Com­mu­niqué de presse
7 Févri­er 2012

Aver­tisse­ment : un com­mu­niqué légère­ment dif­férent a été envoyé à un cer­tain nom­bre de cor­re­spon­dants du CIANE lun­di 6 févri­er. Nous avons souhaité apporter quelques mod­i­fi­ca­tions afin de clar­i­fi­er notre pro­pos, mais cela ne change en rien le fond de notre posi­tion. Mer­ci de faire référence plutôt à cette dernière ver­sion. Télécharg­er le com­mu­niqué (pdf) CP_Ciane_HPP_20120207 

Etude INSERM : l’ocytocine pen­dant l’accouchement est un fac­teur de risque indépen­dant d’hémorragie grave

Les hémor­ra­gies graves du post par­tum ont causé 61 décès mater­nels en France entre 2001–2006. [1]

Une étude menée par l’INSERM [2] pen­dant 2 ans en 2004–2006 dans plus de 100 hôpi­taux français, a mis en évi­dence une aug­men­ta­tion sig­ni­fica­tive des hémor­ra­gies du post-par­tum (HPP) graves lorsqu’on admin­istre pen­dant l’accouchement de l’ocytocine (ou oxy­tocine, hor­mone dont la forme de syn­thèse est le Syntocinon®)

Le risque d’HPP grave est pra­tique­ment dou­blé en cas d’administration d’ocytocine (X 1,8), il est de sur­croît pro­por­tion­nel à la quan­tité admin­istrée : quin­tu­plé (X 5,7) pour les plus hautes dos­es, c’est à dire celle observées dans 10% des accouche­ments avec ocy­tocine. [3]

Cepen­dant, l’administration préven­tive d’ocytocine juste après l’accouchement per­met de réduire le risque d’HPP grave et donc de com­penser dans une cer­taine mesure l’augmentation de risque liée à l’administration d’ocytocine pen­dant le tra­vail, sauf quand les dos­es admin­istrées pen­dant l’accouchement sont fortes.

Les mater­nités doivent en tir­er des leçons sans attendre

La volon­té des prati­ciens de con­trôler le déroule­ment de l’ac­couche­ment s’est traduite par un recours crois­sant à un cer­tain nom­bre de pra­tiques (déclenche­ment, accéléra­tion du tra­vail) dont l’ad­min­is­tra­tion d’o­cy­tocine est une com­posante essen­tielle: ceci per­met de com­pren­dre que, comme le mon­tre l’étude INSERM, elle soit dev­enue aujour­d’hui une pra­tique de rou­tine en France con­cer­nant ⅔ des accouche­ments par voie basse.

Compte tenu des risques asso­ciés à l’administration d’ocytocine, nous deman­dons aux pro­fes­sion­nels de san­té de remet­tre en ques­tion sans tarder les pro­to­coles d’accélération du tra­vail et de réserv­er les inter­ven­tions aux sit­u­a­tions dans lesquelles elles ont une indi­ca­tion pré­cise et validée. La même mod­éra­tion devrait s’appliquer con­cer­nant les déclenche­ments: en par­ti­c­uli­er, nous espérons la prise en compte des recom­man­da­tions du Col­lège nation­al des gyné­co­logues et obstétriciens français qui font le point sur les plages de déclenche­ment pour les grossess­es pro­longées [4].

Eradi­quer l’obstétrique du pompier-pyromane

Le mérite de cette étude de l’INSERM a été d’émettre et de tester l’hypothèse, dif­fi­cile­ment audi­ble quand l’étude a été lancée en 2005 [5], que des acci­dents graves pou­vaient être causés par les pra­tiques de ceux-là mêmes qui, ensuite, ten­taient de sauver les femmes.

Nous ne dou­tons pas que les pro­fes­sion­nels aient agi en toute bonne foi, suiv­ant le cre­do de l’obstétrique “plus on inter­vient, plus c’est sûr”. Cette atti­tude doit appartenir défini­tive­ment à l’histoire et faire place au principe du “pri­mum non nocere”, autrement dit : sur une femme qui va bien, on ne prend pas le risque d’intervenir sans savoir si, vrai­ment, c’est mieux.

