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Du dépistage au diagnostic non-invasif de la trisomie 21 : état de la recherche et attentes des usagers

Journée d'Enseignement Post-Universitaire sur le thème « Santé des femmes, suivi de la grossesse : tests de dépistage »
19 octobre 2007, École de Sages-Femmes Jeanne Sentibery, Centre hospitalier intercommunal de Poissy

Amélioration du dépistage

Le séquençage du génome humain et les grandes avancées de la génétique moléculaire ont permis d'identifier un nombre croissant de maladies génétiques, environ 5000 à l'heure actuelle. Pour une trentaine d'entre elles, un diagnostic prénatal est possible par prélèvement des cellules foetales du liquide amniotique ou des villosités choriales suivi de l'analyse moléculaire de leur génome. Malheureusement, l'acte invasif pour obtenir les cellules foetales n'est pas sans risque, pouvant déclencher une fausse-couche dans 1 à 3% des cas.

Depuis 2003, le CIANE suit donc avec beaucoup d'attention les travaux de recherche visant à un meilleur dépistage des trisomies, avec pour effet une diminution des diagnostics par amniocentèse. Pour commencer, il a fait le point sur l'expérimentation menée dans les Yvelines par mesure échographique de la clarté nucale et mesure des marqueurs sériques maternels au 1er trimestre de la grossesse (voir publication de Rozenberg, Bussières et collègues dans Gynécologie Obstétrique et Fertilité, 2007). Deux membres de cette équipe ont animé un atelier sur ce thème aux États généraux de la naissance (22-24 sept. 2006).

Par la suite, des représentants du CIANE ont participé aux travaux du groupe de la Haute autorité de santé (HAS) qui a publié une recommandation en santé publique évaluant l'opportunité de modifier la stratégie de dépistage prénatal de la trisomie 21 en France, à la demande conjointe de la DGS, du CNGOF et du CIANE.

Voir le compte-rendu et les liens : <http://wiki.naissance.asso.fr/index.php?pagename=RSPdepistageT21>

Du dépistage au diagnostic

  • Le dépistage, en médecine, consiste en la recherche d'une maladie ou d'un facteur de risque chez une personne qui ne se plaint pas de symptômes particuliers. ( Wikipedia)
  • Le diagnostic est un acte par lequel le médecin, en regroupant les symptômes et les données de l'examen clinique et paraclinique, les rattache à une maladie bien définie. (Dictionnaire Hachette)

S'il est vrai qu'aujourd'hui on dépiste un certain nombre d'anomalies foetales - ce qui peut conduire à une prise en charge adaptée à la naissance ou à une interruption médicale de grossesse - c'est au prix du sacrifice d'un nombre important de foetus sains. La fréquence de la trisomie 21 à la naissance en France est de 1/700 et le risque principal de l'amniocentèse est la fausse couche qui la complique dans environ 1% des cas. [...] De plus, une morbidité cachée et probablement au moins aussi importante de l'amniocentèse est l'accouchement prématuré à la suite de la rupture prématurée de la poche des eaux, qui n'est pas comptabilisée dans les fausses couches mais dont la morbidité périnatale est importante. (Yves Villes, Le dépistage prénatal doit être expliqué aux femmes enceintes mais aussi à leurs médecins < article>)

Sur 36 000 amniocentèses, cela fait, au minimum, 360 grossesses, par an, interrompues prématurément. Après la légalisation de l'IVG et la reconnaissance du droit de la mère à choisir de donner ou non la vie, ce taux semble être accepté comme un « mal mineur », sauf que - et la différence est de taille - les femmes et les couples sont confrontés à une fausse couche qu'ils ne désiraient pas et qui peut être vécue comme un traumatisme.

Les travaux engagés par l'unité INSERM U807 visent à la mise au point d'une méthode de diagnostic prénatal par analyse moléculaire des cellules foetales circulantes. Cette approche innovatrice est porteuse d'un espoir tangible de réduire encore le nombre de fausses couches iatrogènes ainsi que de limiter l'inflation d'actes invasifs anxiogènes en France et au delà de nos frontières. Le dispositif ISET-Oncologie (Isolation by Size of Epithelial Tumor cells, le terme Oncologie se référant à la pathologie qu'il est censé détecter) permet, grâce à une méthode de filtration d'un échantillon de quelques millilitres de sang à travers des pores de diamètre défini, d‘isoler un très petit nombre de cellules dont la taille est supérieure à celle des populations cellulaires normales, puis de les analyser. Ce dispositif ne fournit pas directement le diagnostic, la caractérisation des cellules éventuellement isolées doit être faite par un cytopathologiste qui engage sa responsabilité. La machine ne fait pas le diagnostic, elle ne fait que le rendre possible. Cette détection ouvrirait des perspectives d'identification plus précoce de certains cancers métastatiques. L'appareil de filtration permet aussi la détection de cellules foetales circulant dans le sang maternel. Des applications de diagnostic prénatal sont attendues : diagnostic de maladies chromosomiques (trisomie 21) et génétiques (mucoviscidose).

