Déclencher l’accouchement au miso­pros­tol (cytotec) sans informer les femmes ni rechercher leur con­sen­te­ment : est-ce une bonne pratique?

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Le miso­pros­tol (Cytotec) est un médica­ment anti-ulcéreux dont un des effets sec­ondaires est de déclencher l’accouchement. Il n’a pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour cette indi­ca­tion. En France, la HAS indique en 2008(1) que “son util­i­sa­tion dans cette indi­ca­tion doit être réservée à des essais ran­domisés de puis­sance suff­isante pour en éval­uer le ratio bénéfices/risque, notam­ment les déchirures utérines”. La recherche n’a pas encore per­mis de con­clure sur les con­di­tions dans lesquelles il peut être util­isé de façon sûre. Or, des mater­nités l’utilisent pour déclencher les accouche­ments en fin de grossesse.

Est-ce un problème?

Pour cer­tains pro­fes­sion­nels, pas du tout. Dans un des arti­cles pub­liés à l’occasion de ses dernières recom­man­da­tions sur le dépasse­ment de terme(2), le Col­lège nation­al des gyné­co­logues obstétriciens français (CNGOF) indique, sans plus de mise en garde, que le miso­pros­tol fait par­tie des procédés util­is­ables sur utérus non cicatriciel.

Pour le CIANE, les con­di­tions dans lesquelles la tech­nique est util­isée actuelle­ment vont à l’encontre du droit des patientes à recevoir une infor­ma­tion com­plète et loyale, à pren­dre en toute con­nais­sance de cause des déci­sions qui con­cer­nent leur san­té et à se voir pro­pos­er les meilleurs traite­ments con­nus. En effet, les infor­ma­tions con­cor­dantes relayées par les patients et associations(3) mon­trent que :

1. Les mater­nités ou les pro­fes­sion­nels de san­té qui utilisent le miso­pros­tol n’informent pas les femmes du procédé util­isé, ni du fait qu’il est admin­istré hors AMM.

2. Ils ne pro­posent pas aux femmes de choix sur les modal­ités de déclenche­ment de leur accouchement.

Pour­tant, l’intérêt du miso­pros­tol par rap­port aux autres méth­odes ne fait pas l’objet d’un con­sen­sus ferme dans la com­mu­nauté médi­cale. Cer­tains risques sont con­nus (hyper­cinésie, avec ou sans mod­i­fi­ca­tion du rythme car­diaque foetal, déchirures utérines) et sont à met­tre en bal­ance avec l’efficacité. Il n’y a donc aucune rai­son d’ordre médi­cal pour que les préférences du prati­cien ou des motifs économiques pri­ment sur les préférences qui seraient exprimées par chaque femme concernée.

3. Les dos­es util­isées dans cer­taines mater­nités ne sont pas con­formes à celles pré­con­isées par les études inter­na­tionales, et il en est prob­a­ble­ment de même pour la voie d’administration

Sur les dos­es : seules les dos­es les plus faibles (25ug) doivent être util­isées. Cela est démon­tré par la lit­téra­ture, du moins pour la voie vagi­nale, et con­fir­mé dans les con­clu­sions du CNGOF. Nous savons que cer­taines mater­nités utilisent des dos­es doubles.

Sur la voie d’administration : les syn­thès­es mon­trent que la voie orale est plus sûre que la voie vagi­nale, ce qui amène cer­tains chercheurs à affirmer que les recherch­es doivent désor­mais porter sur la voie orale unique­ment. Le CNGOF n’apporte pas d’élément per­me­t­tant d’affirmer le con­traire, mais ses con­clu­sions lais­sent enten­dre que la voie vagi­nale peut con­tin­uer à être util­isée, parce que c’est la plus répan­due et la plus étudiée à ce jour. Pour les patients, il n’y a aucun intérêt à accepter la solu­tion dont on a prou­vé qu’elle était la moins sûre.

Le CIANE est favor­able à la recherche des meilleurs traite­ments, y com­pris hors AMM, à con­di­tion que cela se fasse dans le seul intérêt des patients, dans le respect de leurs droits et de leur sécu­rité. L’utilisation du miso­pros­tol, à ce jour, en France, ne répond pas à ces exigences.

Nous deman­dons que des recom­man­da­tions sur les modal­ités d’u­til­i­sa­tion du miso­pros­tol soient élaborées rapi­de­ment et de manière rigoureuse, que ces recom­man­da­tions soient large­ment dif­fusées et appliquées, qu’en tout état de cause, les femmes pour lesquelles ce mode de déclenche­ment est pro­posé reçoivent une infor­ma­tion com­plète et puis­sent don­ner leur accord. Nous invi­tons par ailleurs les autorités san­i­taires à se pronon­cer sur le car­ac­tère éthique de l’u­til­i­sa­tion de ce traite­ment en dehors du cadre d’es­sais cliniques.

 

Références

(1) Haute autorité de san­té. Recom­man­da­tions de pra­tique clin­ique : Déclenche­ment arti­fi­ciel du tra­vail à par­tir de 37 semaines d’amén­or­rhée http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_666473/declenchement-artificiel-du-travail-a-partir-de-37-semaines-d-amenorrhee
(2) Jour­nal de Gyné­colo­gie Obstétrique et Biolo­gie de la Repro­duc­tion Vol­ume 40, Issue 8, Decem­ber 2011, Pages 818–822 http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2011.09.026 et Modal­ités du déclenche­ment dans les grossess­es pro­longées Vol­ume 40, Issue 8, Decem­ber 2011, Pages 796–811 http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2011.09.021
(3) Voir par exem­ple le forum http://bebecyto.org
(4) Hofmeyr GJ, Gülme­zoglu AM, Pileg­gi C. Vagi­nal miso­pros­tol for cer­vi­cal ripen­ing and induc­tion of labour. Cochrane Data­base of Sys­tem­at­ic Reviews 2010, Issue 10. Art. No.: CD000941. http://dx.doi.org/10.1002/14651858.CD000941.pub2 et Alfire­vic Z, Weeks A. Oral miso­pros­tol for induc­tion of labour. Cochrane Data­base of Sys­tem­at­ic Reviews 2006, Issue 2. Art. No.: CD001338. http://dx.doi.org/10.1002/14651858.CD001338.pub2