Il faut agir : appel aux agences de san­té, sociétés pro­fes­sion­nelles, et pou­voirs publics

En coor­di­na­tion avec le col­lec­tif des asso­ci­a­tions et syn­di­cats de sages-femmes, nous avons présen­té en juin 2011 un dossier de demande de travaux à la Haute autorité de san­té (HAS) sur l’évaluation des inter­ven­tions et des modal­ités de sur­veil­lance au cours d’un accouche­ment à bas risque. Nous serons vig­i­lants à ce qu’il y soit don­né suite.

Par­al­lèle­ment, les résul­tats de l’étude INSERM plaident pour un réex­a­m­en sans délai des recom­man­da­tions sur l’hé­mor­ragie du post-par­tum, élaborées par le CNGOF et validées par la HAS en 2004. Nous déposerons une sai­sine en ce sens auprès de la HAS.

Le CIANE en appelle aux sociétés savantes — Col­lège nation­al des gyné­co­logues et obstétriciens français, Col­lège nation­al des sages-femmes — pour qu’elles attirent dès main­tenant l’at­ten­tion des prati­ciens sur les risques induits par l’u­til­i­sa­tion de l’o­cy­tocine et sou­ti­en­nent les démarch­es de révi­sion des recom­man­da­tions de pra­tique professionnelle.

Les pou­voirs publics ne peu­vent rester inac­t­ifs face aux résul­tats de ces études qui révè­lent que des procé­dures lour­des pour sauver des femmes (trans­fu­sions, hys­térec­tomies, admis­sions en réan­i­ma­tion…) ain­si que les trau­ma­tismes et séquelles asso­ciées – voire peut-être des décès – sont pour par­tie la con­séquence de pra­tiques obstétri­cales util­isées en routine.

Références

[1] Rap­port du comité nation­al d’experts sur la mor­tal­ité mater­nelle (CNEMM) 2001–2006. http://www.invs.sante.fr/publications/2010/mortalite_maternelle/rapport_mortalite_maternelle.pdf Sur 61 décès pour hémor­ragie du post-par­tum en 2001–2006, 33 ont été exper­tisés, par­mi lesquels 17 font suite à un accouche­ment par voie basse. Dans 9 cas, il y a eu déclenche­ment sans indi­ca­tion pré­cise et par­fois sans indi­ca­tion du score de Bish­op. Analyse clin­ique pp 23–26

[2] Oxy­tocin dur­ing labour and risk of severe post­par­tum haem­or­rhage: a pop­u­la­tion-based, cohort nest­ed case–control study. Bel­ghi­ti J et coll. BMJ Open 2011;1:e000514 doi:10.1136/bmjopen-2011–000514 http://dx.doi.org/10.1136/bmjopen-2011–000514 (texte inté­gral en accès libre)

[3] Il s’agit des risques ajustés. Les autres vari­ables pris­es en compte : âge mater­nel, indice de masse cor­porelle avant la grossesse, antécé­dent d’hémorragie post-par­tum, antécé­dent de cure­tage de l’utérus, prim­i­par­ité, déclenche­ment du tra­vail, fièvre > 38°C pen­dant le tra­vail, anal­gésie péridu­rale, durée de la phase active du tra­vail, durée des efforts expul­sifs, âge ges­ta­tion­nel, extrac­tion instru­men­tale, épi­siotomie, déchirure périnéale, poids de nais­sance. La pop­u­la­tion exclut les femmes ayant un antécé­dent de chirurgie utérine dont la césari­enne, les grossess­es mul­ti­ples, les morts foetales, les accouche­ments avant 37 semaines de ges­ta­tion, les accouche­ments par césari­enne, les femmes ayant des prob­lèmes de san­té et des mal­adies obstétri­cales (pre-exist­ing con­di­tions, obstet­ric disease)

[4] J Gynecol Obstet Biol Reprod 2011;40:693–962. Texte court sur le site du CNGOF http://www.cngof.asso.fr/D_TELE/RPC_gr_prolongee_2011.pdf

[5] https://ciane.net/Ciane/DossierHPP

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