Un rêve a donc envahi les chercheurs quand, il y a environ 40 ans, il est apparu que des rarissimes cellules foetales franchissent la barrière placentaire et circulent dans le sang maternel. Ces cellules contiennent le génome foetal et pourraient permettre de dépister les maladies génétiques. Ce serait là une avancée spectaculaire et probablement le début d'une vraie révolution car la diffusion des progrès diagnostiques est beaucoup plus rapide, au niveau planétaire, quand il s'agit de tests sur simple prise de sang. Après les conquêtes historiques de la dissociation entre sexualité et procréation et entre conception et procréation, nous aurions enfin celle, fondamentale, entre le choix de garder ou non notre propre enfant dont la souffrance est inscrite dans les gènes et le risque de le perdre alors qu'il n'est pas malade. (Patrizia Paterlini-Bréchot, Méthode ISET de Diagnostic Prénatal sans risque de fausse-couche : Historique <http://wiki.naissance.asso.fr/index.php?pagename=IsetHistorique>)

L'intérêt de ce programme de recherche (engagé en partenariat avec la compagnie Metagenex) justifie l'engagement du CIANE sur le dossier ISET qui fait l'objet d'une bataille juridique dont le plus récent épisode a été la démission du Prof. Christian Bréchot, directeur de l'INSERM. Au-delà des problèmes éthiques que pose l'exploitation commerciale, en cancérologie, d'une technique n'ayant pas encore été validée et pour laquelle existeraient encore de nombreux faux positifs, il faut savoir que cette controverse met en péril le projet « Validation d'une technique innovante pour le diagnostic prénatal non-invasif de la trisomie 21 » dont le financement a été accepté par l'Agence nationale de la recherche ( ANR, programme RIB 2006). Depuis le 6 juin 2007, le CIANE interpelle les autorités de tutelle sur ce problème particulier jusqu'ici passé sous silence dans la presse.
Voir le dossier : <http://wiki.naissance.asso.fr/index.php?pagename=DossierDiagnosticPrenatal>

Aspects juridiques

La place du père

A l'inverse du diagnostic préimplantatoire sur l'embryon in vitro qui suppose « le consentement écrit des deux membres du couple », Le « père putatif » ne peut ni donner ni refuser de donner son consentement aux mesures préventives ou au diagnostic prénatal.

Il pourra par contre être amené à « donner un coup de main » puisque selon l'article L. 2122-3 CSP, « chaque fois que l'examen de la future mère ou les antécédents familiaux le rendent nécessaire, il est également procédé à un examen médical du futur père accompagné, le cas échéant, des analyses et examens complémentaires appropriés ».

Ce constat peut apparaître à la fois choquant, en raison d'une telle indifférence à l'égard du père et en même temps logique, du moins sur le plan légal, dès lors que la femme est seule à disposer de son corps (cet argument pouvant s'affaiblir dans le cas d'un diagnostic non invasif) et compte tenu du lien très fort existant entre diagnostic prénatal et avortement. Or concernant ce dernier point, il est désormais acquis que l'homme « n'a pas le droit le plus élémentaire de protéger sa propre descendance contre la volonté abortive de sa femme qui elle en revanche dispose du droit de vie et de mort sur sa progéniture » (J. B. d'Onorio, Loi Veil, réflexion sur un premier bilan : JCP G 1986, 3246).

Pour autant, le père devrait avoir le droit, même en l'absence d'un droit au consentement, de recevoir la même information que la mère. Or, ce n'est pas le cas. Le médecin informe « la patiente » (et elle seule) (art. R. 2131-2 ) et son attestation témoigne qu'il a apporté « à la femme enceinte » (et à elle seule), les informations nécessaires.

Un effort en ce sens devrait nous semble-t-il être fait. Une telle approche permettrait en outre de renforcer l'idée selon laquelle même si l'on ne peut nier que le diagnostic prénatal de la T21 reste étroitement lié à l'interruption de grossesse, cette dernière n'en constitue pas la seule finalité.

Pour une information complète et loyale

L'information donnée doit être au centre de l'organisation du dépistage puis du diagnostic. Et ce même en l'absence de possibilité thérapeutique ou même dans les cas où la femme (ou le couple) a déjà pris la décision de garder l'enfant.

Or, « Le corps médical semble admettre que la femme, candidate au diagnostic prénatal, soit interrogée sur ses intentions en cas de pronostic défavorable, et qu'un refus de prescription puisse lui être opposé si son intention est de garder l'enfant quoi qu'il advienne. Pour justifier cette démarche, on soutient que la nécessité d'une information médicale sur la gravité (éventuelle) de l'état de santé de l'enfant à naître devient caduque si la mère a pris, dès le départ, la décision de ne pas avorter : le but de l'information diagnostique étant d'éclairer la décision à prendre ». (Dictionnaire permanent Bioéthiques et Biotechnologies, « Diagnostic Prénatal » n°46)

Cette démarche est extrèmement critiquable, tant sur le plan légal que sur le plan éthique.

Sur le plan légal tout d'abord. L'examen sollicité a une finalité diagnostique que le médecin ne peut a priori refuser. Il est d'ailleurs très improbable qu'il puisse opposer la clause de conscience prévue par l'article 2212-8 al 2 du CSP, le diagnostic prénatal de la T21 ne pouvant être réduit à un acte préabortif.

Sur le plan éthique ensuite. Elle peut conduire à priver l'enfant d'un traitement précoce, notamment parce qu'il arrive qu'un diagnostic prénatal se révèle infirmatif sur un point, mais permette de découvrir une autre affection, insoupçonnée et curable. Par ailleurs, dans le cas de la T21, il est démontré que dans certains pays, un programme de dépistage de masse peut conduire à une diminution du taux d'abandon d'enfants atteints, sans augmenter le taux d'interruptions de grossesse.

Ce dernier point renforce l'idée que l'information doit être au coeur du dispositif, qu'elle doit être destinée au couple le cas échéant et non uniquement à la mère, et surtout qu'elle doit être complète.

Document préparé par Bernard BEL (AFAR) et Stéphanie FALZONE-SOLER (CIANE)
avec l'aide du GroupeCiane et de Patrizia PATERLINI-BRÉCHOT (INSERM)

Modif. February 25, 2017, at 02:11 PM<br />(:addThis username="xa-4b5388e32c732dfe" btn="lg-share":)

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