pôles physiologiques, qui existent déjà et n'ont pas besoin de ce cahier des charges. Quant au (a), il ne définit rien en pratique. C'était pourtant l'une des missions de cette commission que de définir un nouveau statut juridique spécifique aux MdNs. Tout cela ressemble à un mauvais bricolage qui risque d'être très préjudiciable en pratique. Pour l'éviter, il est vraisemblable que seuls les projets répondants à (b) et (c) se mettront en place, or ils n'ont rien de nouveau et ne permettront donc aucune expérimentation.

3 - Support financier et assurances

Un cadre assurantiel en responsabilité civile médicale n'est pas proposé systématiquement aux sages-femmes dans ce cahier des charges. Le financement de 50.000 euros est insuffisant pour couvrir les frais de structure. Autrement dit pour ouvrir une MdN dans de telles conditions il faudrait trouver des mécènes pour la financer.

4 - Excès de précautions

On se serait attendu à ce qu'un cahier des charges de MdN assurant les accouchements eutociques soit centré sur la normalité, et centré sur les nouvelles structures juridiques et administratives.

Il n'en est rien, ce texte est centré sur la dangerosité et structuré comme si il s'agissait d'ouvrir un établissement hospitalier. Comme si le fait d'avoir imposé l'attenance dès le début du document était insuffisant, on voit encore l'expression « dans un délai compatible avec l'urgence » apparaître 4 fois dans 4 paragraphes différents. Qu'un paragraphe traite spécifiquement des procédures d'urgence et de la rapidité de leur mise en oeuvre est indispensable, mais que le terme « urgence » apparaisse 7 fois partout dans le texte dénote un certain état d'esprit. De même, un paragraphe dédié à la convention entre la MdN et la maternité hospitalière est indispensable, mais encore une fois on retrouve cette notion dans de nombreux paragraphes tout au long du texte.

La dernière mouture exige que deux sages-femmes soient présentes dans la MdN lors d'un accouchement pour des raisons de sécurité. Cette exigence n'existe pas dans les MdN d'autres pays, et les systèmes de santé anglais, hollandais, ou suédois, ne prévoient qu'une sage-femme lorsqu'il s'agit d'un accouchement à domicile. La présence d'un gynécologue-obstétricien de garde dans un couloir ou une autre pièce aurait-elle donc une influence magique permettant à une sage-femme d'être seule avec une parturiente dans les CHU ? Le financement de cette seconde sage-femme n'est bien entendu pas prévu. Par contre, il n'est spécifié nulle part que la sage-femme référente doive être présente en quasi permanence pendant toute la durée du travail et de l'accouchement. Cela n'arrive jamais dans les maternités, or ce sont cette présence et cette attention permanentes qui assurent la sécurité de la femme et de son bébé.

On voit aussi apparaître qu'un appareil « de monitoring permanent » doit être présent dans la MdN. Pour quoi faire ? La présence constante de la sage-femme rend inutile le monitoring continu. Celle-ci est censée faire des auscultations intermittentes. A partir du moment ou le monitoring doit être utilisé en permanence, c'est que la situation n'est plus eutocique, auquel cas il doit y avoir tranfert.

De même il est prévu qu'un pédiatre puisse intervenir au sein de la MdN. Là aussi ce serait une première, bien française. Pour quoi faire ? Si il y a une difficulté avec le nouveau-né, la sage-femme a les compétences pour le dépister et organise immédiatement le transfert vers la maternité partenaire selon les procédures d'urgence qui auraient dû être traitées dans un paragraphe dédié. Il apparaît aussi que la visite des 8 jours doit être faite par un pédiatre. Aucun texte ne prévoit qu'un nouveau-né en bonne santé doive être examiné par un pédiatre. Cette consultation peut être réalisée par un généraliste. Un bébé en bonne santé né en MdN serait-il plus à risque qu'un bébé né en bonne santé dans une maternité hospitalière ? C'est jeter la suspicion sur la compétence des sages-femmes des MdN que d'imposer la visite à un pédiatre en dépit des textes légaux pré-existants.

En cumulant tous ces points, on en revient finalement au concept de « salle nature » ou pôle physiologique, ou bien à l'accès aux plateaux techniques par des sages-femmes libérales. Les salles « nature » existent déjà. L'accès aux plateaux techniques est déjà possible (loi 91-748 du 31/07/1991 complété par le décret 97-371 articles 714 34-35-36-37). Il n'y a plus aucune expérimentation réelle. Il ne reste qu'une peur irraisonnée de l'urgence due à une incompréhension profonde de l'eutocie et du travail des sages-femmes qui travaillent et réfléchissent à l'accouchement physiologique.

Fallait-il autant de réunions et deux ans de travaux pour ré-inventer deux concepts déjà existants ? Ou bien fallait-il autant de réunions pour parvenir à saboter le projet jusqu'à en arriver là et à la déclaration du CNGOF ? Notre sentiment est que la procédure suivie était vouée à l'échec. Comme sa récente prise de position l'a montré, le _CNGOF n'est pas simplement contre le cahier des charges ; il s'affirme explicitement contre les maisons de naissance telles qu'elles existent ailleurs, c'est-à-dire comme lieux d'accouchement autonomes, séparés des maternités et gérés exclusivement par des sages-femmes. Sans même faire l'hypothèse que son président, qui siégeait dans le groupe de travail, ait sciemment voulu saboter le processus, il a eu des exigences telles quant à l'attenance qu'elles revenaient à condamner la plupart des projets en cours. La conclusion est claire : on ne peut pas entrer dans un processus d'expérimentation dès lors que le groupe censé définir les conditions de l'expérimentation fait une place importante à des personnes qui sont foncièrement opposées à cette expérimentation.

Conclusion

Le concept de Maison de Naissance tel que vu par les usagers aurait dû correspondre à une nouvelle filière périnatale à part entière et non un aménagement ou un bricolage des filières actuelles, sous le contrôle plus ou moins direct de la « profession dominante » des gynécologues-obstétriciens. Nous ne pouvons nous satisfaire d'un simulacre d'expérimentation qui continue de faire de la France une « exception de l'Europe » en périnatalité.

In fine, nous rappelons notre position qui est celui de défendre aussi bien les pôles physiologiques déjà existants que les vraies Maisons de Naissance encore absentes du paysage français. Notre position est motivée par le respect de la liberté de choix des patients et s'inscrit en conformité avec les données de médecine factuelle (evidence-based) sur les expériences de filières physiologiques.

Nous prenons acte de la volonté des pouvoirs publics et de certains lobbies professionnels de maintenir la situation de la périnatalité en France dans un retard abyssal par rapport aux pratiques de pays du Nord de l'Europe. À titre d'exemple, les membres de la commission seraient bien avisés de réfléchir à partir du document de consensus sur la « naissance normale » récemment publié au Royaume-Uni par le Royal College of Midwives, le Royal College of Obstetricians and Gynaecologists et de nombreux groupes d'usagers ou de professionnels de santé :
http://wiki.naissance.asso.fr/index.php?pagename=NormalBirthConsensus?

Collectif interassociatif autour de la naissance
http://ciane.net


Voir aussi :


Modif. December 23, 2012, at 10:18 AM<br />(:addThis username="xa-4b5388e32c732dfe" btn="lg-share":)

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