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Lettre à l'Académie nationale de médecine

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Lettre du 23 octobre 2008

De : Collectif interassociatif autour de la naissance (http://ciane.naissance.asso.fr)
À : Conseil d'Administration et Commission X de l'Académie de Médecine
Copie : Pr. Henrion; CNGOF; CNOSF; Pr. Puech, président de la CNN
Objet : Demande de précisions sur le rapport « Les doulas : profession émergente ? »

Mesdames, Messieurs,

Le CIANE défend le droit des usagers à l'information médicale, au consentement éclairé, et à la prise en compte de leurs demandes, garants d'une réelle liberté de choix lors des décisions médicales les concernant personnellement dans le domaine de la périnatalité.

C'est ce qui motive notre courrier.

Le 10 juin 2008 la commission X a adopté le rapport rédigé par le Pr. Henrion sur les doulas et les accompagnantes à la naissance et périnatales. Dans ce rapport, certaines accusations portées sont graves :

Dans d'autres circonstances, les «Doulas» peuvent sortir de leur cadre strict d'accompagnantes, interférant sur la décision des femmes, parfois en toute bonne foi, en interprétant mal certains signes cliniques, faisant ainsi différer une hospitalisation nécessaire. Des exemples ont été rapportés par les sages-femmes : retard à l'hospitalisation après rupture des membranes pouvant être à l'origine d'une procidence du cordon ou d'une infection néonatale à streptocoques B, retard à l'hospitalisation devant un petit saignement associé à une vague douleur abdominale révélant un décollement prématuré du placenta et la constitution d'un hématome rétro-placentaire, retard à l'hospitalisation devant des contractions un peu trop fréquentes et trop longues à l'origine d'une souffrance foetale; le tout dans la crainte d'une «médicalisation». D'où une indiscutable perte de chances pour l'enfant.

Ce résumé des témoignages de sages-femmes est extrèmement imprécis. Aucune conclusion ne peut en être tirée, d'autant moins que ni les parents concernés ni les doulas-accompagnantes incriminées n'ont eu l'occasion de s'exprimer :

  1. Qui a pris la décision de différer le départ à la maternité ? Les parents, ou les parents influencés par la doula ? Rien dans ce rapport ne permet de le savoir. Le témoignage de la sage-femme est insuffisant car elle a pu interpréter une mise sous influence du seul fait de la présence d'une doula-accompagnante, même si en réalité la décision incombe totalement aux parents. Il faudrait donc confronter ces témoignages à ceux des parents, et à ceux des doulas-accompagnantes.
  2. On ne peut se contenter d'exemples aussi évasifs. Tout devrait etre recensé au cas pas cas. Le dossier de la maternité (date, heures, signe cliniques) devrait être confronté aux témoignagex des parents.
  3. Les principaux acteurs, les parents/usagers, doivent être entendus.
  4. Les doulas-accompagnantes incriminées doivent être entendues pour leur défense. C'est un principe de justice incontournable dans une démocratie.

Pour les usagers il est absolument fondamental de savoir si ces « indiscutables pertes de chance » sont fondées ou non, et dans quelle proportion par rapport au nombre d'accompagnements effectués par les doulas-accompagnantes.

En l'état du rapport elles sont au contraire très discutables. Vous comprendrez que « retard à l'hospitalisation après rupture des membranes » ne signifie rien en soi : s'agissait-il de 48 heures avec un dépistage positif des streptocoques B, ou de moins de 12 heures avec un dépistage négatif ? Ce n'est pas du tout la même situation. Le premier cas est à haut risque, tandis que le second n'est pas inquiétant si l'on se réfère aux dernières RPCs de la HAS sur le déclenchement après 37 SA (voir http://cianewiki.naissance.asso.fr/RPCdeclenchement). Si l'on prend l'exemple du petit saignement, on voit mal en quoi la doula aurait pu intervenir. Un petit saignement avec une faible douleur abdominale peut signaler sans plus la perte du bouchon muqueux. Or personne ne demande aux femmes enceintes de se précipiter à la maternité pour si peu. Celles qui le font sont d'ailleurs parfois renvoyées chez elles sans ménagements. Finalement, la description de contractions « un peu trop fréquentes et un peu trop longues » ne signifie rien en soi (quelle fréquence, quelle durée ?). C'est au contraire un schéma assez commun qui fort heureusement n'entraine pas en général de souffrance foetale, contrairement à une hypertonie.

