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Le directeur de l'Inserm accusé de "conflit d'intérêts"

Martine PEREZ
Le Figaro, 15 octobre 2007 ( source)

Christian Bréchot, directeur de l'Inserm, a démissionné après un rapport d'étape de l'Igas que "Le Figaro" s'est procuré et qui conclut que celui-ci a fait preuve d'"imprudence".

JEUDI 11 octobre, la démission du Pr Christian Bréchot, forte personnalité scientifique jusqu'alors à la tête de l'Institut national de la santé et la recherche médicale (Inserm), a été entérinée par le Conseil des ministres.

Cette démission est consécutive à un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'Inspection générale de l'administration, de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) sur « Les relations entre l'Inserm et la société Metagenex », dont Le Figaro a obtenu une copie et qui conclut notamment : « Sans mettre en cause la probité du directeur général de l'Inserm, il semble que ce dernier se soit mis dans une situation juridique qui témoigne pour le moins d'une grande imprudence, car la situation de conflits d'intérêts paraît caractérisée. » Ce rapport d'étape, soumis pour analyse contradictoire à Christian Bréchot, retrace en détail la complexe affaire Metagenex qui concerne avant tout sa propre épouse.

L'affaire Metagenex commence en 1998, lorsque Patrizia Paterlini-Bréchot, chercheuse à l'Inserm et épouse de Christian Bréchot, découvre et fait breveter une technique permettant d'isoler des cellules cancéreuses dans le sang de malades (brevet A). D'autres brevets seront pris à partir de ce procédé, l'un pour faire du diagnostic prénatal à partir de cellules foetales isolées du sang maternel (B), un autre pour séparer des particules biologiques à partir d'un liquide (C), et enfin un troisième sur une méthode non invasive de détection prénatale de la mucoviscidose (D).

En novembre 2000, Patrizia Paterlini crée avec son mari la société Metagenex pour valoriser ses recherches. En mars 2006, David Znaty devient directeur général de Metagenex, jusqu'alors mal en point sur le plan financier.

En juillet 2006, David Znaty amène deux nouveaux investisseurs, Banexi et Axa, qui apportent 2,5 millions d'euros, tandis que l'Inserm s'engage lors de la signature d'un pacte d'actionnaires et d'un contrat d'investissement à transférer l'exploitation des brevets C et D à la société Metagenex. « L'annexe 5-14 du contrat donne la liste des brevets: il s'agit des deux brevets A et B ayant déjà fait l'objet d'un contrat de licence ainsi que des deux brevets C et D pour lesquels un avenant est attendu par Metagenex », peut-on lire dans le rapport de l'Igas. L'annexe 5-19 décrit « les contacts commerciaux déjà engagés précisant la présence d'une machine dans un centre privé... ».

Le noeud du conflit est là : depuis juillet 2006, l'Inserm refuse de signer les avenants au contrat permettant à Metagenex d'exploiter ces deux brevets C et D, Patrizia Paterlini estimant que l'usage fait de ces tests est non éthique et que ceux-ci ont été encore insuffisamment évalués. Metagenex considère que « l'Inserm fait preuve d'une position institutionnelle partisane et d'un non-respect de ses engagements d'octroyer une licence concernant les brevets C et D ». Ce blocage, selon David Znaty, que nous avons interrogé, vise à ce que la chercheuse de l'Inserm reprenne le contrôle de Metagenex.

« Intérêt et performances »

Selon les conclusions du rapport de l'Igas, les questions éthiques ne sont posées par Patrizia Paterlini qu'à partir du moment où le conflit devient patent. « Il apparaît à la mission que l'avis du Comité d'éthique de l'Inserm tel qu'il est rédigé ne peut être utilisé pour justifier le refus de signer l'avenant à la convention. » Par ailleurs, répondant au problème du manque d'évaluation, l'Igas soutient que « la validation scientifique du projet tarde en effet à se développer, mais cela depuis son origine ». Mais le rapport affirme aussi que « plusieurs équipes cliniques sont mobilisées pour développer cette méthode et en évaluer l'intérêt et les performances » et que « la société Metagenex accompagne cette demande ». De surcroît, l'Igas estime que « la volonté de commercialisation hâtive est partagée entre Metagenex et la chercheuse de l'Inserm ». Enfin, demandent les inspecteurs, « pourquoi surtout la chercheuse de l'Inserm a-t-elle accepté l'apport en capital de 2,5 millions d'euros si les conditions de signature de l'avenant ne lui semblaient pas réunies ? ».

En quoi le directeur général de l'Inserm, époux de Patrizia Paterlini, est-il concerné par cette affaire ? Selon le rapport de l'Igas, depuis la création de la société, Christian Bréchot a signé plusieurs actes ou documents concernant directement la vie de la société, et tout particulièrement une lettre adressée le 24 mai 2007 à David Znaty l'informant que l'Inserm refusait à ce jour de concéder l'avenant attendu par Metagenex. « Ce qui témoigne d'une grande imprudence... » affirme le rapport.

À la suite de ce rapport d'étape non encore finalisé, le directeur général de la santé et celui de la recherche ont adressé le 21 septembre dernier une lettre à Christian Bréchot, lui disant que la position juridique de l'Inserm dans ce dossier était fragile et l'engageant à signer cet avenant. Plutôt que de s'y plier, il a préféré démissionner, estimant qu'un tel engagement était contraire à l'éthique.