Nous demandons donc à la commission d'amender cette partie du rapport. Deux solutions sont possibles. La première consisterait à en rester là, sans appronfondir les enquêtes sur chaque situation. Dans ce cas le rapport ne devrait pas citer ces vagues témoignages non étayés. Il n'est pas permis dans un Etat démocratique de lancer des accusations sans preuves ni sans une argumentation solide. La seconde solution, celle que nous souhaitons dans l'interêt des usagers, serait de mener les enquêtes au cas par cas jusqu'au bout, avec examen du dossier et contact avec les parents et les doulas-accompagnantes. Le cas échéant, si des doulas-accompagnantes étaient mises en cause il faudrait en priorité en informer les présidentes de leurs associations, qui devraient prendre les mesures qui s'imposent en cas de violation de la charte. Ce n'est pas parce qu'une personne d'un groupe professionnel commet une faute que toute la corporation est nécessairement remise en cause. En tant que représentants des usagers nous demandons à ce que les pièces de l'enquête (dossier, témoignages) nous soient communiquées, anonymement bien entendu.

Le rapport du Pr. Henrion est cité par les collèges professionnels et repris par les journalistes. Il a servi de base de discussion lors des sessions du groupe de travail de la Commission Nationale de la Naissance sur l'activité des doulas, évaluation demandée par Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé. Une lourde responsabilité pèse donc sur l'Académie de Médecine.

Chantal Ducroux-Schouwey
Présidente du CIANE

PS: cette lettre sera publiée dans la section Courrier du site du CIANE


Réponse de l'Académie, 26 novembre 2008

ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE
16, RUE BONAPARTE - 75272 PARIS CEDEX 06

TÉL : 01 42 34 57 70- FAX : 01 40468755

Paris, le 26 novembre 2008

Cabinet du Secrétaire perpétuel
JLB/ MB

Lettre recommandée

Mme Chantal DUCROUX-SCHOUWEY
Présidente du Collectif lnterassociatif Autour de la NaissancE
5 rue du Capitaine Robert Cluzau
69007 LYON

Madame,

La Commission X, réunie le 4 novembre, et le Conseil d'administration, réuni le 24 novembre, ont pris connaissance du courrier que vous avez adresse à l'Académie nationale de médecine, le 23 octobre 2008.

Ils ont considéré que vos remarques concernant le résumé des témoignages de sages femmes contenu dans le rapport sur « Les doulas: une profession émergente? » étaient recevables.

Toutefois, vous en demandez une double évaluation, estimant que le témoignage des patients et des doulas devaient être recueillis, de même que devraient être consultés les dossiers obstétricaux des patientes. Nous ajoutons que les justifications ainsi données devraient également être confrontées à l'avis des sages femmes citées par le rapporteur. De telles procédures. si elles devaient être menées de façon crédible et exhaustive, se heurteraient nécessairement aux règles du secret professionnel. Elles ne nous paraissent donc pas possibles.

En conséquence, le passage incriminé dans le texte faisant référence aux dires des sages femmes, depuis « Des exemples ont été rapportés par les sages femmes... » jusqu'à «une indiscutable perte de chances pour l'enfant » ne figurera ni dans le rapport publié dans le Bulletin de l'Académie nationale de médecine, ni dans celui mis sur internet.

Veuillez agréer, madame, l'expression de nos salutations distinguées.

Professeur Roger HENRION
Président de la Commission X

Professeur Jacques-Louis BINET
Secrétaire perpétuel


Modif. August 19, 2009, at 12:04 AM<br />(:addThis username="xa-4b5388e32c732dfe" btn="lg-share":)

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