Des conclusions contestées

Le Figaro, 15 octobre 2007 ( Source)

Le directeur général de l'Inserm et le président du conseil de surveillance d'Inserm-Transfert, contestent les conclusions du rapport de l'Igas, estimant que beaucoup d'informations n'y sont pas prises en compte. « Ce rapport ne tient aucunement compte des missions de recherche et de valorisation au service de la santé publique dévolues dans leurs statuts à l'Inserm et de la dimension scientifique et éthique du dossier Metagenex, lequel ne se réduit pas à un simple conflit d'actionnaires, au demeurant secondaire... De graves réserves validées au plus haut niveau du monde scientifique et de la recherche ont été émises concernant la commercialisation par la société Metagenex du test Iset, en l'absence de toute validation clinique préalable, réserves qui sont à l'origine de la position de l'Inserm, mais dont le rapport ne tient pas compte, peut-on lire dans la réponse écrite adressée début octobre aux rapporteurs. L'avis des deux comités d'éthique consultés tout comme celui de l'Institut national du cancer sont particulièrement éclairants pour affirmer de façon très forte l'absolue nécessité de la validation de tels tests préalablement à toute commercialisation, avis que le rapport passe sous silence, voire dont il conteste la pertinence... Contrairement à ce qui est indiqué dans ce rapport, il n'existe strictement aucune situation de conflit d'intérêt auquel le directeur de l'Inserm serait confronté, bien au contraire... Attendait-on du directeur général d'un grand organisme de recherche publique, qu'au prétexte que sa femme était actionnaire majoritaire de Metagenex, il ferme les yeux sur ces agissements ? C'est bien cette attitude qui aurait caractérisé un conflit d'intérêts et non l'inverse. »


Commentaire

Novembre 5, 2007 7:47 par 82.250.223.211

Ah le fameux rapport des inspecteurs  !

Rappellons que ces derniers se sont vu adresser une lettre de mission leur demandant de s'intéresser « plus particulièrement au contexte éthique et de santé public dans lequel s'inscrivent les produits développés par la société Metagenex ». On aurait dès lors pu s'attendre à une argumentation ou tout au moins une description détaillée de ce contexte au lieu de quoi le rapport indique qu'il « est probable que le laboratoire LAVERGNE aurait dû être sollicité dans le cadre d'un protocole scientifique de validation des performances et des indications du procédé ISET » (p.23)... pour conclure de manière un peu plus surprenante encore que « la critique visant l'absence de préoccupation scientifique de Metagenex en ce qui concerne la validation des tests ne paraît pas fondée » (p.23).

Elle nous paraît tout à fait fondée, au contraire, et il est curieux que des inspecteurs de l'IGAS traitent avec autant de légèreté les obligations éthiques et légales préalables à la commercialisation d'un tel test. Ces derniers semblent ainsi suggérer que la réalisation d'études cliniques faites dans les règles est "conseillée" mais que l'on peut s'en passer...

Eh bien... Nous avons du souci à nous faire en tant qu'usagers, et dans l'attente d'un dénouement à cette histoire nous ne pouvons que nous réjouir que le rédacteur d'une telle curiosité ait échoué à L'IGAS et non à l'INSERM...

Non, bien évidemment on ne peut se contenter d'une telle approximation et seule la position de Mme PATERLINI, confirmée par le président de l'Institut National du Cancer dans son courrier du 13 juin 2007 , les deux présidents de l'université Paris V et INSERM TRANSFERT (tous deux copropriétaires des brevets) ainsi que par les récents avis du CCNE et du Comité d'Ethique de l'INSERM, s'impose. À savoir, la nécessité impérative de la validation clinique du test ISET préalablement à sa commercialisation.

Et pour cause... Peut être qu'aujourd'hui le laboratoire LAVERGNE ne trouverait pas un taux plus élevé de CTC dans le sang de sujets sains que dans celui des patients avec cancer ! Mais le rapport nous rassure immédiatement en indiquant que « rien ne s'oppose à l'utilisation faite du procédé par ce laboratoire » (p.23) OUF!

Il est vrai que nous ne sommes pas très charitables. Car même s'il n'est pas réfutable (ni réfuté... mais juste mis de côté) que METAGENEX n'a pas :

  • respecté le plan de développement scientifique qui avait été établi par elle et annexé au contrat de licence portant sur les brevets A et B signé en septembre 2003, ni
  • démarré le protocole clinique relatif au suivi du cancer du colon qui devait durer 18 mois, ni mis en place un suivi en vue de la coordination de l'achèvement et la mise en oeuvre des différents protocoles cliniques, auxquels elle devait participer directement et indirectement
  • ni par suite réalisé AUCUNE étude clinique...

... on peut relever malgré tout comme nous le mentionne l'inspecteur, « Plusieurs faits montrant qu'il existe un véritable effort d‘implantation des machines ISET en milieu de recherche » (de la part de Metagenex) » (p.22) et que « plusieurs équipes sont mobilisées pour développer cette méthode et en évaluer l'intérêt et les performances. La société Metagenex accompagne cette démarche » (p.22) Re OUF!

Bon on n'a toujours pas d'études cliniques validant le test mais en même temps il paraît qu'ils font des efforts et qu'ils accompagnent. (Ils assurent un service après vente en gros.)

Plutôt que de se focaliser sur un éventuel conflit d'intérêt, et prétexter que la loi n'encadre pas suffisamment la commercialisation de test diagnostic, les ministères de tutelle auraient dû refuser la démission de M. BRECHOT (sic), se féliciter du conflit d'intérêt supposé et prendre leur responsabilités en prenant les précautions contractuelles, c'est à dire conditionner les licences restantes au respect d'une conduite éthique, celle-là même que la loi n'aurait pas prévue !

Au lieu de quoi, les licences seront données sans aucune garantie... dans l'intérêt public paraît-il... :-(


Modif. May 17, 2009, at 12:02 PM<br />(:addThis username="xa-4b5388e32c732dfe" btn="lg-share":)

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